Nabuchodonosor détruit une fois encore le temple aux abords de la Vieille Ville
Le célèbre opéra de Verdi au sujet du conquérant babylonien de Jérusalem a été interprété à Brechat HaSultan, près du lieu où, selon la Bible, tout s'est passé
Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.

A quelques centaines de mètres de l’endroit où, selon la Bible, Nabuchodosor a détruit le Temple de Salomon, le roi de Babylone est monté sur l’estrade jeudi soir et réitéré, mettant le feu à une énorme étoile de David en métal, qui représentant le lieu saint.
Cette destruction du Premier temple faisait partie d’une représentation de Nabucco, de Giuseppe Verdi, à Brechat HaSultan, à Jérusalem, avec les performances musicales de l’Orchestre symphonique de Jérusalem, dirigé par Yuval Zorn. Chanté en italien, sa performance a été traduite avec des sous-titres en hébreu et en anglais.
L’audience a rassemblé jeunes et moins jeunes : des parents avec des bébés, des grands-parents avec leurs petits-enfants, des Juifs religieux et laïcs, et l’on entendait du russe, de l’anglais et du français se mêler à l’hébreu.
Vaguement basé sur les livres de Jérémie et de Daniel, Nabucco se joue en quatre actes, à commencer par la conquête de Jérusalem par le monarque et l’exil des Juifs.
Les trois autres actes se poursuivent à Babylone, où le roi s’autoproclame divinité et est immédiatement frappé par la folie par Dieu. En son absence, sa fille Abigaille, adoptée d’esclaves, prend le pouvoir et tue les exilés juifs, y compris sa sœur – la fille biologique de Nabucco, Fenena, qui s’est convertie au judaïsme – par jalousie pour la relation entre Fenena et Ismael, le neveu du roi de Jérusalem, par mépris pour son statut de véritable héritière de Nabucco et pour sa dévotion à Baal, le dieu de Babylone, que les prêtres veulent voir détruit.

Avant le début du génocide, les Juifs exilés, emmenés par le Grand-Prêtre Zaccaria, chante le meilleur numéro de l’opéra, Va Pensiero, aussi appelé « Chant des esclaves hébreux ». Nabucco, qui à ce stade, est emprisonné par la rancunière Abigaille, reconnait alors la suprématie de Dieu et est guéri de sa folie. Epée en main, il interrompt l’exécution de Fenena et reprend contrôle de son royaume. Abigaille comprend son erreur, s’empoisonne et meurt. Les Juifs sont sauvés et Zaccaria proclame Nabucco serviteur de Dieu.

La représentation de jeudi soir, en plein air, à deux pas de la Vieille ville de Jérusalem, a pris des allures surréalistes, parce qu’elle décrit la destruction d’une ville que l’on pouvait voir depuis son siège.
Dans Va, Pensiero, les Juifs exilés chantaient : « Va, pensée, sur tes ailes dorées ; va, pose-toi sur les pentes, sur les collines, où embaument, tièdes et suaves, mes douces brises du sol natal ! », devant les véritables pentes et collines de notre terre natale, où le chèvrefeuille et autres fleurs embaumaient l’atmosphère. Plusieurs membres du public – descendants de ces Hébreux exilés – ont accompagné le chant des artistes, symbole de la confusion entre l’art et la réalité.
Il n’est pas étonnant que les applaudissements se soient particulièrement déchaînés après que le chœur juif a entonné : « Oui, ces entraves honteuses vont se rompre, le courage de Yehouda s’éveille déjà ! »
C’est Abigaille, interprétée par Ira Bertman, qui a été – et de loin – le personnage le plus captivant de la représentation. En costume rouge sang, noir et or, arborant un maquillage la plaçant au carrefour entre le personnage d’Ursula dans la Petite sirène et le Frank-N-Furter du Rocky Horror Picture Show, la soprano lituanienne s’est clairement distinguée sur la scène par rapport aux autres – vêtus de manière bien plus sobre.

Si le roi babylonien éponyme restait le principal protagoniste de l’opéra, c’est Abigaille qui s’est clairement démarquée dans son habit de scélérate.
D’abord seulement jalouse de la relation entretenue entre l’homme qu’elle aime, Ismael, et sa sœur Fenena, Abigaille complote ensuite de se saisir du royaume après avoir appris que Nabucco lui a menti pendant toute sa vie, lui permettant de croire qu’elle était d’ascendance royale lorsqu’elle n’était qu’une fille d’esclaves adoptée. Mais même à l’apogée de sa fureur, Abigaille veut vivre l’expérience d’aimer à nouveau.
« J’avais auparavant, moi aussi, ouvert mon cœur au bonheur ! J’entendais tout autour de moi parler de l’amour sacré ; j’ai versé des larmes sur les larmes des autres, j’ai souffert les douleurs des autres. Ah ! Qui me rendra un jour cet enchantement perdu ? », chante-t-elle, immédiatement après avoir ourdi ses plans.
Après avoir bu du poison hors de la scène, Abigaille meurt, réclamant cet ultime salut et demandant aux Juifs : « Vous avez dit, Ô vous : ‘Dieu élève les affligés.' »
A la fin de la représentation, Bertman s’est taillée la part du lion dans les applaudissements du public, qui a apparemment souhaité ne pas tenir compte des tentatives de son personnage d’assassiner ses ancêtres.