Pays-Bas: Un journaliste qualifiant de « martyrs » les terroristes palestiniens tués récompensé
Pour "Portrait d'un martyr", Sakir Khader a remporté le prix de la Caméra d'argent, qui est remis par l'association du même nom à des photo-journalistes depuis 75 ans
Un photographe palestino-néerlandais a remporté le prix le plus prestigieux du journalisme aux Pays-Bas, pour une série de clichés dont les noms suscitent la controverse : en effet, dans leurs intitulés, certaines images qualifient ainsi les terroristes jihadistes tués par l’armée israélienne de « martyrs ».
Dans un contexte de débat sur l’éthique des journalistes qui avaient couvert l’attaque du 7 octobre, le prix qui a été remis à Sakir Khader, adjugé par un jury au mois de février, a été critiqué par des groupes de veille de l’antisémitisme et par le Grand rabbin néerlandais Binyomin Jacobs. Ils ont estimé que rendre hommage au travail de Khader pouvait représenter une approbation tacite et dangereuse de sa rhétorique alors que la haine antijuive est en recrudescence aux Pays-Bas.
Khader, 33 ans, a remporté le prix de la Caméra d’argent, que l’Association de la Caméra d’argent remet chaque année, depuis 75 ans, à des photojournalistes pour les récompenser pour la qualité de leur travail. Il a été distingué pour une série de clichés intitulés « la vie en Cisjordanie avant le 7 octobre » – date de l’assaut meurtrier commis par le Hamas dans le sud d’Israël, où les hommes armés du groupe avaient tué près de 1 200 personnes et kidnappé 253 personnes, qui avaient été prises en otage dans la bande de Gaza.
Un porte-parole du jury de l’Association de la Caméra d’argent a rejeté les critiques, minimisant l’importance des noms donnés par le photographe aux images lauréates.
Sur son site officiel, Khader intitule l’une des photographies de la série récompensée « Portrait d’un martyr ». Le cliché montre le corps sans vie de Mahmoud Khaled Ararawi, qui était mort dans des échanges de coups de feu avec l’armée israélienne à Jénine, au mois de septembre. Ararawi porte un bandeau arborant le logo du Jihad islamique, un groupe terroriste palestinien qui a écopé, la semaine dernière, de nouvelles sanctions de l’Union européenne aux côtés du Hamas pour les viols systémiques qui avaient été commis par les hommes armés pendant l’attaque dévastatrice du 7 octobre, entre autres atrocités et crimes de guerre.
« Martyr » est une traduction de « Shahid », le terme en arabe que de nombreux musulmans utilisent pour désigner les personnes mortes pendant le Jihad, la guerre sainte, ainsi que les autres victimes de guerre. Un terroriste tué alors qu’il commet un attentat anti-juif est généralement appelé un « shahid » – « shohada » au pluriel – dans la société palestinienne et par de nombreux autres musulmans.
Sur son site internet et sur les autres réseaux sociaux, Khader utilise fréquemment le terme « martyr » pour évoquer les terroristes palestiniens qui ont été tués, et notamment ceux du Hamas. Il avait notamment photographié et décrit ainsi Diaa Al-Sabareen – un terroriste du jihad islamique présenté par le groupe comme un expert en explosifs – en 2021.
Une « approbation » du Hamas
« Cette distinction de Khader n’est qu’un exemple de la manière dont de nombreuses institutions culturelles d’Europe approuvent tacitement ou adoptent le narratif du Hamas », a commenté le rabbin Abraham Cooper, qui est le directeur de l’action sociale globale au Centre Simon Wiesenthal. « La commission qui a pris une telle décision devrait avoir honte », a-t-il ajouté.
Le grand rabbin néerlandais, Jacobs, a pour sa part dénoncé une terminologie « dangereuse » de la part de Khader dans la mesure où elle risque « d’inciter » à la haine et potentiellement à la violence, a-t-il dit.
« Il y a tout un symbolisme ici. Les photos de cette personne ont été choisies et reconnues pour leur excellence en matière de journalisme. Cet homme dit que les terroristes sont des martyrs et la question suivante est donc celle-ci : Qui les a tués ?… La réponse est : Les Juifs. Les Israéliens. Et c’est là que cela devient dangereux », a noté Jacobs.
Sacha Roytman Dratwa, directeur-général du Combat Antisemitism Movement, a écrit dans un communiqué que « donner un prix à quelqu’un qui rend hommage à un terroriste et à un meurtrier du Jihad islamique en le qualifiant de ‘martyr’ est un exemple malsain de cette glorification du meurtre à laquelle s’adonne une partie des médias et qui est reprise dans les discours mainstream« .
Il a ajouté que « le mot de ‘shahid’ est un terme honorifique désignant un meurtrier. Donner un prix à une personnalité telle que celle-ci est comme cracher au visage des victimes de l’organisation terroriste et équivaut à exalter le Mal ».
En 2023, il y a eu une hausse des actes antisémites de 245% par rapport aux années précédentes aux Pays-Bas. Leur nombre a atteint 379 – la plupart d’entre eux ont été commis après le 7 octobre.
Khader n’a pas répondu aux demandes de commentaire du Times of Israel.
Claudia Bergman, porte-parole de l’Association de la Caméra d’argent, à l’origine de la remise des prix, a indiqué au Times of Israel que l’organisation défendait sa décision de rendre hommage au photojournaliste.
« Nous ne nous sommes pas intéressés à l’utilisation des mots, par Khader, que vous dénoncez », a écrit Bergman. Elle a ajouté que la Caméra d’Argent ne concernait pas le terme « martyr » figurant dans les titres donnés par Kharder à ses photos, que ce soit dans son site internet ou dans ses expositions. Elle a par ailleurs refusé de dire quels étaient les titres donnés par son Association aux clichés incriminés.