Les responsables américains soulignent l’urgence des négociations avec l’Iran
Un sénateur dit que l'Iran pourra disposer de suffisamment de matière pour une bombe atomique d'ici 60 jours suite à une réunion "troublante et choquante" avec des diplomates
Les députés américains ont appris lors d’une réunion à huis-clos, cette semaine, que les États-Unis estiment que l’Iran pourrait être en possession d’une quantité de matière fissile suffisante pour fabriquer une arme nucléaire dans une poignée de semaines si la république islamique devait vouloir se doter d’une telle bombe, alors que des négociations internationales sont actuellement en cours pour trouver un terrain d’entente qui permettrait de rapidement redonner vie à l’accord sur le nucléaire moribond qui avait été signé entre Téhéran et les grandes puissances.
Les sénateurs américains ont déclaré être « choqués » et « déçus » lorsqu’ils ont quitté la salle de réunion, après la présentation de la situation qui a été faite par le négociateur américain Rob Malley et par l’envoyé à la Sécurité nationale Brett McGurk, mercredi, alors même que les négociateurs, à Vienne, ont signalé que les deux parties pourraient se rapprocher d’un arrangement qui permettrait aux États-Unis de réintégrer le JCPOA (Joint Comprehensive Plan of Action), presque quatre ans après le retrait des États-Unis par l’administration Trump.
Malley et McGurk ont indiqué aux législateurs que l’Iran pourrait être en mesure de fabriquer une bombe atomique « dans une poignée de semaines », selon Politico qui a cité les propos d’un démocrate de la chambre. Ils ont affirmé que la campagne de « pression maximale » de Trump avait rendu la région plus dangereuse en permettant à l’Iran de relancer son programme nucléaire.
C’est « troublant et choquant », a lâché à des journalistes le sénateur démocrate Chris Murphy en sortant de cet échange.
« S’il l’Iran fait le choix de se doter d’une arme nucléaire, le pays n’aura probablement besoin que de 60 jours pour développer le carburant nécessaire pour ce faire », a-t-il écrit dans une Opinion qui a été publiée jeudi dans le Time magazine, qui comportait un lien menant à un article de Politico consacré à l’affirmation que l’Iran ne serait qu’à quelques semaines d’un approvisionnement en matière fissile suffisant pour fabriquer une bombe.
« C’est une réalité effrayante pour nos amis au Moyen-Orient et en particulier pour Israël », a-t-il ajouté.
Au mois d’août, le ministre de la Défense israélien Benny Gantz avait estimé que Téhéran serait en mesure d’avoir suffisamment de matière pour fabriquer une bombe nucléaire dans les dix semaines à venir.
Michèle Flournoy, sous-secrétaire d’État à la Défense au sein de l’administration de Barack Obama, a déclaré à MSNBC News, jeudi, que le « breakout time » – compte à rebours – se compte dorénavant en semaines – « ce qui est réellement alarmant ».
« Nous sommes dans une situation vraiment dangereuse », a-t-elle continué.
Ces différentes évaluations sont autant de pressions exercées sur l’administration Biden, qui est ainsi poussée à conclure un accord avant que ce dernier ne devienne définitivement sans objet.
Les responsables impliqués dans les pourparlers ont indiqué être proches d’un arrangement et les experts s’attendent à ce qu’un accord soit conclu – ou à ce que les négociations soient définitivement rompues – dans les jours à venir.
« On saura s’il y a un accord ou non d’ici la semaine prochaine, » a commenté Ali Vaez, expert de l’Iran au sein du International Crisis Group, auprès de la journaliste Laura Rozen. « Il y aura soit la rupture, soit l’avancée définitive ».
Alors qu’elle se trouvait en Israël, jeudi, la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, a estimé que les pourparlers nucléaires avec l’Iran entraient « dans la dernière phase », ayant atteint « un point très critique ».
Mardi, le chef de la politique étrangère de l’Union européenne, Josep Borell, a déclaré lors d’une réunion que « nous en sommes aux derniers paliers des négociations ».
« Encore un mois ou encore un an en laissant en place la politique de Trump, c’est de la folie », a écrit Murphy dans le Time. « Le moment est venu pour l’équipe de négociateurs de Biden de faire les concessions judicieuses mais nécessaires qui permettront de relancer une forme ou une autre de l’accord sur le nucléaire d’Obama ».
