Israël en guerre - Jour 468

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Reportage

Malgré le cessez-le-feu, les habitants du nord craignent de rentrer chez eux

Bien que le conflit soit officiellement suspendu, de nombreux Israéliens vivant près de la frontière craignent d'autres "7 octobre" et de futures guerres avec le groupe terroriste

Un camion de déménagement, l'un des rares véhicules visibles dans ce quartier de Kiryat Shmona. (Crédit : Uriel Heilman/JTA)
Un camion de déménagement, l'un des rares véhicules visibles dans ce quartier de Kiryat Shmona. (Crédit : Uriel Heilman/JTA)

JTA – En empruntant l’embranchement le plus septentrional d’Israël, la Route 886, il est difficile de ne pas s’étonner de la proximité entre les Israéliens et leurs ennemis du groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah qui existait avant la guerre qui a commencé il y a plus de quatorze mois.

Dans la région connue sous le nom de « Etzba HaGalil » – ou la péninsule de Galilée -, la Route 886 s’étend du sud au nord le long de la crête de Ramim, une chaîne de 914 mètres d’altitude située dans les monts Naftali. Elle passe par de petites villes israéliennes et des kibboutzim qui surplombent la luxuriante vallée israélienne de Hula à l’est et un petit nombre de villages libanais à l’ouest. La route se termine à Misgav Am, un kibboutz historique situé juste à la frontière, plus proche du village libanais d’Odaisseh que de n’importe quelle ville d’Israël.

Lorsque j’ai parcouru cette route quelques jours après l’annonce du cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah, et peu avant l’entrée des troupes israéliennes dans la Syrie voisine après la chute du gouvernement, les signes de la guerre étaient omniprésents.

Dans une clairière, des cartouches d’artillerie usagées et des détritus abandonnés par les soldats étaient éparpillés sur le sol. Les arbres brûlés par les incendies provoqués par les échanges incendiaires entre les deux camps étaient courbés à des angles bizarres. La route, rongée par les chars et l’équipement militaire lourd, est pleine de gros nids-de-poule et de traces de pas. Des bermes de béton se dressent aux endroits où Tsahal a façonné des itinéraires de fortune pour pénétrer au Liban. Une aire de pique-nique au bord de la route est couverte de boue, vestige d’une aire de transit pour les véhicules militaires.

Au kibboutz Manara, où, en des temps meilleurs, les touristes pouvaient descendre en gondole le long de la crête escarpée jusqu’à une base située juste à l’extérieur de la ville israélienne de Kiryat Shmona, la Route 886 est au ras de la frontière. Le kibboutz est si proche du Liban qu’un terroriste du Hezbollah pourrait, en théorie, entendre un bébé israélien pleurer à Manara, situé à moins de 100 mètres de là.

Lorsque je me suis arrêté pour prendre quelques photos, j’ai entendu un véhicule de l’ONU mettre le contact à un poste de la FINUL du côté libanais de la frontière.

Des obus d’artillerie israéliens usagés dans la forêt témoignant des vestiges laissés par la guerre. (Crédit : Uriel Heilman/JTA)

Je n’avais pas l’impression de risquer ma vie, pour la simple raison qu’il y avait encore des soldats israéliens du côté libanais. Selon les termes du cessez-le-feu en vigueur, Israël dispose de 60 jours pour déplacer ses troupes hors du pays. Les villages libanais proches de la frontière restent inoccupés et, dans de nombreux cas, largement en ruines, et Tsahal a prévenu les résidents libanais qu’ils ne pouvaient pas encore y retourner.

Aucun ordre de ce type n’a été donné aux Israéliens qui, pour la première fois depuis plus d’un an, peuvent enfin rentrer chez eux dans le nord de la Galilée sans être menacés par des attaques imminentes de drones et de véhicules aériens sans pilote (UAV) du Hezbollah, par des roquettes, des tirs antichars ou des infiltrations.

Cependant, la plupart des Israéliens vivant ici ne sont pas encore revenus.

« Il y a beaucoup de choses que les gens ne savent pas », a déclaré Shani Atsmon, de Kiryat Shmona, à propos du Hezbollah. Elle vit dans un hôtel et n’est pas encore retournée en ville.

