« Personne ne commandera le pardon du peuple juif », riposte Rivlin à Bolsonaro
Le président a joint sa voix à celle de Yad Vashem pour dénoncer le leader brésilien, qui a dit que les crimes de la Shoah pouvaient être pardonnés
Le président Reuven Rivlin a condamné samedi les propos tenus par son homologue brésilien Jair Bolsonaro qui a dit, cette semaine, que les crimes de la Shoah pouvaient être pardonnés mais pas oubliés.
« Personne ne commandera le pardon du peuple juif et jamais il ne pourra être acheté au nom de seuls intérêts », a-t-il dit.
« Ce que les nazis nous ont fait est inscrit dans notre mémoire, la mémoire d’un peuple antique », a écrit Rivlin sur Twitter. « Jamais nous ne coopérerons avec ceux qui nient la vérité ou qui tentent de l’effacer, chefs de parti ou chefs d’Etat », a-t-il écrit, apparemment en référence à Bolsonaro.
« Nous ne pardonnerons jamais et nous n’oublierons jamais. Personne ne commandera le pardon du peuple juif et jamais il ne pourra être acheté au nom de seuls intérêts. »
Rivlin a expliqué que les Juifs « combattront toujours l’antisémitisme et la xénophobie », tout en appelant les politiciens à ne pas se laisser aller à intervenir dans des dossiers historiquement lourds. « Les leaders politiques ont la responsabilité de dessiner l’avenir. Les historiens, pour leur part, décrivent le passé et font des recherches sur ce qui est arrivé. Aucun d’entre eux ne doit s’égarer sur le territoire de l’autre », a-t-il ajouté.
Le tweet de Rivlin a suivi un communiqué émis dans la matinée de samedi par Yad Vashem, le musée du mémorial de la Shoah israélien, qui a également dénoncé les propos de Bolsonaro.
« Il ne revient à personne de déterminer si les crimes de la Shoah peuvent être pardonnés », a noté l’institution.
Le président de Shem Olam, un groupe d’enseignement de la Shoah en Israël, a également critiqué Bolsonaro. Il a aussi accusé les responsables israéliens de ne pas s’exprimer avec suffisamment de force contre l’antisémitisme et la dénaturation de la Shoah.
« Depuis des années, l’Etat d’Israël affiche une attitude dangereuse de pardon devant les opinions, les actions et les leaders qui ont donné une place d’honneur au nouvel antisémitisme et normalisé une certaine clémence envers la Shoah », a indiqué le rabbin Abraham Krieger, selon le site d’information Ynet.
« Les paroles lourdes de sens du président brésilien sont une continuation de ce phénomène. Nous devons les condamner mais nous devons aussi nous livrer à un examen de conscience pour comprendre comment nous en sommes arrivés là », a ajouté Krieger.
Le responsable brésilien d’extrême-droite a tenu ces propos jeudi soir, lors d’une rencontre avec des pasteurs évangéliques à Rio de Janeiro. Il a été applaudi par les personnes présentes.
« Nous pouvons pardonner mais nous ne pouvons pas oublier. Cette citation est de moi. Ceux qui oublient leur passé sont condamnés à ne pas avoir d’avenir », a expliqué Bolsonaro, ajoutant qu’il fallait agir de manière à ce que la Shoah ne se répète jamais.
L’ambassadeur israélien au Brésil, Yossi Shelley, a pris la défense de Bolsonaro dans la journée de samedi, écrivant sur Facebook que « ses mots ont clairement établi son rejet total du plus grand génocide de l’histoire qu’a été la Shoah. A aucun moment de son discours, le président n’a montré un manque de respect ou une indifférence face aux souffrances des Juifs ».
Il a ajouté que « ceux qui souhaitent créer la suspicion sur la base des paroles d’un grand ami de la population et du gouvernement d’Israël n’y parviendront pas ».
Pour sa part, le ministère israélien des Affaires étrangères ne s’est pas encore exprimé.
Le 2 avril, Bolsonaro s’était rendu au mémorial de la Shoah de Jérusalem aux côtés du Premier ministre Benjamin Netanyahu. Au cours de cette visite, le leader brésilien avait déclaré que le nazisme était une idéologie de gauche, une affirmation rejetée par les historiens.
Les journalistes avaient demandé au responsable d’extrême-droite pendant son séjour en Israël s’il souscrivait aux propos tenus par son ministre des Affaires étrangères, Ernesto Araujo, qui avait affirmé que les nazis étaient de gauche.
« Il n’y a pas de doute là-dessus, n’est-ce pas ? », avait répondu Bolsonaro, selon Reuters.
Il est largement accepté que le nazisme a été un mouvement d’extrême-droite. Le site de Yad Vashem dit que toute une gamme de facteurs – et notamment la défaite de l’Allemagne pendant la Première guerre mondiale – avaient créé un sol fertile pour la croissance de groupes issus de la droite radicale en Allemagne, donnant naissance à des entités telles que le parti nazi.
Netanyahu a adopté avec empressement Bolsonaro, élu récemment – qui a trouvé des terrains d’entente avec le gouvernement de droite du Premier ministre. Le soutien fervent à Israël du nouveau président brésilien aura également séduit sa base évangélique.
Netanyahu a assisté en début d’année à l’investiture de Bolsonaro et le leader brésilien est venu au sein de l’Etat juif lors d’une visite de haut-rang organisée quelques jours avant les élections israéliennes, une initiative qui, selon de de nombreuses personnes, aurait été prise pour renforcer les chances de Netanyahu lors du scrutin.