Perte d’habitat, chasse, changement climatique nuisent aux oiseaux en Israël
L'ornithologue Yoav Perlman appelle à "réensauvager" certains habitats pour réduire la perte des espèces migratoires et autres oiseaux locaux dont le nombre décline
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.
La perte d’habitat, la chasse et le changement climatique font de graves ravages dans les populations d’oiseaux en Israël, a averti un éminent ornithologue cette semaine.
Israël forme un goulot d’étranglement terrestre entre les zones d’hivernage, en Afrique, et les zones de reproduction, en Europe et en Asie, ce qui fait du pays un point de passage primordial pour environ 200 espèces. Ce sont quelque 500 millions d’oiseaux qui survolent le territoire au printemps et à l’automne, attirant des milliers d’observateurs venus du monde entier.
Toutefois, les nuées d’oiseaux qui traversent le territoire se font plus rares en raison du réchauffement planétaire qui les envoie dans le nord plus tôt que ce n’était le cas auparavant, où ils se rendent pour trouver les compléments d’insectes dont ils peuvent se nourrir, a commenté Yoav Perlman, directeur des sciences au Centre ornithologique d’Israël, lors d’un webinaire en anglais qui a eu lieu dimanche.
Parmi les espèces migratoires en déclin, le Bruant cendrillard, qui apprécie la garrigue méditerranéenne, et l’Agrobate roux, friand des Tamaris ; ces deux habitats sont actuellement exploités pour la construction ou pour l’agriculture dans le pays. La ruticilla mesoleuca commune et le pipit des arbres sont aussi beaucoup moins nombreux, même si la raison de cette disparition reste indéterminée pour le moment, a continué Perlman.
Il a ajouté qu’il était difficile d’avoir une appréhension régionale du phénomène dans la mesure où la majorité des voisins de l’Etat juif ne contrôlent pas leurs populations d’oiseaux.
Perlman a noté que des espèces qui étaient communes en Israël ont disparu au cours des dernières décennies – notamment le Petit gravelot, qui ne se reproduit plus dans la région côtière parce qu’il n’y a plus de plages sauvages et sablonneuses. L’alouette monticole qui se reproduisait sur les montagnes herbeuses du plateau du Golan ne le fait plus.
Le plateau du Golan a aussi perdu la plus grande partie de ses vautours fauves, un rapace impressionnant dont la taille peut atteindre les 2,8 mètres et qui se perche dans les crevasses rocailleuses des gorges profondes du Golan. En 2002, il y avait plus de 80 lieux de nidification dans le Golan et en Galilée seulement mais des données de la Société de protection de la nature, qui dirige le Centre ornithologique israélien, indiquent qu’en 2017, il n’y avait eu que deux nids – même si quelques nouvelles nidifications se sont implantées dans le Carmel et que les chiffres, en termes de reproduction, restent stables dans le sud.
« Les personnes qui allaient à Gamla, sur le plateau du Golan, dans les années 1980 et 1990 voyaient des dizaines, voire des centaines de vautours voler dans les airs », a-t-il expliqué. « Aujourd’hui, vous pouvez vous y rendre et n’en apercevoir aucun ».
L’aigle royal, un autre grand rapace, est lui aussi très en péril au sein de l’Etat juif, avec seulement 15 couples. Perlman a noté que les oiseaux de proie étaient menacés par les lignes à haute tension et par les empoisonnements des agriculteurs.
D’un autre côté, les cultures de la vallée du Rift, dans le sud d’Israël, ont mis en péril les bouquets d’acacia et avec eux la fauvette d’Arabie, qui est en voie d’extinction : Il ne reste que 50 couples environ.
Ailleurs dans le monde, la population de tourterelle des bois, une espèce emblématique, connaît une réduction spectaculaire et elle est dorénavant en danger dans le monde entier en raison de la perte de son habitat et de la chasse. Cette espèce est évoquée dans la Bible et son retour en Israël depuis l’Afrique signale depuis longtemps l’arrivée du printemps.
L’année dernière, la ministre de la Protection environnementale, Gila Gamliel, avait enlevé la tourterelle des bois, ainsi que la caille des blés, des listes des oiseaux pouvant être chassés au sein de l’Etat juif. Le Centre ornithologique et la Société de protection des animaux espèrent pouvoir garantir que cette interdiction restera valable encore cette année avant le début de la saison de chasse, le 1er septembre 2021.