« À tout moment, ils peuvent entrer en Israël avec des parapentes, comme le [groupe terroriste palestinien du] Hamas l’a fait le 7 octobre [2023]. Il y a peut-être des tunnels. Ils sont toujours aux frontières. Je ne veux pas risquer ma vie. Ils peuvent venir de n’importe où, du Liban ou de la Syrie. C’est effrayant. »

Contrairement au sud du Liban, où les routes ont été envahies par les habitants dès l’annonce du cessez-le-feu, le 27 novembre, les communautés du nord d’Israël qui se sont vidées à cause de la guerre sont toujours des villes fantômes. Aucune école n’est ouverte, les banques sont pour la plupart fermées, les dispensaires ne fonctionnent pas et il n’y a pratiquement aucun endroit où acheter de la nourriture. Le gouvernement continue de financer l’hébergement des personnes évacuées, et de nombreuses familles avec enfants ont déjà fait savoir qu’elles ne reviendraient pas avant la fin de l’année scolaire, dans six mois au plus tôt.

La chute du régime du dictateur syrien Bashar el-Assad ce mois-ci en Syrie ne fait qu’ajouter à l’incertitude. Alors que l’armée israélienne a mené une vaste campagne de bombardements pour réduire les capacités offensives de toute future armée syrienne, les troubles en Syrie et la chute de Damas aux mains d’une milice islamiste nous rappellent que les menaces qui pèsent sur la région frontalière du nord d’Israël ne sont jamais bien loin.

« Nous ne nous sentons toujours pas en sécurité », a déclaré Revital Gabay, une infirmière qui a été évacuée de Kiryat Shmona et qui vit dans un hôtel situé à l’extérieur de la ville.

Miri Ben Shaanan (à gauche) et Shani Atsmon (à droite) font partie de la centaine de personnes évacuées de Kiryat Shmona qui vivent au Yarden Boutique Hotel, non loin de Yesod HaMaala. (Crédit : Uriel Heilman/JTA)

« Vendredi, je suis rentrée chez moi cinq minutes pour aller récupérer quelque chose et j’ai entendu des tirs d’artillerie de l’armée. Nous savons que le Hezbollah se trouve de l’autre côté de la barrière et qu’il nous observe. Nous aurons encore deux ans de tranquillité, puis, à un moment donné, il y aura une guerre et nous serons renvoyés à l’âge de pierre. »

La question qui déterminera l’avenir du nord d’Israël

Je me suis rendu dans la zone de guerre du nord d’Israël pour découvrir ce qu’il reste de cette période liminale entre la fin visible de la longue guerre avec le Hezbollah et la reprise d’une vie normale. Ce que j’ai découvert, c’est que si certaines communautés de la ligne de front, comme Metoula, ont subi d’importantes destructions, la principale ville de la région, Kiryat Shmona, et de nombreuses villes et kibboutzim environnants n’ont subi que des dégâts limités.

Certes, il y a des maisons à reconstruire, des forêts à restaurer, des entreprises en ruine à reconstruire et des routes abîmées à réparer. Les autorités gouvernementales israéliennes estiment à plus de 420 millions de dollars les dommages directs subis par les 82 communautés israéliennes de la zone frontalière, y compris les dégâts causés aux maisons, aux bâtiments publics et privés, aux infrastructures telles que l’électricité et l’eau, à l’agriculture, à l’équipement et aux véhicules. Si l’on ajoute les pertes indirectes, telles que les compensations pour le manque à gagner (par exemple, si une exploitation agricole n’a pas pu produire les grenades qu’elle produit habituellement), le coût total de la guerre dans le nord est estimé à 1,4 milliard de dollars, sans compter les dépenses militaires.

Par ailleurs, 125 soldats et civils israéliens ont été tués dans le conflit avec le Hezbollah qui a débuté le 8 octobre 2023, lorsque ce dernier a attaqué Israël au lendemain du pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre 2023 dans le sud d’Israël, au cours duquel plus de 1 200 personnes ont été assassinées et 251 ont été prises en otage et emmenées de force à Gaza.

Toutefois, compte tenu de l’intensité et de la durée des attaques, la région s’est bien mieux tirée lors de l’épreuve de force avec le Hezbollah que ne l’avaient prévu les analystes militaires. Cela témoigne de l’efficacité des succès militaires écrasants d’Israël au Liban, en plus de ses défenses intérieures telles que le système de défense anti-missile « Dôme de fer », les alertes aux raids aériens, les nombreux abris anti-bombes et, de manière quelque peu controversée, la décision d’évacuer plus de 60 000 habitants de la région.

Il semble que les dommages les plus durables dans le nord soient d’ordre psychologique, avec des implications à long-terme encore plus graves pour l’avenir de la Galilée que le bilan physique de la guerre.

Plus que tout, les habitants sont traumatisés par la crainte que ce qui s’est passé dans le sud d’Israël le 7 octobre puisse également se produire ici. Si ce n’est pas dans un avenir proche, mais dans plusieurs années, lorsque leurs enfants en paieront le prix.

