Nouvelles violences lors d’une manifestation pour Rafael Adana
Six agents ont été blessés pendant un rassemblement réclamant justice pour le petit garçon d'origine éthiopienne tué dans un délit de fuite ; quatre personnes ont été arrêtées
Six agents de police ont été blessés, selon les forces de l’ordre, et quatre personnes ont été arrêtées pendant un mouvement de protestation qui a eu lieu mercredi à Tel Aviv. Les manifestants dénonçaient la prise en charge, par les autorités, d’un accident meurtrier suivi d’un délit de fuite qui avait coûté la vie à un petit garçon, il y a plusieurs mois – avec des violences qui ont éclaté comme cela avait déjà été le cas lors d’un rassemblement similaire précédent.
Des centaines de personnes étaient présentes lors de ce rassemblement.
Le mouvement de protestation s’est concentré aux abords de la rue Kaplan, qui accueille également les manifestations massives des opposants au gouvernement. Selon les forces de l’ordre, certains activistes ont forcé les barrières installées par la police, bloquant l’autoroute d’Ayalon dans les deux directions, et ils ont jeté des bouteilles, des pierres et autres objets en direction des agents.
La police a déployé des agents à cheval et a utilisé des grenades incapacitantes pour disperser les protestataires qui bloquaient l’autoroute, après que ces derniers ont refusé de se disperser volontairement.
Les forces de l’ordre ont évoqué « une manifestation légitime » qui, au cours de la soirée, s’est transformée « en démonstration criante de violences contre la police ».
Quatre manifestants ont été arrêtés, ont-t-elle noté.
Un agent a été blessé et évacué vers un hôpital après avoir été touché par une pierre jetée par les manifestants. Il a subi une intervention chirurgicale. Un protestataire a par ailleurs dû être pris en charge, blessé par un cocktail Molotov jeté par un autre activiste, ont affirmé les forces de l’ordre.
Dans un communiqué furieux qui a été émis mercredi soir, la police a fait savoir que les manifestants avaient franchi « les limites » du rassemblement « d’une manière éhontée » lorsqu’ils ont « décidé de s’en prendre aux agents présents ».
Jeudi matin, le commissaire de police Kobi Shabtai a expliqué dans un communiqué que « le fait qu’un policier ait été grièvement blessé pour la deuxième semaine d’affilée est quelque chose qui devrait être une ligne rouge pour chacun d’entre nous en ce qui concerne la facilité avec laquelle les agents de police, qui ne font que faire consciencieusement leur travail, sont victimes de graves violences ».
Il a juré que la police « règlera ses comptes » avec ceux qui violent la loi et qui s’en prennent à ses forces, qui étaient pourtant chargées de « protéger la sécurité des manifestants et du public pendant le mouvement de protestation ».
Les participants, très en colère – avec à leur tête les membres de la communauté israélienne d’origine éthiopienne – accusent les autorités de racisme, leur reprochant leur indulgence à l’égard du chauffard qui avait tué Rafael Adana, quatre ans, au mois de mai dernier.
Le rassemblement a commencé pacifiquement alors que des centaines de manifestants se regroupaient à cette intersection majeure – notamment un certain nombre de personnes ayant perdu des membres de leur famille suite à des violences policières.
Un cousin d’Adana, âgé d’onze ans, a rendu hommage à son jeune parent dans un discours.
« Je vais entrer en sixième et Rafael, lui, ne fera jamais sa rentrée au CP », a-t-il dit, selon la Radio militaire. « Les gens nous disaient toujours qu’on avait l’air de deux jumeaux mais aujourd’hui, Rafael aura quatre ans et demi pour l’éternité ».
Selon le site d’information Ynet, d’autres familles de la communauté israélienne d’origine éthiopienne, qui avaient connu le deuil, elles aussi, ont assisté au mouvement de protestation en signe de solidarité. Parmi elles, la famille de Yosef Salamsa, qui s’était suicidé en 2014 quelques mois après avoir été violenté par la police ; Solomon Tekah, tué en 2019 par une balle qui avait ricoché et qui avait été tirée par un agent et la famille de Yehuda Biadga, abattu par les forces de l’ordre en 2019 alors qu’il brandissait un couteau.
Le père de Tekah, Worka, a pris la parole devant la foule, mercredi.
« C’est une tragédie que nous ayons perdu Rafael Adana, c’est très douloureux pour nous », a-t-il dit, selon Ynet. « Le problème, ici, c’est que la femme a pris la fuite. Si elle avait appelé une ambulance, si elle avait agi comme un être humain, nous ne serions pas ici ce soir. Nous sommes venus à cette manifestation parce que nous souffrons, nous ne voulons pas protester. Les gens nous regardent comme si nous étions des criminels, mais nous ne le sommes pas ».
Rafael Adana avait été renversé par une voiture alors qu’il se promenait avec son grand-père à Shabbat, dans la ville de Netanya, le 6 mai. Grièvement blessé, il s’est éteint à l’hôpital, quelques jours plus tard.
La conductrice, Carol Fessler, une femme de 70 ans, avait fui les lieux, affirmant plus tard qu’elle n’avait « pas senti » de choc initial. Elle s’était rendue à la police quelques heures plus tard et elle avait témoigné de la collision, a rapporté la Douzième chaîne.
Depuis lors, aucune charge n’a été retenue contre la conductrice, et la famille d’Adana ainsi que d’autres militants exigent que les procureurs prennent des mesures et autorisent la famille à visionner les images du délit de fuite, accusant la police de traîner les pieds et de faire preuve d’indulgence à l’égard de la chauffarde.
Avant le rassemblement, la mère d’Adana avait appelé les manifestants au calme après la précédente manifestation qui avait eu lieu, la semaine dernière, à Tel Aviv, et qui avait été émaillée de violences. Un agent de police avait été poignardé et dix personnes avaient été arrêtées à cette occasion.
« J’appelle tous ceux qui viendront se rassembler ce soir à rejoindre ma lutte au nom de Rafael, mon combat pour la vérité, de manière pacifique, » avait-elle dit. « Je vous demande de respecter ce vœu ».
Au rassemblement de la semaine dernière, un agent de police avait été poignardé à l’épaule alors qu’il était par ailleurs stationné relativement à l’écart du mouvement de protestation, avait indiqué la police. Il avait été modérément blessé et pris en charge à l’hôpital Ichilov. Un suspect a été arrêté lundi dans cette affaire.
Les Israéliens d’origine éthiopienne accusent depuis longtemps la police de racisme et de brutalité contre les membres de leur communauté. Suite à la mort de Tekah, en 2019, des mouvements de protestation avaient eu lieu dans tout le pays pendant plusieurs semaines avec des affrontements féroces entre les activistes et les forces de l’ordre.
La mort d’Adana a aussi été à l’origine de nombreuses rumeurs et de désinformation. Si un grand nombre de récits initiaux affirmaient que la fille de la conductrice, la docteure Heidi Fessler, se trouvait dans la voiture pendant l’incident, la police avait établi plus tard que Carol Fessler était seule dans le véhicule au moment des faits. D’autres rumeurs fausses – certaines ont attisé les manifestations – avaient laissé entendre que la mère et la fille avaient tenté de cacher les preuves du choc essuyé par la voiture pendant l’accident, ce qui a aussi été démenti par la police.
Le parquet, de son côté, a dit que les éléments récoltés pendant l’enquête prouvaient que l’accident était inévitable. Fessler sera ainsi jugée pour homicide par négligence et non pour homicide involontaire.