« Nous devons protéger nos oiseaux parce que ce sont d’excellents indicateurs de la santé de nos écosystèmes, de notre environnement et du climat », a déclaré Perlman au Times of Israel. « Si nous protégeons nos oiseaux et leurs habitats, nos vies et notre bien-être n’en seront eux aussi que meilleurs. Israël s’est engagé par la loi à protéger les oiseaux locaux et migrateurs et le moment est venu d’agir ».
Tandis que de nombreuses espèces sont en déclin, les populations de certaines, comme le busard ou l’aigle pomarin, restent stables. D’autres encore augmentent.
L’élanion blac qui, dans le passé, se contentait de traverser Israël, hiverne dorénavant dans le pays par dizaines de milliers, particulièrement autour des décharges, où l’oiseau se nourrit d’ordures. Il représente un danger pour le transport aérien.
C’est la même chose pour les grues cendrées, dont un grand nombre passe l’hiver au lac Agamon Hula, au nord d’Israël et qui sont devenus un spectacle touristique populaire.
Selon Perlman, l’élanion blanc et la grue cendrée sont deux espèces qui ont profité du changement climatique en abandonnant partiellement la migration vers l’Afrique en raison d’hivers plus modérés et de la perte de leur habitat, là-bas. Il a aussi évoqué les nouvelles pratiques agricoles qui ont créé des conditions favorables pour la grue et l’expansion des décharges qui attirent les élanions blacs.
Les engoulevents de Nubie, de petits oiseaux nocturnes qui préfèrent les marais salés, sont passés d’espèce en grave danger à espèce vulnérable, et ils peuvent être actuellement observés au-delà de leur zone de nidification habituelle, au sud de la mer Morte. Perlman a néanmoins écrit, l’année dernière, que la présence de plus en plus visible de cet oiseau en Israël semblait résulter de la destruction de la réserve naturelle de Fifa, en Jordanie.
« Tandis qu’on peut espérer que les marais salés de la réserve de Fifa vont se régénérer, et que l’engoulevent de Nubie soit en mesure de retourner là-bas en masse, au nombre d’avant, le statut actuel de préservation de cet oiseau en Israël et en Jordanie reste inquiétant », a-t-il écrit.
بيان صادر عن الجمعية الملكية لحماية الطبيعة:تجريف 1600 دونم في المحمية ومنع الموظفين من الدخول إلى مناطق الاعتداءات"…
Posted by The Royal Society for the Conservation of Nature on Saturday, January 4, 2020
Des recherches nocturnes ont également permis de déterminer la présence de l’engoulevent du désert, qui se reproduit principalement à l’extrémité nord de la mer Morte, tandis que plusieurs centaines de couples de petits ducs de Bruce ont trouvé un refuge confortable dans les plantations de dattiers matures qui s’étendent de la vallée du Jourdain à la mer Morte et jusqu’à Beit Shean dans le nord d’Israël.
La mésange charbonnière est aussi partie plus au sud, vers les déserts d’Israël et même jusqu’à Eilat, profitant des jardins cultivés des suites de l’implantation humaine, tandis que la tourterelle masquée s’est déplacée de l’extrémité sud d’Israël jusqu’au désert du Negev, jusqu’à la côte méditerranéenne et jusqu’à la vallée de Hula, dans le nord du pays. Le héron strié et le guêpier de Böhm partent également vers le nord depuis le sud du pays, peut-être en raison du changement climatique.
Le changement climatique semble également profiter à des espèces telles que le moineau pâle et l’alouette de Clos-Bey, a ajouté Perlman. Des pluies torrentielles plus fréquentes dans le désert – qui entraînent de la végétation – font que ce dernier devient un lieu de nidification pour certains oiseaux nomades. Autrefois rare, l’alouette de Clos-Bey est devenue une espèce nicheuse courante dans le pays.
« Jamais cela n’avait été comme ça jusqu’à il y a dix ou quinze ans », a continué Perlman.
Mais malgré ces points positifs, Perlman a dit que de manière générale, les espèces d’oiseaux sont en péril. Et pour les aider à se réimplanter, il a affirmé qu’il était essentiel de réunir plus de données, d’améliorer le contrôle et de mieux protéger les habitats.
« Dans l’ensemble, la tendance n’est pas positive », a-t-il estimé. « Nous constatons plus de déclins forts et profonds que d’augmentations. En résultat du changement climatique, un plus grand nombre d’espèces perdent probablement du terrain ».
« Dans certains endroits, il faut renverser la vapeur et remettre en place des habitats sauvages. Nous devons les réensauvager », a-t-il conclu.