De nombreuses parcelles de forêt brûlées, sur la crête de Ramim, qui surplombe la vallée de Hula, en Israël. (Crédit : Uriel Heilman/JTA)

« Nous avons vécu ici en toute tranquillité pendant vingt ans, mais nous n’avons jamais oublié qu’ils nous haïssent », a déclaré Zahava Zarad, 61 ans, résidente de Kiryat Shmona, à propos de ses voisins du Hezbollah, sui se trouvent de l’autre côté de la frontière, au Liban.

« Je veux que l’armée détruise le Hezbollah sans les avertir à l’avance. Leurs petits-enfants d’aujourd’hui sont les terroristes qui viendront un jour assassiner mes petits-enfants. Il faut les détruire collectivement, pas un par un. C’est ce que je ressens. »

La question cruciale pour Israël est de savoir s’il est possible d’apaiser les inquiétudes de ses habitants en terme de sécurité. Si ce n’est pas le cas, le nord de la Galilée aura du mal à conserver sa population, et encore plus à attirer de nouveaux arrivants. La région pourrait alors tomber dans une spirale descendante, avec le départ des familles, la faillite des entreprises et l’effondrement des prix de l’immobilier.

Si cela se produit, les conséquences du 7 octobre 2023 se feront sentir sur plusieurs générations.

« Seuls ceux qui aiment vraiment cet endroit reviendront – ou ceux qui n’ont pas d’autre choix », a déclaré Zarad.

La crête de Ramim, dans la ligne de mire

Bordé par le Liban à l’ouest et au nord, Etzba HaGalil est particulièrement vulnérable aux attaques ennemies.

Tout au long de la guerre, le Hezbollah a utilisé des roquettes et des drones pour attaquer des cibles israéliennes aussi éloignées que la métropole de Tel Aviv. Mais les communautés israéliennes les plus proches constituaient ses cibles les plus faciles à atteindre. Elles pouvaient être atteintes à l’aide de roquettes à courte portée, d’artillerie et d’une arme particulièrement agile et mortelle contre laquelle Israël a eu du mal à se défendre : les obus antichars.

Cet immeuble d’habitation porte les cicatrices d’une frappe de guerre sur la route devant l’immeuble. (Crédit : Uriel Heilman/JTA)

Contrairement aux roquettes, qui décrivent un arc de cercle et peuvent être interceptées par le Dôme de fer, les obus antichars volent droit comme une balle, peuvent être tirés à l’aide de systèmes montés sur l’épaule, arrivent souvent sans avertissement et peuvent traverser les abris israéliens appelés « mamad » comme s’il s’agissait d’une boîte de conserve. Par conséquent, toute communauté israélienne ayant une ligne de vue directe sur le Liban et se trouvant dans le rayon d’action des tirs antichars – environ trois ou quatre kilomètres – peut devenir un endroit très dangereux.

C’est en partie pour cette raison que l’ordre d’évacuation israélien s’appliquait à toutes les communautés situées dans un rayon de 4,5 kilomètres de la frontière.

Les communautés situées au sommet de la crête de Ramim, dont certaines jouxtent la frontière, étaient particulièrement exposées.

À Ramot Naftali, une ville pittoresque située sur la crête qui compte en temps normal environ 550 habitants, le viticulteur Yitzhak Cohen, 75 ans, est l’un des rares habitants à être resté chez lui pendant toute la durée du conflit. Il est propriétaire d’un domaine viticole qui produit environ 15 000 bouteilles par an et cultive ses raisins sur un terrain de 1,6 hectare dans la vallée de Kedesh, sur le versant ouest de la crête, à la vue des villages libanais situés à environ trois kilomètres de là.

« Je suis né ici. J’ai connu toutes les guerres qui se sont déroulées ici. Cette guerre a été très étrange, très atypique », a déclaré Cohen, dont la maison se trouve juste derrière l’installation où le vin est vieilli et mis en bouteille.

« L’évacuation de tous les résidents était exagérée. Je n’ai pas consenti à être évacué. »

Le vignoble de Ramot Naftali a fonctionné normalement pendant toute la durée de la guerre, grâce à une équipe réduite d’Israéliens et de travailleurs thaïlandais. Ils ont continué à travailler au milieu des sirènes d’alerte, des attaques du Hezbollah et d’une pluie d’éclats d’obus qui semblait inépuisable.

« Tous les matins, on trouvait des éclats d’obus ici. Mais cela ne nous a pas découragés. Nous avons continué à avancer », a déclaré Cohen.

Le viticulteur Yitzhak Cohen resté dans sa maison de Ramot Naftali pendant toute la durée de la guerre, alors que presque tout le monde avait été évacué. (Crédit : Uriel Heilman/JTA)

L’accueil des visiteurs de la cave, source importante de revenus grâce aux dégustations collectives, aux repas gastronomiques et aux événements spéciaux, a été fermé. Le premier groupe à revenir après la guerre est arrivé la veille de ma visite.

