Pluie de flèches de Cupidon : nombre record de rencontres en Israël depuis le 7 octobre
Dans ce pays (largement) réputé pour la propension de ses citoyens à faire des ‘chidoukhim’, le nombre de rencontres généré pendant la guerre actuelle est d'une ampleur inédite
Katie Silver était déjà passée maître dans l’art du bénévolat et de la course aux pièces sécurisées lorsqu’elle s’est lancée dans une autre tendance israélienne en temps de guerre. Instructrice de Pilates à Jérusalem, elle a rejoint le fameux groupe Facebook « Secret Tel Aviv » et a annoncé qu’elle était à la recherche de son âme sœur.
Comme beaucoup de trentenaires célibataires, Silver avait essayé des applications de rencontres, mais s’en était lassée. Elle a toutefois noté que les choses se passaient différemment dans le groupe Secret Tel Aviv : les habitants de la ville la plus branchée d’Israël – et, avec le temps, les habitants d’autres régions du pays – publiaient avec empressement leurs coordonnées personnelles et ce qu’ils recherchaient sur le plan amoureux. Et elle a décelé dans ce flot de photos de plage et de biographies, un état d’esprit au niveau national qui correspondait fort au sien.
« On ressent comme une urgence de faire émerger un sentiment d’unité, de famille, de communauté et d’amener plus de bonnes personnes dans le monde qui ont de vraies valeurs… pour que le mal ne l’emporte pas », a expliqué Silver à la Jewish Telegraphic Agency (JTA). « Célébrer la vie, la joie, la simcha, les mariages et les bar mitzvot et, bien sûr, faire plus de bébés juifs pour faire remonter les chiffres ».
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« Et puis, je veux me marier avant qu’une roquette ne me tombe sur la tête » a-t-elle ajouté.
Selon Jonny Stark, administrateur de Secret Tel Aviv, la vogue des « chidoukhim » a commencé dès les premières semaines de la guerre, alors que les tirs de roquettes étaient quotidiens, avec des publications de personnes disant chercher « ‘la’ personne avec qui courir jusqu’à l’abri anti-bombes« . Ces publications ont rapidement évolué vers des annonces personnelles plus générales, qui ont atteint leur apogée en décembre mais n’ont pas cessé depuis, et sont de plus en plus souvent formulées de manière humoristique.
Stark a fourni à la JTA des statistiques montrant une augmentation spectaculaire du niveau d’engagement et des commentaires au fur et à mesure que des centaines de publications à la recherche de partenaires affluaient dans le groupe. Parmi les personnes ayant posté des messages, on note de nouveaux membres comme Liat Admati MacKie du kibboutz Beeri, l’une des communautés frontalières près de Gaza qui a été la plus durement touchée lors du massacre du 7 octobre, et des membres plus anciens comme Ben Raul Maizel, dont la publication humoristique, « J’aimerais emmener ma petite amie dans une chambre d’hôtes dans le nord du pays. Quelqu’un pourrait-il me recommander une petite amie ? », a reçu plus de 4 000 « like ».
Selon Stark, des tendances similaires ont été constatées dans le groupe lors des périodes de conflit précédentes, mais jamais à une telle échelle.
« Les gens veulent se sentir connectés », a-t-il expliqué. « J’en suis très heureux. L’objectif de Secret Tel Aviv est d’aider les gens à se connecter entre eux et c’est un excellent exemple de ce qui se passe. »
Le groupe Facebook est loin d’être le seul exemple de matchmaking en temps de guerre.
Le 7 octobre, des milliers de terroristes du Hamas ont assassiné près de 1 200 personnes dans le sud d’Israël, dont la plupart étaient des civils, et en ont enlevé 253 autres pour les emmener de force dans la bande de Gaza, forçant Israël à faire appel aux réservistes pour la plus grande opération de l’histoire du pays visant à démanteler le Hamas et à le chasser du pouvoir.