Daryl Kimball, directeur exécutif de l’Arms Control Association, a affirmé qu’il n’y avait pas d’alternative positive à l’option consistant à se conformer à nouveau très rapidement à l’accord.
« Le fait est que sans retour rapide aux dispositions du JCPOA, il est plus que plausible, possible et même probable que l’Iran tentera de devenir un État du seuil nucléaire », a ajouté Kimball.
« Je pense que nous en sommes à un moment critique, à un moment grave et on va voir comment les choses vont évoluer », a commenté le sénateur Bob Menendez, président de la Commission des relations étrangères du sénat, auprès de l’AFP après la rencontre avec Malley et McGurk. « Mais je sors de cette réunion conscient des difficultés auxquelles nous sommes confrontés ».
Au début du mois, Menendez – un démocrate qui s’était opposé à l’accord de 2015 – avait mis en garde la Maison Blanche contre une remise en place de l’accord sous sa forme actuelle. « A ce stade, nous devons nous le demander très sérieusement : Que sommes-nous en train de nous efforcer de sauver ? », avait-il interrogé.
Mais les républicains disent qu’ils craignent que la hâte de la Maison Blanche à conclure un accord et à réimposer des règles à l’Iran n’amènent Biden à accepter un mauvais accord qui ne saurait pas prendre en compte la réalité actuelle du programme nucléaire iranien.
« Je pense que le seul accord possible, ce sera un mauvais accord. Et c’est précisément ce que je redoute – je crains que le fort désir de l’administration de conclure un arrangement ne l’entraîne à s’engager dans un accord qui serait mauvais », a déclaré le sénateur Marco Rubio, membre de la Commission des renseignements, à Politico.
Le sénateur Jim Risch, un républicain siégeant à la Commission des relations étrangères, a aussi fait part de son scepticisme.
« L’administration nous a promis – alors qu’elle était encore en train de faire la fête, buvant du champagne sous une pluie de serpentins et de confettis – que l’accord serait ‘plus long et plus fort’. Je pense qu’aujourd’hui, elle admet probablement elle-même qu’une telle possibilité n’est plus d’actualité », a-t-il déclaré, selon le site d’information.
La vice-secrétaire d’État Wendy Sherman a démenti, au cours d’un entretien accordé jeudi à MSNBC, les informations laissant entendre que l’Iran serait actuellement en position de force.
« Nous n’allons pas simplement accepter ce que l’Iran a à nous offrir », a dit Sherman. « Nous réintégrerons le JCPOA dans son intégralité si l’Iran, de son côté, s’y conforme pleinement. »
« Et toutes nos options restent sur la table, indépendamment de ce qui sera choisi ici », a-t-elle continué.
L’opposition à l’accord est forte à la droite de l’échiquier politique et 32 sénateurs républicains ont récemment écrit à Biden en disant que tout arrangement devrait être soumis « pour évaluation » au Congrès, avec la possibilité, pour ce dernier, « de bloquer sa mise en œuvre ».
L’administration Biden, de son côté, n’a pas encore répondu à ce courrier, considérant apparemment que tout accord conclu marquerait un retour à l’arrangement original, sans nouveautés qui seraient à approuver par les législateurs.
Les députés républicains ont aussi clairement établi qu’ils s’opposaient à la levée des sanctions économiques imposées à la république islamique, disant que cela équivaudrait à récompenser Téhéran pour « ses activités de déstabilisation ».
Pour Mark Dubowitz, qui dirige la Foundation for Defense of Democracies, un cercle de réflexion opposé à l’accord de 2015, les Iraniens « savent que le président Biden veut désespérément un accord ». « Donc ils tentent d’en tirer le maximum de concessions », dit à l’AFP cet expert qui plaide au contraire pour un retour de la « pression maximale ».
Le problème, aux yeux de Mark Dubowitz, est que « la boîte n’a pas de couvercle » et que, même s’il est sauvé, le texte sera selon lui encore plus laxiste que celui signé il y a sept ans. « Les Israéliens estiment que le ‘breakout time’ sera de quatre à six mois » dans un accord ressuscité, relève-t-il, soit « un tiers ou la moitié » de l’année prévue par le JCPOA.
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