« Pour l’instant, c’est plutôt triste ici. J’attends que les habitants reviennent dans la ville », a expliqué Cohen.

« On voit maintenant, le week-end, des familles avec des enfants qui reviennent pour se rendre compte de la situation. »

Mais les familles ne restent pas. Cohen n’arrive même pas à faire venir ses petits-enfants.

Des soldats israéliens sur le site où des personnes ont été gravement blessées lorsqu’un missile tiré depuis le Liban a touché la zone de la falaise de Ramim, près de la frontière israélienne avec le Liban, le 19 septembre 2024. (Crédit : Michael Giladi/Flash90)

Ce matin-là, il m’a raconté qu’il avait eu une discussion animée au téléphone avec son gendre, qui ne se sentait pas à l’aise à l’idée que ses enfants rendent visite à leur grand-père sur la ligne de front. D’après Cohen, les enfants sont impatients de venir.

Il a soupiré. Pendant la guerre, l’épouse de Cohen partageait son temps entre Raanana, où vit l’une de ses filles, et la maison, où elle passait les week-ends avec son mari. Mais au cours de l’année écoulée, Cohen n’a vu ses petits-enfants qu’une fois par mois, ce qui est relativement rare pour les Israéliens.

Cohen m’a accompagné derrière la cave et m’a montré le poulailler situé à côté de sa maison, où ses petits-enfants ramassent les œufs chaque fois qu’ils viennent lui rendre visite. En l’absence de sa famille, les poules produisent plus d’œufs que Cohen ne peut en manger ; il donne le surplus à ses voisins. Cohen s’est approché du plaqueminier derrière moi, a cueilli l’un des kakis orange vif, l’a essuyé sur son tee-shirt et en a pris une bouchée, m’invitant à faire de même.

« Je considère que le gouvernement a commis une erreur en évacuant les habitants. Je ne dis pas que quelqu’un qui a peur, qui a des enfants, devrait être empêché de partir, mais le fait que ce soit le gouvernement qui prenne l’initiative a été une terrible erreur », a déclaré Cohen.

« Si les villes avaient été pleines, le Hezbollah n’aurait pas osé faire ce qu’il a fait en l’absence d’habitants. S’ils avaient touché une seule famille, nous l’aurions anéanti. Ils auraient pris peur. »

Lors de la guerre de 2006 menée contre le Hezbollah, Cohen se souvient qu’une roquette Katioucha a atterri dans son jardin alors que ses filles se trouvaient dans la maison. Il n’est pas certain que cette anecdote étaye son argumentation.

J’ai posé à Cohen la question que tout le monde se pose : quand ses voisins reviendront-ils ?

« Cela dépend des circonstances, de la perception qu’ont les gens de leur propre sécurité, de leur sécurité financière », a-t-il répondu.

Plantations brûlées au kibboutz Yiftach, dans le nord d’Israël, lme 4 décembre 2024. (Crédit : Chen Leopold/FLASH90)

À l’extérieur du kibboutz Yiftah, une autre communauté située sur la crête de Ramim, à environ trois kilomètres du Liban, j’ai rencontré un homme et ses trois enfants adultes qui récoltaient des olives le long de la route.

Début décembre, c’est généralement tardif pour récolter les olives, qui sont pratiquement prêtes à tomber d’elles-mêmes. Mais Arik Aharon et ses enfants, qui vivent tous à Yiftah en temps normal, sont arrivés juste à temps. Ses deux fils et sa fille ont déployé un long filet pour attraper les fruits, qu’ils secouent de l’arbre à l’aide d’un cueilleur mécanique qui ressemble à une fourche avec des doigts mobiles. Les olives devront être pressées immédiatement ; pendant la saison de la récolte, un pressoir peut rester ouvert toute la nuit pour traiter les olives fraîchement cueillies. Les Aharon n’obtiendront probablement que quelques kilos d’huile d’olive cette année grâce à leur travail à la hâte.

Mais c’est mieux que rien. L’année dernière, les arbres n’ont pas été vendangés, m’a confié Arik. Lui, ses enfants et leurs familles avaient tous été évacués vers le sud.

« Nous ne sommes pas rentrés chez nous », a dit sa fille, Or.

La famille Aharon venue récolter des olives juste à l’extérieur du kibboutz Yiftah, à la frontière libanaise, le 3 décembre 2024. (Crédit : Uriel Heilman/JTA)

« Il n’est pas possible de retourner vivre à Yiftah. Mais il est possible d’y récolter des olives. »

Quand reviendront-ils ?

