Les candidats du RN qui font tâche : leurs propos antisémites, racistes et complotistes
L'une d'eux, Françoise Billaud, a partagé sur Facebook un hommage à Philippe Pétain et à l’abbé Perrot, figure locale de la collaboration
Malgré une tentative apparente de normaliser ses rangs, le Rassemblement national (RN) reste confronté à des controverses liées à des dérapages racistes, antisémites et homophobes de la part de certains de ses candidats, alors que le premier tour des élections législatives anticipées aura lieu dimanche 30 juin.
Le mercredi 19 juin, en une journée, le RN et son nouvel allié Eric Ciotti ont été contraints de retirer leur investiture à deux de leurs candidats après la révélation de messages antisémites, racistes ou encore homophobes sur les réseaux sociaux. Le lendemain, un troisième candidat a également été remercié pour les mêmes motifs.
Mais, retournement de situation, l’un des candidats en question, Joseph Martin, candidat aux législatives dans le Morbihan sous l’étiquette du Rassemblement national, a finalement été réinvesti par une commission interne au parti malgré la controverse suscitée par des anciens propos sur les réseaux sociaux.
En octobre 2018, sur X, Martin avait écrit que « le gaz a rendu justice aux victimes de la Shoah », en référence à la mort de Robert Faurisson, une figure négationniste notoire. Cette déclaration avait été mal interprétée selon lui par le journal Libération comme étant antisémite, alors que Martin expliquait que son tweet faisait allusion à une possible fuite de gaz liée à la mort de Faurisson. Lors d’une interview avec l’AFP, Martin s’était défendu en affirmant qu’il n’était aucunement antisémite et qu’il s’était exprimé il y a longtemps sur les réseaux sociaux contre la collaboration et le maréchal Pétain.
Le fait que Pétain,est été un héros durant la première guerre mondiale,n'excuse en rien sa collaboration avec les Nazis .Cet homme doit être banni et oublié de l'histoire en tant que héros.
— Joseph Martin (@JosephM90274599) November 7, 2018
Malgré la spécificité du cas de Joseph Martin, dont les propos controversés ont été clarifiés et justifiés selon ses explications, plusieurs autres candidats aux positions problématiques demeurent officiellement en lice sous les couleurs du RN pour ces élections.
Françoise Billaud
Candidate dans la première circonscription des Côtes-d’Armor, Françoise Billaud a partagé un hommage à Philippe Pétain sur sa page Facebook, ainsi qu’à l’abbé Perrot, figure locale de la collaboration. La publication montrait la tombe de Pétain, avec la légende « 23 juillet 1951, mort en détention de Philippe Pétain, Maréchal de France ». Fin mai, elle avait aussi relayé une image suggérant de soutenir « l’hétérosexualité pendant qu’elle est encore légale ». C’est la deuxième fois qu’elle se présente sous la bannière du RN dans cette circonscription, accompagnée d’Aurélien Métayer comme suppléant.
Agnès Pageard
Représentante du RN à Paris depuis 2017, Agnès Pageard a multiplié les propos complotistes, xénophobes et antisémites sur les réseaux sociaux. En février 2021, elle invitait sur son compte à « relire Henry Coston » (1910-2001), collaborateur notoire promouvant l’antisémitisme et l’antimaçonnisme. Pageard a également soutenu Cassandre Fristot, enseignante et ancienne membre du RN, condamnée en 2021 pour des gestes antisémites lors d’une manifestation contre le pass sanitaire.
Sophie Dumont
Candidate dans la quatrième circonscription de Côte d’Or, Sophie Dumont a, sur les réseaux sociaux, attaqué le parti Reconquête de manière insinuante : « Le petit geste qui trahit l’origine des fonds qui alimentent Reconquête », a-t-elle écrit en réaction à une prise de position favorable à l’abattage rituel musulman et juif. Dumont a également relayé des théories complotistes, allant jusqu’à prétendre que la première dame Brigitte Macron serait un homme et que l’Ukraine serait « le plus grand fournisseur d’enfants pour les réseaux pédophiles ».