Alors que les troupes de Tsahal se massaient à la frontière avec Gaza, des photos de soldats arborant leur « moustache de miluim » – terme hébreu désignant le service de réserve – ont réussi à égayer quelque peu l’atmosphère sombre qui régnait. Certains ajoutaient qu’ils étaient célibataires et qu’ils seraient disponibles dès qu’ils rentreraient de mission.
Quelques jours seulement après le début de l’incursion terrestre, un influenceur orthodoxe réserviste a fait savoir que, parmi les lettres de soutien envoyées par des Israéliens et des étrangers, son unité avait reçu un message d’une jeune femme à la recherche de l’amour.
Cette femme rapportait que le rabbin Nachman de Breslov, un influent rabbin hassidique du début du XIXe siècle, enseignait que les guerres « servent à déplacer les populations pour que les célibataires puissent se rencontrer. » Le message est peut-être apocryphe, mais il a touché une corde sensible au sein de l’unité et, plus tard dans la nuit, ils ont essayé de mettre la femme en contact avec l’un de leurs amis dans l’armée, a raconté Arky Staiman sur Instagram.
« Au final, cela n’a pas abouti, mais le message était très intéressant », a ajouté Staiman, avant de demander à ses followers d’identifier chacun trois personnes pour lesquelles ils tenteront de trouver un partenaire après la guerre. « Il y a des filles et des garçons, des célibataires, qui sont seuls en ce moment, seuls en Israël, seuls dans le monde. C’est probablement très effrayant. Et cela me semble l’occasion rêvée d’essayer de les aider ».
Maya Wertheimer, l’une des personnalités israéliennes les plus suivies, a truffé ses comptes d’annonces de célibataires depuis le début de la guerre. Elle a utilisé sa plateforme Instagram pour présenter des soldats à la recherche de l’amour, en partageant leurs coordonnées de base avec des photos des hommes en uniforme et en civil – souvent envoyées par leurs sœurs et leurs amis.
D’autres influenceurs, dont l’Américano-Israélienne Kerry Bar-Cohn, une danseuse qui compte près de 30 000 followers sur Instagram, et l’entremetteuse de célébrités Aleeza Ben Shalom, ont également cherché à attirer l’attention sur les soldats célibataires et à réconforter les personnes en mal d’amour.
« Ces hommes, nos soldats, qui sont sur le terrain et se battent – beaucoup d’entre eux sont célibataires. Et à leur retour, ces soldats chercheront l’âme sœur », a expliqué Ben Shalom à ses abonnés en décembre. « Si vous cherchez l’âme sœur, ce pourrait être un soldat, alors accrochez-vous, ils vont tout régler, puis ils reviendront et vous épouseront ».
À New York, une synagogue orthodoxe a lancé en novembre une initiative de matchmaking en réponse à la guerre. Des centaines de personnes se sont inscrites en l’espace de quelques jours, et plusieurs relations ont vu le jour, selon les organisateurs.
« Tout le monde se demande que faire », avait expliqué à l’époque Avital Chizhik-Goldschmidt, cofondatrice et rebbetzin de la congrégation, à la New York Jewish Week. « J’ai pensé que la meilleure façon de répondre aux ténèbres et à la mort serait d’apporter plus de lumière et d’amour, et de procurer de la joie aux gens. C’est traditionnellement la réponse juive à toute catastrophe ».
Stark comprend parfaitement ce besoin de trouver un partenaire. L’une des raisons pour lesquelles il a fondé Secret Tel Aviv – où tout est discuté, des places de parking (ou de leur absence) aux meilleurs ramen de la ville – était pour trouver une compagne ou un compagnon. Il en a finalement trouvé une ailleurs et il est aujourd’hui père de deux enfants, mais son groupe a pris son propre essor depuis son lancement en 2010. Il a explosé pour atteindre près d’un demi-million de membres – dépassant la taille de la population entière de Tel Aviv – et, à un moment donné, il a même compté Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, parmi ses membres. Le potentiel en matière de mise en relation est énorme.