« Je ne me sens pas en sécurité maintenant ; ce n’est pas à l’ordre du jour », a expliqué Or.

« J’ai une petite fille. Nous sommes à 1 000 mètres de la frontière. Je ne reviendrai pas tant que je ne me sentirai pas en sécurité. »

« Qu’est-ce qui vous permettra de vous sentir en sécurité, alors ? », lui ai-je demandé.

« Je n’ai pas de réponse. »

Kiryat Shmona, une ville déserte

À mon arrivée à Kiryat Shmona en début d’après-midi, je me suis garé dans le parking du centre commercial situé à l’entrée sud de la ville pour manger un morceau. Ce parking est entouré de chaînes de restaurants israéliennes et internationales : McDonald’s, Pizza Hut, Café Neeman, la boulangerie Biga.

Mais en sortant de ma voiture, je me suis rendu compte qu’ils étaient tous fermés. C’est normal, je le comprends bien. Cela fait quatorze mois qu’ils prennent la poussière, que leurs clients et leurs employés sont partis. La réouverture sera plus compliquée que d’appuyer sur un interrupteur et de rallumer les fours. Les équipements devront être nettoyés, les dégâts réparés, des employés recrutés. Et surtout, il faudra qu’il y ait des clients.

La seule activité dans cette zone commerciale est celle du supermarché, qui est resté ouvert pendant toute la durée de la guerre. Beaucoup de ses clients portent des armes automatiques. Il s’agit soit de soldats en uniforme, soit de membres des brigades de sécurité locales qui sont restés ici pendant toute la durée de la guerre, payés par le gouvernement pour protéger leurs propres communautés.

Je me suis dirigé vers le centre-ville et je me suis garé sur la rue principale de Kiryat Shmona. La dernière fois que je m’étais rendu dans cette rue, au début du mois d’avril, le seul restaurant encore en activité était un restaurant familial de shawarma appelé Baguette Shlomi, qui était resté ouvert pour servir les soldats déployés dans la région et quelques habitants restés sur place. Alors que nous interviewions l’un des propriétaires du restaurant, nous avons été interrompus par une alerte et avons dû nous précipiter dans la cuisine pour nous mettre à l’abri.

Cette fois-ci, j’ai pu constater qu’une longue file d’attente s’étirait jusqu’à la porte, alors que nous étions en plein milieu de l’après-midi. Baguette Shlomi est le seul endroit ouvert parmi la dizaine de magasins du quartier. À côté, un magasin de téléphonie mobile avait collé sur sa porte un panneau indiquant : « Chers soldats, veuillez essuyer vos bottes boueuses avant d’entrer dans le magasin. »

Une hanoukkiya à laquelle il manque plusieurs branches, un signe d’abandon, à Kiryat Shmona. (Crédit : Uriel Heilman/JTA)

Kiryat Shmona est une ville qui a besoin d’être rénovée. À un rond-point, une hannoukiah rouillée de deux mètres de long à laquelle il manque trois de ses huit branches, était juchée sur le trottoir, sentinelle à l’air triste dans un quartier essentiellement vide. La nuit, les fenêtres des grands immeubles sont pour la plupart sombres, leurs occupants vivant ailleurs.

Ravit Levi, qui a passé environ un an dans un hôtel situé à 15 minutes au sud de la ville, est rentrée chez elle à Kiryat Shmona début novembre. Même si la guerre faisait toujours rage, l’incursion au sud-Liban par les troupes de Tsahal l’a confortée dans sa décision de retourner vivre à Kiryat Shmona. Sans compter qu’elle en avait assez de vivre dans des logements temporaires.

« Nous nous sommes dit que ça suffisait. Nous étions fatigués. La maison nous manquait. Maintenant que nous sommes dans notre maison, nous en sommes contents », a-t-elle indiqué.

Sa fille, Peleg Levi, mère célibataire de deux enfants, est également revenue à Kiryat Shmona. Comme il n’y a pas d’école ouverte dans cette ville, son fils de 11 ans doit faire la navette jusqu’à Yesod HaMaala, à une quinzaine de kilomètres au sud de Kiryat Shmona. Pendant la guerre, si les bombardements étaient trop nombreux ou si Peleg ne se sentait pas en sécurité pour faire le trajet, elle gardait son fils à la maison.

Quant à sa fille âgée de deux ans, elle est de retour dans une maison dont elle ne se souvient même pas, selon Peleg.

« Elle a eu habitude de grandir dans un hôtel, entourée d’étrangers », a-t-elle confié.

Il n’est pas facile de voir des gens à Kiryat Shmona, qui comptait 25 000 habitants avant la guerre. J’ai traversé plusieurs pâtés de maisons sans croiser une seule âme.

