L’Ethiopie impute la montée des eaux sur son barrage à l’avancée des travaux
L’Ethiopie estime le barrage essentiel pour son développement économique, mais l'Égypte - dont l'irrigation et l'eau potable dépendent à 90 % du Nil - le considère comme une menace
L’Éthiopie a reconnu mercredi que le niveau de l’eau retenue par le barrage géant qu’elle fait construire sur le Nil augmentait, affirmant qu’il s’agissait là d’une conséquence directe de l’avancée du chantier.
Appelé à devenir la plus grande installation hydroélectrique d’Afrique, le Grand barrage de la Renaissance (Gerd), construit sur le Nil Bleu (qui rejoint au Soudan le Nil Blanc pour former le Nil), est une source de forte tensions avec l’Égypte depuis 2011.
L’Ethiopie estime le Gerd essentiel pour son développement économique, alors que l’Égypte – dont l’irrigation et l’eau potable dépendent à 90 % du Nil – le considère comme une menace vitale.
Addis Abeba a plusieurs fois annoncé qu’elle entendait débuter les opérations de remplissage du réservoir du barrage en juillet, à une date non spécifiée, en plein cœur de la saison des pluies.
L’Égypte et le Soudan, situés en aval, estiment pour leur part qu’un accord global sur le barrage – et notamment la manière dont il est géré – doit être conclu avant que le remplissage ne débute. Les dernières discussions sous l’égide de l’Union Africaine n’ont pas débouché sur un accord en l’état.
« Le remplissage du Gerd est en cours, en phase avec le processus naturel de construction du barrage », a déclaré mercredi le ministre éthiopien de l’Eau Seleshi Bekele cité par les médias d’État.
Il n’a toutefois pas indiqué que l’Éthiopie avait débuté le remplissage du réservoir, d’une capacité de 74 milliards de mètres cubes.
L’Éthiopie est en pleine saison des pluies et un responsable sur le site du barrage a indiqué à l’AFP que le débit actuel du fleuve en amont du barrage, gonflé par les précipitations saisonnières, excédait la capacité des vannes du barrage à laisser passer l’eau en aval.
« Nous n’avons rien fermé et nous n’avons rien fait (au niveau de l’installation) » a déclaré ce responsable.
Un autre responsable éthiopien, conseiller au ministère de l’Eau ayant également requis l’anonymat, a souligné que l’eau continuait de se déverser en aval.
« À mesure que le chantier progresse, le niveau de l’eau retenue par le barrage va continuer de progresser, et c’est ce qui est en train de se passer, rien de plus », a-t-il expliqué.
Le Premier ministre éthiopien a récemment réitéré devant le Parlement qu’il entendait bien commencer à remplir le réservoir cette année.
« Si l’Éthiopie ne remplit par le barrage, cela revient à considérer que l’Éthiopie a accepté de le démolir », a-t-il fait valoir.
De son côté, William Davison, spécialiste de l’Ethiopie pour le groupe de prévention des conflits International Crisis Group, a souligné que « le gouvernement éthiopien n’a(vait) pas indiqué explicitement » pourquoi l’eau montait et rappelé que cette question « ne devait pas détourner l’Ethiopie, le Soudan et l’Egypte de leur tâche essentielle : continuer de discuter pour trouver un compromis sur les points de désaccord ».