Stark affirme connaître au moins trois couples qui se sont rencontrés et mariés grâce à des publications sur Secret Tel Aviv. Il ajoute qu’il est encore trop tôt pour savoir si cette série de publications a eu l’effet escompté. Mais il fait tout pour que ces couples aient les meilleures chances : Secret Tel Aviv s’est associé à DateNight, une plateforme qui organise des soirées de speed dating en ligne, et a récemment réussi à réunir plus de 150 personnes lors d’un événement.
Les membres du groupe Facebook ont fait part d’expériences très diverses. Noa Salant, 40 ans, a déclaré à la JTA qu’elle n’avait reçu de messages directs que de « quelques pervers et d’un homme marié ».
Shlomit Pery, 65 ans, dit avoir été bombardée de réponses à sa publication, l’une des plus likées du groupe … mais principalement de personnes se disant impressionnées par son courage de se mettre en avant de la sorte à son âge.
Dans une publication en hébreu, Silver, qui a immigré à Jérusalem depuis Londres en 2012, a inclus une brève biographie et plusieurs photos d’elle. Elle a ouvert la publication en disant qu’elle n’avait guère de chance sur le plan amoureux dans la capitale d’Israël « parce qu’apparemment tout le monde à Jérusalem est marié et a des enfants. » Elle a précisé qu’elle cherchait uniquement des relations sérieuses, avant de terminer sa publication par une autre boutade : J’espère que vous trouverez tous ‘l’élu’ afin que ce groupe puisse redevenir un endroit où l’on peut faire des annonces pour des appartements plutôt que pour nous-mêmes. »
Elle dit avoir été submergée de propositions de rendez-vous au point de devoir éteindre son téléphone. Elle dit aussi qu’elle n’a pas trouvé de partenaire durable lorsqu’elle s’est finalement rendue à quelques rendez-vous.
« Je n’ai pas encore trouvé l’amour, mais cela m’a ouvert les yeux », a indiqué Silver sur son expérience. « Cela m’a également permis d’être beaucoup plus honnête sur ce que je recherche. Cela a éliminé les préjugés. On n’est plus ni trop fier ni trop gêné de se mettre en avant parce qu’on se rend compte qu’on est tous dans le même bateau, en quête de l’amour ».
Certains membres du groupe ont critiqué cette tendance, affirmant qu’elle n’était pas conforme à l’objectif initial de Tel Aviv, voire qu’elle pourrait être utilisée à des fins de « catfishing » [usurpation d’identité en ligne] par le Hamas pour recueillir des informations sur les Israéliens.
D’autres, en revanche, ont indiqué que le simple fait de regarder les publications défiler leur a permis de rester en contact avec d’autres personnes à un moment difficile. Limor Stika, par exemple, n’a pas publié de message, mais a fait des commentaires sur ceux de plusieurs autres personnes.
« En temps de crise et de guerre, les gens ont besoin de soutien, d’amour et de réconfort », a affirmé Stika. « Quelqu’un à qui faire des câlins et se confier. »
Alors que chaque jour, de plus en plus de soldats réservistes sont démobilisés et retournent à leur vie quotidienne, Wertheimer a intensifié le rythme de ses publications – et a même lancé l’idée d’un événement de rencontre en direct pour les adultes plus âgés.
Elle a récemment publié l’histoire d’une rencontre qui a marché. « Je dois vous raconter que grâce à vous, j’ai fait la connaissance de mon partenaire avec lequel je suis en couple depuis trois mois », peut-on lire dans une publication datant de vendredi. « Je vous remercie infiniment. Il ne fait aucun doute qu’il est le meilleur partenaire au monde pour moi ».
La note était accompagnée de cinq émojis en forme de cœur et d’un commentaire de Wertheimer : « Yalla, les amis, on attend depuis assez longtemps ! »
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