Dans le quartier relativement récent de Yuvalim, un bus sillonne les rues, mais les arrêts sont vides de tout passager. Un pâté de maisons porte les stigmates d’une frappe directe : un cratère d’impact sur la chaussée a été comblé de terre, les immeubles voisins ont été endommagés par des éclats d’obus, et les fenêtres de l’immeuble le plus proche ont été soufflées et recouvertes de contreplaqué. Il y a des débris de verre dans le hall d’entrée, l’ascenseur ne fonctionne pas car il n’y a pas d’électricité et la cage d’escalier est couverte de guano d’oiseaux qui se sont frayés un chemin à l’intérieur.

Cette souccah détruite par les intempéries rappelle le jour où la guerre a commencé, le 7 octobre 2023, juste après la fête de Souccot, à Kiryat Shmona. (Crédit : Uriel Heilman/JTA)

Ailleurs dans le quartier, le cadre d’une souccah – une structure de fortune traditionnellement utilisée par les Juifs pendant la fête de Souccot – est visible sur le balcon d’un appartement, ses murs déchirés en lambeaux et son toit disparu depuis longtemps. C’est un étrange rappel du jour où cette longue guerre a commencé, avec un assaut matinal inattendu le lendemain de Souccot, à Simchat Torah, qui a poussé de nombreux résidents à fuir en pyjama – sans parler du démontage de leurs cabanes. Cela m’a rappelé les souccot abandonnées que j’ai vues encore debout au milieu des ruines à Beeri, Sderot et dans d’autres communautés du sud, des mois après le pogrom perpétré par le Hamas le 7 octobre.

Dans le quartier de Naftali Hills, qui surplombe toute la ville, j’ai rencontré David Cohen et deux de ses filles en train de nettoyer le patio devant une petite synagogue. Cohen, 56 ans, est né et a grandi à Kiryat Shmona, et ses huit enfants sont nés ici. Il a passé la majeure partie de la guerre à Safed et souhaite vivement y retourner, mais ce n’est pas encore possible car les écoles sont toujours fermées.

Cependant, la famille n’est pas tout à fait prête. Adi, la plus jeune des filles de Cohen, s’inquiète de voir un terroriste passer par sa fenêtre, m’a expliqué Cohen. Leur quartier est le plus proche de la frontière libanaise à Kiryat Shmona, sans aucune autre ville entre les deux.

Cohen ne sait pas si le cessez-le-feu tiendra, mais en attendant, il profite de la tranquillité pour faire le ménage. Son jardin, envahi par la végétation, est négligé, son réfrigérateur a subi un court-circuit et s’est cassé à cause des pannes d’électricité dues à la guerre, et sa maison est pleine de poussière. D’autres maisons ont été infestées par des rats – une histoire que j’ai entendue à plusieurs reprises au cours de ma visite.

Même s’il n’y a pas assez d’hommes dans son quartier de Kiryat Shmona pour assurer un minyan, David Cohen s’assure que la synagogue Mishkan Saadya est propre et prête. (Crédit : Uriel Heilman/JTA)

Il m’a emmené dans la synagogue pour me montrer les dégradations du plafond intérieur, où des éclats d’obus ont touché le toit. Cependant, après un nettoyage approfondi, le lieu de culte semblait impeccable. Cohen est le gabbaï – l’homme en charge de la synagogue – de Mishkan Saadya, qu’il a contribué à construire et qui porte le nom de son grand-père. Avant la guerre, une centaine de personnes assistaient aux offices du vendredi soir. Aujourd’hui, Cohen affirme qu’il ne pense pas qu’il y ait plus de cinq hommes vivant dans le quartier.

« Une synagogue qui reste quatorze mois sans minyan [office composé d’au moins dix hommes], c’est triste. La voir abandonnée comme ça… », a-t-il dit avant de s’interrompre.

Kibboutz Kfar Blum : juste à l’extérieur de la zone d’évacuation

Pendant cette guerre, même de petites distances peuvent faire une grande différence. Le kibboutz Kfar Blum était l’une des communautés malchanceuses situées dans la zone « perdant-perdant » : trop loin pour que les résidents puissent bénéficier d’une aide gouvernementale pour se réinstaller ailleurs, mais suffisamment proche du Liban pour constituer une cible de choix pour le Hezbollah.

La plupart des habitants de Kfar Blum n’ont pas eu d’autre choix que de rester, même si les communautés voisines au nord se sont vidées et que les services tels que les écoles, les dispensaires et les zones commerciales ont fermé.

