Les applications d’alerte aux roquettes sauvent des vies et créent de l’anxiété
Les alertes par smartphones sont devenues un outil de sécurité important et un moyen pour les Israéliens de montrer leur solidarité. Or, certains disent qu'ils sont trop stressants
JTA – Il y a quatre ans, à la veille de l’opération militaire israélienne à Gaza, connue sous le nom de Bordure protectrice, un développeur avait créé l’application Red Alert [Alerte rouge], qui fournit une notification en temps réel lorsque des missiles ou des roquettes sont tirés sur Israël.
Depuis lors, Red Alert et les applications pour smartphones comme celle-ci sont devenus des outils pour sauver des vies, des sites de réseaux sociaux à part entière – et une source portative d’anxiété pour les Israéliens qui vivent déjà dans un état d’alerte élevé.
Alors que le Hamas et d’autres groupes terroristes ont à nouveau récemment tiré des centaines de roquettes sur des villes et des villages du sud d’Israël, des applications d’alerte ont de nouveau sonné et vibré dans tout le pays. Lorsqu’un journaliste a demandé sur Facebook si cela rendait les utilisateurs anxieux, les Israéliens ont rapidement répondu par l’affirmative.
« J’ai dû l’éteindre », a dit Izzy Berkson. « Ça me stressait beaucoup plus que prévu ».
Aviva Adler a dit qu’elle avait désactivé les notifications parce que « c’était trop angoissant ».
A l’intérieur des zones les plus susceptibles d’être ciblées, les applications sont devenues indispensables. Mais même ceux qui vivent à une certaine distance de Gaza disent qu’ils veulent savoir quand les missiles arrivent, souvent pour manifester leur solidarité avec leurs concitoyens israéliens.
« Je l’utilise, pour que chaque fois qu’il y a une sirène quelque part, je prie pour que les gens là-bas aient de la force et soient en sécurité », a dit Chana Shields Rosenfelder de Beit Shemesh, une ville du centre située entre Jérusalem et Tel Aviv.
Barbara Freedman, de Jérusalem, s’est faite l’écho de ce sentiment.
« J’ai installé une application pour être plus consciente de la souffrance de nos frères et sœurs du Sud et pour que ma vie ne soit pas ‘comme d’habitude' », a-t-elle dit.
Cette pulsion est ressentie même à des milliers de kilomètres.
Shmuel Katz, un immigrant américain vivant à Beit Shemesh, se souvient que son fils, qui était retourné aux États-Unis, avait eu des ennuis au travail parce que son téléphone ne cessait de sonner. Son fils a dû expliquer à un supérieur stupéfait que des dizaines de roquettes étaient lancées sur des citoyens israéliens et qu’il avait installé l’Alerte rouge pour « être informé et s’assurer que sa famille était en sécurité ici ».
Paul Frosh, professeur en communication à l’université Hébraïque, explique que ces applications s’inscrivent dans une tradition de technologies plus rudimentaires, notamment les cloches d’église et les sirènes, qui ont été utilisées non seulement pour signaler certains événements mais pour « connecter les gens entre eux dans l’espace et le temps ». Comme l’appel musulman à la prière ou la sirène de Shabbat qui retentit à Jérusalem, il dit que cela permet aux gens de « se sentir comme faisant partie de la communauté en même temps ».
Cependant, contrairement à ces méthodes précédentes, les utilisateurs des applications d’alerte modernes choisissent d’y participer et « font délibérément l’objet d’une diffusion d’urgence », a précisé M. Frosh. « C’est un moyen très puissant de solidarité et de cohésion sociale ».
Lorsqu’on lui a demandé s’il croyait que l’utilisation de telles applications contribuait à la propagation de l’anxiété au sein de la population, M. Frosh a répondu que cela était très probable. Mais ce qu’il trouve encore plus intéressant, c’est pourquoi les gens choisissent de se soumettre à cela.
« C’est presque comme si les gens se disaient ‘Je devrais être anxieux, je vis en communauté avec ces gens, même si ce sont des étrangers’, et c’est presque comme s’ils avaient une obligation morale de vivre cette anxiété », a-t-il ajouté. « Leur anxiété n’est peut-être pas bénéfique, mais ma participation à ce système d’urgence est un signe de solidarité et me fait me sentir plus proche d’eux ».
Pour d’autres utilisateurs, les applications répondent à un besoin plus pratique, même si le gouvernement et l’armée n’approuvent pas toujours.
Pendant le conflit Israël-Hamas en 2014, Daniel Tal-Or, qui vit dans l’implantation d’Efrat, près de Jérusalem, avait des problèmes avec le système officiel israélien de notification de raid aérien.
« Ma femme est malentendante et nous avons eu des problèmes avec les sirènes qui ne parvenaient pas à atteindre tout le monde » dans notre ville, se souvient-il. « Dans ce genre de situation, il est très important d’avoir des renforts ».
Alors que les missiles de Gaza pleuvaient à nouveau sur Israël, Tal-Or a créé sa propre version de l’Alerte Rouge. Assis devant son ordinateur, il a bricolé un logiciel qui avertissait les membres de sa famille sur le chat de l’application de communication Discord quand une roquette menaçait leur position.
Tal-Or a expliqué avoir utilisé les données du site Web du Commandement du Front intérieur de Tsahal pour la programmation de son logiciel.
« C’est toléré, mais pas officiellement approuvé », a-t-il dit. « Je soupçonne que la plupart des applications les utilisent ».
Selon Jameel, le pseudonyme de l’auteur du blog populaire Muqata, qui a également intégré des fonctions d’alerte aux roquettes dans son application, « non seulement le Commandement du Front intérieur n’est pas utile, mais les applications vont à l’encontre de sa volonté. Ils ne veulent pas de rapports précis parce que le Hamas s’en sert pour ajuster et améliorer ses tirs de roquettes contre nous ».
Cela n’a cependant pas empêché les programmeurs de développer ces applications ou les utilisateurs de les installer.
Yedidya Kennard, qui a développé l’une des premières applications de ce type sur Android pendant l’opération Bordure protectrice, a déclaré que même ceux qui ne sont pas sous le feu et les tirs veulent « rester en contact et se sentir connectés ».
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