Pour l’ex-président Rivlin, le projet de réforme judiciaire « pue la vengeance »
Membre de longue date du Likud, Rivlin a mis en garde la nouvelle coalition contre la tentation de "détruire" le système judiciaire et concentrer les pouvoirs
L’ex-président Reuven Rivlin s’est vivement opposé à la réforme du système judiciaire prévue par le futur gouvernement, affirmant lundi qu’elle avait vocation à en finir avec le système judiciaire, par pur esprit de « vengeance ».
Rivlin a tenu ces propos lors d’une conférence organisée par l’Institut israélien pour la démocratie pour évaluer le projet de réforme en question.
La nouvelle coalition souhaite faire adopter une clause dite dérogatoire, permettant à la Knesset de légiférer de nouveau sur des lois pourtant invalidées par la Cour Suprême, à condition de réunir une majorité simple de 61 sur les 120 sièges que compte la Knesset.
Un autre aspect du projet de réforme vise à donner au gouvernement le contrôle du comité chargé de sélectionner et nommer les juges.
Les partis de droite disent depuis longtemps que le système judiciaire, qu’ils estiment de gauche, outrepasse ses prérogatives pour faire obstacle à la mise en œuvre des politiques gouvernementales.
« Ils cherchent à intimider la Cour Suprême, à la détruire même en tant qu’institution dont ils contestent l’autorité et les décisions », a déclaré Rivlin, qui a été président d’Israël de 2014 à 2021.
Bien que « chacune de ces propositions mérite une discussion sérieuse », a-t-il dit, « le problème réside, entre autres, dans le discours général et le ton employé… qui puent la vindicte et les règlements de comptes. »
Les promoteurs de cette réforme « ont clairement dépassé les limites » de « la critique pertinente et respectueuse de la Cour, dont ils nient la légitimité-même ».
L’ex-président, avocat de formation et longtemps député du Likud dirigé par le Premier ministre désigné Benjamin Netanyahu, a remis en cause l’affirmation des partis du bloc du Likud selon laquelle l’essence de la démocratie était que la « souveraineté » se trouvait dans les représentants élus du peuple.
« La gouvernance n’est pas l’alpha et l’oméga », a-t-il déclaré.
« La concentration des pouvoirs au nom de la gouvernance est très dangereuse. »
Rivlin a admis qu’il y avait un « besoin urgent de repenser la relation entre autorité législative et pouvoir judiciaire par une loi fondamentale spéciale [quasi-constitutionnelle] », rappelant aux nouveaux membres de la coalition que même si « nous avons besoin de réformes, rien ne nous autorise à nous venger de la sorte ».
« Les changements constitutionnels doivent être apportés judicieusement dans le discours public, et non à la hâte pour plaire à des partis qui ne représentent pas la majorité du peuple », a-t-il conseillé.
« De tels changements ne doivent pas être utilisés comme un outil de politique politicienne ».
Le Likud de Netanyahu a remporté les élections du 1er novembre dernier.
Les partenaires du Likud (extrême droite et ultra-orthodoxes) ont exigé une réforme judiciaire pour prendre part au gouvernement qu’il a été chargé de former.
La réforme judiciaire proposée – en particulier la clause dérogatoire – a été largement dénoncée par les rivaux politiques de Netanyahu et des spécialistes du droit de premier plan.
Lors de la conférence de lundi, l’ex-présidente de la Cour suprême, Dorit Beinisch, a indiqué que les réformes prévues visaient à paralyser le système judiciaire.
« Un tribunal nommé par les politiciens ne sera pas indépendant », a-t-elle averti, évoquant les changements proposés au Comité de sélection des juges.