Une semaine après le cessez-le-feu, Kfar Blum semblait idyllique. Des retraités se balançaient sur des vélos vétustes dans les sentiers du kibboutz. Un jeune homme torse nu, assis au soleil, écrivait une chanson sur un bloc-notes jaune. Par la fenêtre ouverte d’une école maternelle du quartier, on entendait des rires d’enfants. Partout, les branches des arbres à agrumes portaient des citrons, des pamplemousses, des oranges et des pomélos en train de mûrir. Certains arbres à feuilles caduques étaient au sommet de leur feuillage, arborant des jaunes et des rouges éclatants.

Mais les cicatrices de la guerre sont également manifestes. Un soldat assis derrière un bunker en béton tenait un poste de contrôle à l’entrée du kibboutz, vérifiant chaque véhicule qui souhaitait entrer. Le 24 novembre, l’hôtel Pastoral Kfar Blum, un établissement de luxe dont les chambres sont rarement proposées à moins de 300 dollars la nuit, a été touché de plein fouet, laissant le toit de l’une des maisons d’hôtes en ruine, et un homme de 60 ans a été grièvement blessé. Les nombreux abris anti-atomiques du kibboutz sont toujours ouverts et opérationnels.

« C’était effrayant », a raconté Zvi Renan, 70 ans, chauffeur de bus qui, le mois dernier, a déménagé de Beit Hillel, une ville située à environ cinq kilomètres au nord, dans la zone d’évacuation, pour s’installer dans un logement en location à Kfar Blum.

Zvi Renan, qui réside aujourd’hui à Kfar Blum, s’est installé dans le nord d’Israël il y a quatre ans et affirme qu’il n’en repartira jamais. (Crédit : Uriel Heilman/JTA)

« Lorsque les attaques de drones ont commencé, nous avons rapidement compris qu’ils pouvaient nous tuer ou nous blesser. Ce n’est pas une sensation agréable. Lors d’un trajet vers Kiryat Shmona, j’ai dû m’arrêter et courir pour me mettre à l’abri à trois reprises. »

Malgré l’évacuation de Beit Hillel, Renan a décidé de rester sur place. Mais entre tous les bruits de la guerre, Renan m’a expliqué qu’il ne dormait pas profondément, pas même une seule nuit. Parfois, il ne parvenait pas à se mettre à l’abri à temps lorsque la sirène d’alerte aérienne retentissait. Le stress a fait des ravages. Il y a trois mois et demi, Renan a eu une crise cardiaque. Il se remet actuellement d’une opération chirurgicale.

Malgré les difficultés, Renan n’a pas l’intention de partir.

« J’ai déménagé dans le nord il y a quatre ans et je regrette de ne pas être venu trente ans plus tôt. Je possède un appartement à Givatayim » – à côté de Tel Aviv – « mais je ne reviendrai jamais dans le centre du pays. Je ne supporte pas les foules et le stress », a-t-il déclaré.

« Je n’ai pas regretté une seule seconde d’avoir déménagé dans le nord pendant la guerre. Au contraire, nous devons montrer au Hezbollah et aux Iraniens que les gens d’ici ne bougeront pas. Je suis de ceux qui pensent que c’était une erreur d’évacuer le nord quand le Hezbollah a commencé à nous tirer dessus. Nous aurions dû entrer au Liban le lendemain. »

Renan a ignoré les appels de ses filles à quitter la région. S’il venait à mourir, les deux propriétés qu’il possède leur permettraient de s’en sortir financièrement.

« Quand j’entends des gens en Israël dire que c’est difficile et qu’ils veulent partir à Chypre ou en Grèce, j’ai envie de leur vomir dessus », a raconté Renan.

« Nous n’avons pas d’autre maison. Ma mère a passé cinq ans dans un camp de concentration en Europe. Même si vous êtes dans la merde ici, au moins c’est votre merde. »

Des forces de sécurité israéliennes sur les lieux où un missile tiré depuis le Liban a touché Kfar Blum, dans le nord d’Israël, le 24 novembre 2024. (Crédit : Ayal Margolin/Flash90)

Puis il a tendu la main vers son avocatier et m’a offert deux fruits d’un vert éclatant à rapporter à ma famille.

Les personnes évacuées ne se pressent pas pour revenir

Le Yarden Boutique Hotel est si proche de Kiryat Shmona, à environ 15 minutes au sud, que j’ai été surpris de le trouver rempli de résidents évacués de cette ville. Sur 130 chambres, environ 115 sont occupées par des personnes évacuées, selon le directeur de l’hôtel, Meïr Levi.

