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Liban : de nombreux blessés dans des heurts entre policiers et militants chiites

Des dizaines de militants du Hezbollah et d'Amal, les deux partis chiites du pays, ont attaqué des camps de manifestants antigouvernementaux dans le centre la capitale

Un manifestant anti-gouvernemental lance des fusées contre la police anti-émeute, en arrière-plan, lors d'une manifestation près de la place du Parlement, au centre de Beyrouth, Liban, le 15 décembre 2019. (Crédit : AP Photo/Hussein Malla)
Un manifestant anti-gouvernemental lance des fusées contre la police anti-émeute, en arrière-plan, lors d'une manifestation près de la place du Parlement, au centre de Beyrouth, Liban, le 15 décembre 2019. (Crédit : AP Photo/Hussein Malla)

Des dizaines de personnes ont été blessées dans la nuit à Beyrouth dans des affrontements entre des forces de sécurité et des partisans de deux mouvements terroristes chiites, des violences qui interviennent dans un contexte de plus en plus tendu au Liban.

Cette montée des tensions complique davantage la crise politique et financière du pays, au bord de l’effondrement économique et vivant depuis deux mois au rythme d’un soulèvement populaire inédit contre la classe dirigeante, accusée de corruption et d’incompétence.

Si, globalement, ce mouvement déclenché le 17 octobre s’est déroulé sans incidents majeurs, la tension est montée d’un cran à partir du week-end dernier, qui a été marqué par des affrontements nocturnes entre manifestants et forces de l’ordre.

A cela s’ajoutent les heurts de lundi soir lors desquels des dizaines de jeunes militants du Hezbollah et d’Amal, les deux partis chiites du pays, ont tout d’abord attaqué vers minuit des camps de manifestants anti-gouvernementaux dans le centre de la capitale, déserts à cette heure de la nuit, selon un photographe de l’AFP.

Ces jeunes en colère, venus à pied ou à moto, s’en sont aussi pris aux forces de sécurité en leur jetant des pierres, des engins explosifs ou encore en incendiant des voitures. La police a répliqué en faisant usage de gaz lacrymogènes, selon la même source.

Un manifestant antigouvernemental donne un coup de pied dans une cartouche de gaz lacrymogène contre la police anti-émeute, lors d’une manifestation près de la place du Parlement, au centre de Beyrouth, au Liban, le 15 décembre 2019. (Crédit : AP Photo/Hussein Malla)

Ces heurts semblent avoir été provoqués par la diffusion sur les réseaux sociaux d’une vidéo non datée dont le contenu a été jugé « offensant et humiliant » par des membres de la communauté chiite.

Dans cette vidéo, un homme présumé originaire de la ville majoritairement sunnite de Tripoli (nord) et résidant à l’étranger s’en prend à des symboles sacrés du chiisme, l’une des principales branches de l’islam.

Ces affrontements ont fait des dizaines de blessés, dont 23 au mois ont été hospitalisés, selon la défense civile, qui n’a pas précisé s’il s’agissait de membres de forces de sécurité ou de militants chiites.

Quarante-trois autres personnes ont été soignées sur place, d’après la même source.

Outil du pouvoir ?

A Saïda (sud), des jeunes encagoulés ont aussi attaqué dans la nuit des camps de manifestants, détruisant certains d’entre eux, également inoccupés, selon un correspondant de l’AFP.

Ce n’est pas la première fois que les partisans du Hezbollah et d’Amal, dont les chefs sont conspués par les manifestants au même titre que les autres chefs communautaires dans ce pays multiconfessionnel, attaquent les manifestants ou leurs tentes dressées sur les places principales de plusieurs villes.

Des manifestants libanais brandissent le drapeau national pendant une manifestation anti-gouvernementale dans le centre-ville de la capitale Beyrouth, le 15 décembre 2019. (Crédit : ANWAR AMRO / AFP)

Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah – groupe terroriste chiite soutenu par l’Iran – a maintes fois balayé l’idée d’un gouvernement exclusivement formé de technocrates, comme le réclame la rue, en disant craindre une manipulation étrangère de la contestation.

Face au risque de glissement vers un terrain de confrontation sunnite-chiite, plusieurs activistes ont mis en garde lundi soir sur les réseaux sociaux contre la « discorde » communautaire.

Interrogé par l’AFP, le politologue Imad Salamey juge à ce titre possible une orchestration des heurts de lundi soir par le pouvoir.

« L’incitation à la haine confessionnelle est l’un des outils souvent utilisés (…) pour diviser les Libanais et affaiblir le mouvement dans la rue », dit-il.

Mais cette « veille méthode (…) ne réussira pas cette fois », avance ce professeur à la Lebanese American University (LAU), en arguant du niveau de maturité politique désormais plus élevé parmi les Libanais.

« Mur de la peur »

Le mouvement en cours, qui a dépassé ces clivages communautaires, a entrainé la démission le 29 octobre du Premier ministre Saad Hariri. Mais les tergiversations se poursuivent, sur fond de situation économique et financière profondément dégradée.

Le Premier ministre libanais Saad Hariri pendant une conférence de presse avec le président français Emmanuel Macron à l’Elysée, le 1er septembre 2017. (Crédit : Ludovic Marin/AFP)

Cette débâcle économique, que subissent des Libanais de tous bords, « a brisé le mur de la peur et les obstacles dressés entre communautés », affirme Imad Salamey.

Prévues lundi, des consultations parlementaires pour permettre d’avancer vers le choix d’un nouveau Premier ministre ont de nouveau été repoussées, à jeudi.

Le mouvement de contestation réclame le départ de l’ensemble de la classe politique actuelle, et la nomination d’un gouvernement composé uniquement de technocrates et de personnalités indépendantes des partis confessionnels.

Ils refusent la reconduction de M. Hariri à son poste, et quelques dizaines d’entre eux se sont rassemblés lundi en début de soirée près de son domicile.

La Banque mondiale prévoit une récession pour 2019 (au minimum -0,2 %) au Liban. La dette publique libanaise culmine à plus de 87 milliards de dollars, soit 150 % du PIB, l’un des taux les plus élevés au monde.

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