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L’Europe a un problème ‘Juif’ dans certaines équipes de football

Les supporters de Tottenham ou de l’Ajax s’identifient souvent comme Juifs tandis que leurs rivaux adoptent l’antisémitisme

Sofyan Amrabat (G) du Feyenoord Rotterdam à la lutte pour le ballon avec Max Wober (à terre) de l'Ajax Amsterdam lors d'un match de championnat à Rotterdam, le 22 octobre 2017 (Crédit : AFP PHOTO / ANP / Olaf KRAAK )
Sofyan Amrabat (G) du Feyenoord Rotterdam à la lutte pour le ballon avec Max Wober (à terre) de l'Ajax Amsterdam lors d'un match de championnat à Rotterdam, le 22 octobre 2017 (Crédit : AFP PHOTO / ANP / Olaf KRAAK )

ROTTERDAM, Pays-Bas (JTA) — Sjuul Deriet, 17 ans, se tenant aux abords du principal stade de foot de cette ville portuaire durant un dimanche pluvieux, explique d’une manière saisissante pourquoi il déteste ces gens qu’il appelle « les Juifs ».

« C’est eux qui ont l’argent, c’est eux qui sont à la tête des entreprises à des postes de direction et ils pensent qu’ils valent mieux que les ouvriers comme nous », dit Deriet, qui travaille dans une société de restauration.

Oui, cette déclaration rappelle bien les clichés antisémites les plus typiques. Mais tout cela n’a rien à voir avec les Juifs en fait, se hâte de préciser Deriet auprès de JTA.

« Je n’ai rien contre votre peuple. Quand je dis que je hais les Juifs, je veux simplement parler des supporters de l’Ajax », dit-il, se référant à l’équipe de football d’Amsterdam, ennemie jurée du club de Rotterdam de Feyenoord dont Deriet est un fan.

Pour les non-initiés : Les supporters de l’Ajax sont souvent désignés sous le nom des « Juifs », probablement en raison de la présence historique des Juifs au sein de la capitale des Pays-Bas. Il y a plusieurs équipes de football, dans toute l’Europe, qui sont connues ainsi sous l’appellation de « Juifs » pour des raisons similaires, notamment le Tottenham Hotspur au Royaume-Uni — qui réunissait dans le passé une base forte d’admirateurs parmi les immigrants juifs du nord de Londres – ainsi que le Roma italien et le Bayern de Munich allemand.

Les supporters comme les adversaires désignent souvent les clubs comme étant « Juifs », ce qui peut créer des situations compliquées. Par exemple, il n’est pas peu banal lors des matchs que les fans de ces formations brandissent des drapeaux israéliens ou crient leur adoration pour « les Juifs ».

Dans le même temps, leurs détracteurs affichent souvent une haine acrimonieuse des « Juifs ». Une situation inconfortable qui, en fonction de l’individu que vous serez amené à interroger, est susceptible de nourrir le retour apparent de l’antisémitisme en Europe – ou d’être nourrie par ce dernier, selon le point de vue exprimé.

« L’antisémitisme dans les stades permet aux slogans de haine de revenir petit à petit dans la société au sens large », estimait Manfred Gerstenfeld, chercheur spécialiste de l’antisémitisme et membre du Centre de Jérusalem pour les Affaires publiques, dans un article paru en 2011 et intitulé « l’antisémitisme et les terrains de football néerlandais ».

L’article montrait notamment comment le slogan « Hamas, les Juifs au gaz » est passé aux Pays-Bas des stades de foot aux manifestations anti-israéliennes.

Dans le cas de l’Ajax, son surnom « juif » remonte aux années 1970. Il y avait la ville et sa communauté, Amsterdam, et l’équipe avait eu également en son sein plusieurs managers et joueurs juifs, notamment feu Johnny Roeg et Daniël de Ridder, comme l’avait expliqué un archiviste de l’Ajax Wim Schoevaart au réalisateur israélien Nirit Peled en 2012. Peled avait fait un film « Super Juifs », sur les liens entretenus entre les Juifs et l’équipe.

Ajax avait également de nombreux fans juifs parce que – hum – « ils jouaient bien et que les Juifs aiment avoir de la qualité contre leur argent », avait ajouté Schoevaart, décédé en 2013 à l’âge de 94 ans.