Frédéric Boccaletti
Député RN sortant et réinvesti dans le Var, l’homme a fondé, en 1997, une librairie spécialisée dans les ouvrages d’extrême droite. Le nom de l’ancienne boutique, « Anthinéa », faisait référence à un livre de l’écrivain antisémite Charles Maurras (1868-1952). Frédéric Boccaletti a aussi été condamné en 2000 à un an de prison pour « violences avec armes » lors de collages d’affiches pour le parti de Bruno Mégret, dissident du Front national, l’ancêtre du RN.
Pas mal de candidats pro-Russie
En outre, le RN présente aussi des aspirants députés considérés comme favorables au Kremlin : dans le Cher, l’avocat de 33 ans Pierre Gentillet, chroniqueur sur CNews, est proche de Thierry Mariani – lui-même réélu eurodéputé il y a dix jours – et de son association Dialogue franco-russe. Après l’annexion de la Crimée, M. Gentillet a fondé en 2015 le « cercle Pouchkine », plateforme destinée à rapprocher la Russie et la France. Mais avec la guerre en Ukraine, la « donne a changé », a-t-il souligné à l’AFP, tout en contestant les « sanctions contre la Russie qui pénalisent les Français » et les discours « va-t-en guerre ». M. Gentillet s’est rendu aussi plusieurs fois en Syrie, notamment en 2016 pour une rencontre avec le président Bachar al-Assad, aux côtés de Thierry Mariani et de l’ancien président du Front national de la jeunesse, Julien Rochedy.
Dans le même registre, le RN soutient le maire LR de Maisons-Laffitte Jacques Myard dans les Yvelines. Habitué aux polémiques lors de ses déplacements en Crimée ou en Syrie, l’ancien député a critiqué dans une tribune les sanctions contre Moscou, assurant que « Poutine n’est pas le seul fauteur et seul responsable de cette guerre ». Dans le Val-d’Oise, Sébastien Meurant, ex-sénateur LR passé un temps chez Eric Zemmour, a été mis en cause pour avoir organisé au Sénat une « réunion » avec des parlementaires de tous bords sur le conflit ukrainien, qui s’était révélée être diffusée en direct sur une chaîne ukrainienne pro-russe.
Un autre candidat, Jonathan Rivière, qui se présente à La Réunion, a partagé plusieurs vidéos complotistes sur Facebook, pour dire que l’homme n’a « jamais marché sur la Lune » ou interroger le rôle de la CIA dans les attentats du 11 septembre 2001.
Des parcours sinueux
D’autres candidats ont eu des parcours très… sinueux. Membre du PS, du Parti radical, de l’UMP, « sarkozyste » de gauche, membre de cabinets ministériels sous les gouvernements Chirac, Rocard et Raffarin, candidat sur une liste UMP aux municipales à Paris en 2008 avant de soutenir la socialiste Anne Hidalgo pour la mairie en 2014… C’est finalement avec l’étiquette RN que Thierry Coudert briguera la troisième circonscription de la Côte-d’Or. De même, la médiatique cheffe cuisinière Babeth de Rozières, qui a tour à tour soutenu Anne Hidalgo, Valérie Pécresse, Emmanuel Macron puis Eric Ciotti, est candidate dans les Yvelines. L’ancien syndicaliste CFDT et FO Frédéric Weber, l’un des hérauts de la lutte pour le maintien des hauts fourneaux d’Arcelor Mittal, a été investi en Meurthe-et-Moselle. Une ancienne députée macroniste, Typhanie Degois, retente sa chance, cette fois sous les couleurs lepénistes, toujours dans la première circonscription de la Savoie.
Tous ces faits compromettent quelque peu les efforts de Marine Le Pen et de Jordan Bardella pour repositionner le RN sur l’échiquier politique, malgré les tentatives de normalisation du parti. La persistance de tels comportements et discours suscite une interrogation sur la capacité du RN à convaincre l’opinion publique de sa réelle transformation.
L’AFP a contribué à cet article.