La plupart d’entre eux ont choisi cet endroit parce qu’eux-mêmes ou leur conjoint ont besoin d’être à proximité de Kiryat Shmona pour travailler. Parmi les personnes évacuées, on trouve des policiers, des hommes qui travaillent dans des usines essentielles liées à l’industrie de la défense, ainsi que de nombreux travailleurs agricoles, dont environ 70 travailleurs étrangers.

Il y a quelques semaines, quatre travailleurs thaïlandais qui vivaient à l’hôtel ont été tués lors d’un barrage tiré le 31 octobre par le Hezbollah sur un verger de pommiers à Metoula, à une centaine de mètres de la frontière, qui a également tué un agriculteur israélien.

Avant la guerre, a expliqué Miri Ben Shaanan, une personne évacuée, il n’y avait pratiquement aucune interaction sociale entre les ouvriers thaïlandais et les Israéliens locaux. Cependant, comme tout le monde vivait ensemble à l’hôtel, un sentiment de camaraderie est né.

« Nous parlons avec eux, nous rions ensemble », a-t-elle observé.

« Cela n’avait jamais été le cas auparavant. »

Des habitants nettoyant les dégâts causés par une attaque de missiles à la gare routière centrale et au centre commercial de la ville, à Kiryat Shmona, dans le nord du pays, le 27 novembre 2024. (Crédit : Michael Giladi/Flash90)

Après plus d’un an dans l’hôtel, les personnes évacuées semblent à bout de nerfs. Lassées de manger la nourriture de l’hôtel, beaucoup ont transformé leur chambre en cuisine de fortune, s’équipant de micro-ondes, de réfrigérateurs, de plaques électriques et de toasters afin de pouvoir préparer des plats qui leur donnent l’impression d’être à la maison. Certaines personnes évacuées ont même acheté des machines à laver.

Shani Atsmon, dont l’époux travaille pour la police à Kiryat Shmona, a expliqué que son séjour à l’hôtel lui a semblé durer une éternité. Elle y a célébré deux des anniversaires de son mari, et d’autres familles y ont célébré des mariages et des bar mitzvot. Les bébés ont appris à marcher dans le lobby. Des parents ont vu leurs enfants partir à l’armée depuis l’hôtel.

« Ma fille s’est enrôlée dans l’armée la semaine dernière. Lorsqu’elle rentre à la maison, nous ne pouvons pas lui cuisiner de petits plats ni laver son linge comme une personne normale », a déploré Gabay, l’infirmière de Kiryat Shmona, qui vit à l’hôtel.

« Ma fille de six ans a peur d’aller au lit le soir », a-t-elle ajouté.

« Si nous avions une autre solution, nous ne resterions pas ici, dans le nord. Trop c’est trop ! Nous en avons assez d’être le bouclier du pays. Mais nous ne pouvons pas nous permettre de vivre dans le centre du pays. Si nous le pouvions, je ne pense pas que je resterais. »

Certains des amis proches de la famille reviennent, a dit Gabay, mais d’autres mettent leurs maisons en vente. Les familles qui ont trouvé leur place dans le centre d’Israël, où la culture, les soins de santé de qualité et les possibilités d’emploi sont nombreux, ne reviendront pas, selon elle.

« Kiryat Shmona a toujours connu des difficultés, mais nous avions le sentiment que la région commençait à se développer », a déclaré Gabay.

« Aujourd’hui, il faudra du temps pour revenir à ce qu’elle était. On a l’impression de repartir de zéro. »

Les forces de sécurité israéliennes et le personnel d’urgence dans un immeuble touché par des roquettes tirées depuis le Liban, dans la ville de Kiryat Shmona, au nord du pays, le 20 novembre 2024. (Crédit : Jalaa Marey/AFP)

Pendant le petit-déjeuner, je me suis assis avec Etti et David Fahima à l’hôtel. Elle est prête à retourner à Kiryat Shmona, mais selon David ce n’est pas prudent.

« J’ai très envie de rentrer chez moi, de retrouver mes affaires », a expliqué Etti.

« Le fait d’être ici depuis si longtemps a dépassé les limites du supportable. Je vis dans cet hôtel dans un état de chaos. Cela fait un an que je travaille dans ma chambre d’hôtel. »

David affirme qu’ils resteront à l’hôtel aussi longtemps qu’ils le pourront, car c’est plus sûr que de rentrer chez soi. Tôt ou tard, selon lui, le gouvernement cessera de financer leur hébergement. Personne ne sait quand cela se produira, mais la date évoquée par tous serait le 1ᵉʳ février.

« Dès que le gouvernement mettra fin aux subventions, nous n’aurons pas d’autre choix que de rentrer », a expliqué David.

« Mais les gens ont intériorisé les craintes du 7 octobre. Quand vous n’avez plus le sentiment d’être en sécurité, vous n’avez plus rien. »

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