Photo d'illustration : Des fans brandissent une bannière antisémite durant un match de Ligue européenne à Belgrade entre le club britannique de Tottenham et le Partizan de Belgrade, le 18 septembre 2014 (Capture d'écran : YouTube/Danger News, illustration)
Photo d’illustration : Des fans brandissent une bannière antisémite durant un match de Ligue européenne à Belgrade entre le club britannique de Tottenham et le Partizan de Belgrade, le 18 septembre 2014 (Capture d’écran : YouTube/Danger News, illustration)

Les supporters du Hotspur se qualifient avec fierté de « youpins ». Basé dans le nord de Londres, où se trouvent la majorité des 250 000 Juifs de la ville, le club de Tottenham a également gagné sa réputation de « Juif » en raison de ses trois présidents, depuis 1982, qui appartenaient à la communauté.

Mais nulle part ailleurs, l’affiliation juive n’est plus forte que parmi les fans de l’Ajax, qui, comme le film, s’appellent entre eux les « super-juifs ». Ils brandissent des drapeaux israéliens géants durant les matchs, ils chantent ‘Hava Nagila’ dans les stades et portent des étoiles de David en pendentif autour du cou.

Les supporters du Hotspur de Tottenham dans les gradins durant une rencontre de Premier League entre le Hotspur et Liverpool au stade de Wembley le 22 octobre 2017 à Londres, en Angleterre (Crédit : David Ramos/Getty Images via JTA)
Les supporters du Hotspur de Tottenham dans les gradins durant une rencontre de Premier League entre le Hotspur et Liverpool au stade de Wembley le 22 octobre 2017 à Londres, en Angleterre (Crédit : David Ramos/Getty Images via JTA)

« Peut-être que ça peut paraître bête mais cela été un élément d’unité qui a rassemblé les fans », a commenté un supporter vétéran de l’équipe, Ronald Pieldoor, s’adressant à Peled. « Ils chantent les Juifs, ils en portent les symboles, alors il semblerait bien que cela fasse partie de l’identité de certains supporters d’Ajax ».

En même temps toutefois, cet emprunt de symboles juifs par des non-Juifs (ou « Juifs d’Ajax », comme se qualifient eux-mêmes les fans les plus fervents) attise certaines des expressions les plus explicites et provocatrices de discours antisémite sur le continent.

Sur Twitter, avant le match de dimanche à Rotterdam — qu’Ajax a remporté, 4 à 1 – les supporters de l’équipe rivale ont largement partagé une photo de deux garçons lituaniens juifs portant des étoiles jaunes, clichés qui avaient été pris juste avant leur assassinat par des collaborateurs nazis. Tournant leurs souffrances en ridicule, la photo était intitulée « Quand Amsterdam n’avait qu’une seule étoile ».

Les organisations juives ont condamné le tweet, disant qu’il s’agissait d’un nouveau niveau atteint dans une longue liste de plaisanteries et d’actes offensants – parmi lesquels le salut nazi dans les stades et les sons de sifflement en référence aux chambres à gaz faits par les équipes adverses lorsque les joueurs de l’Ajax arrivent sur le terrain. Une bannière anti-Ajax populaire dit « Adolf, en voilà encore 11 pour toi » – en référence aux 11 joueurs de la formation sportive.

En Italie, des fans de la Lazio ont laissé des clichés de la victime de la Shoah Anne Frank habillée dans un uniforme de la Roma dans le stade partagé par les deux équipes, ce qui a entraîné, cette semaine, la lecture d’extraits de son journal intime lors de tous les matchs dans le pays.

Tandis que des phénomènes similaires se produisent avec Tottenham et la Roma, ils sont particulièrement lourds de sens aux Pays-Bas, où les nazis et les collaborateurs ont tué 75% de la population juive d’avant-guerre dans le pays – le taux le plus élevé de toute l’Europe occidentale occupée par les nazis.

Des autocollants d'Anne Frank habillée dans l'uniforme de l'équipe de foot de la Roma ont été placés dans le stade par les fans de la formation rivale de la Lazio en Italie (Capture d'écran/Youtube)
Des autocollants d’Anne Frank habillée dans l’uniforme de l’équipe de foot de la Roma ont été placés dans le stade par les fans de la formation rivale de la Lazio en Italie (Capture d’écran/Youtube)

« C’est extrêmement blessant », a dit Ronny Naftaniel, membre du conseil d’administration néerlandais du CEJI, une organisation basée à Bruxelles qui promeut la tolérance à travers l’éducation.

Et pourtant, tout le monde ne semble pas estimer que les chants soient antisémites en soi. Pour Pieldoor, le fan vétéran de l’Ajax, ces slogans offensants n’ont rien à voir avec les Juifs et ne relèvent que du désir des fans de provoquer les supporters de l’Ajax.

Suite à des actes de hooliganisme meurtrier dans les années 1990, la police a imposé des mesures strictes durant les matchs, notamment l’interdiction de contingents issus des admirateurs de l’Ajax lors des matchs à domicile de Feyenoord et vice versa.

« Quand la police a décidé de nous séparer, on ne pouvait plus être l’un directement face à l’autre, on ne pouvait plus s’envoyer de bouteilles et donc, la seule chose qu’on pouvait encore faire, c’était l’agression verbale », a expliqué Pieldoor dans le documentaire « super Juifs ». Des propos qui pourraient être considérés comme antisémites dans un autre contexte ne le sont donc pas forcément dans un stade, a-t-il expliqué.

Les clubs et les stades de foot aux Pays-Bas et au-delà ont interdit dans leurs gradins certains supporters qui lançaient des slogans insultant ou saluant les Juifs. Plusieurs affaires pour incitation à la haine raciale sont passées ces dernières années devant les tribunaux contre des fans qui avaient lancé des slogans antisémites dans des rencontres.

Mais les nuances rattachées à ces slogans continuent à être à l’origine de confusion dans les médias européens. Au mois de janvier, la principale chaîne de télévision néerlandaise publique, NOS, a présenté ses excuses aux supporters d’une équipe d’Utrecht pour les avoir qualifiés d’antisémites parce qu’ils avaient entonné le slogan « les Juifs se rendent à l’abattoir » au cours d’un match contre l’Ajax. La chaîne s’est excusée pour avoir « exagéré et n’avoir pas tenu compte du contexte », a ainsi indiqué un porte-parole.

Et au début du mois, Marca, le quotidien sportif espagnol, a également présenté ses excuses pour un article dans lequel il affirmait – grossièrement mais d’une façon qui n’était pas tout à fait inexacte – que Tottenham était « haï par les fans de football en raison de ses origines juives ».

Au stade du Feyenoord, un tunnel de métal surélevé qui joint la gare au stade est un rappel silencieux de l’intensité des hostilités. Avant qu’ils ne soient interdits de stade, les fans de l’Ajax empruntaient ce tunnel sans fenêtre pour rejoindre leur section dans les gradins, isolée par un cordon.

« Cela fait des décennies que l’Ajax et Feyenoord sont en guerre », explique à JTA un supporter de Feyenoord âgé de 22 ans, Monti Ahmed. « Cela n’a rien à voir avec les Juifs, ils ont été amenés à le faire parce que ce sont les supporters de l’Ajax qui ont commencé à s’appeler eux-mêmes les Juifs ».

Les fans de Feyenoord Monti Ahmed, à gauche, et Sjuul Deriet,  à droite, aux côtés d'un ami, attendent d'entrer dans le stade De Kuip de Rotterdam, le 22 octobre 2017 (Crédit : Cnaan Liphshiz/JTA)
Les fans de Feyenoord Monti Ahmed, à gauche, et Sjuul Deriet, à droite, aux côtés d’un ami, attendent d’entrer dans le stade De Kuip de Rotterdam, le 22 octobre 2017 (Crédit : Cnaan Liphshiz/JTA)

Contrairement à Ahmed, qui pense que les supporters de Feyenoord devraient avoir le droit de crier ce qu’ils veulent, notamment au sujet des chambres à gaz, un autre fan présent à ses côtés, Hugo Mol, indique qu’il voudrait voir une intervention.

« Mais il faudrait que ça aille dans les deux sens », ajoute Mol, étudiant en droit âgé de 21 ans. « Les supporters de l’Ajax appellent ceux de Feyenoord ‘les cafards’ en référence à la manière dont nous avons survécu aux bombardements allemands en 1940 à Rotterdam. Mais personne ne fait d’histoire au sujet de cet abus sur une tragédie de guerre. Alors d’une certaine manière, ce sont les autres qui nous invitent à ce genre de comportement ».

La direction de l’Ajax a récemment interdit l’usage des drapeaux israéliens dans son stade. Et tandis que l’interdiction et les répressions exercées contre les supporters auteurs de slogans antisémites ont aidé à réduire leur prévalence dans les gradins, « les fans de l’Ajax trouvent des manières de continuer à mettre en avant des symboles juifs », dit Naftaniel, notamment des drapeaux des maccabiades, l’organisation sportive juive.

« Il doit y avoir une tolérance zéro pour les slogans antisémites dans les stades », dit Naftaniel. « Mais les fans de l’Ajax qui adoptent des symboles juifs sont en partie responsables du déclenchement de ce type de comportements ».

L’équipe du Times of Israel a contribué à cet article.

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