Pourquoi à peine 1 femme arabe sur 5 travaille, et comment la high-tech peut changer ça
Dans les villes arabes, plus de filles que de garçons étudient les technologies, mais elles abandonnent après. Faire venir des compagnies high-tech est l’une des voies pour inverser cette tendance

Alors que le monde marquait la journée internationale des droits des femmes le 8 mars, des membres de la Knesset et de ministères éclairaient sur la participation des femmes arabes à la main-d’œuvre israélienne, un moyen efficace d’autonomiser le secteur le plus pauvre de la société.
A peine 22 % des femmes arabes en âge de travailler travaillent, comparées à 58 % des femmes juives, selon l’institut de Jérusalem pour les études israéliennes. Ce manque d’emploi est l’une des raisons majeures expliquant pourquoi 53 % des Arabes israéliens vivent sous le seuil de pauvreté, comme indiqué dans le dernier rapport sur la pauvreté de l’Institut National des Assurances.
Le manque d’implication des femmes arabes dans la main-d’œuvre découle de nombreux différents défis culturels et institutionnels, y compris la barrière de la langue, l’isolement rural, le manque d’opportunités scolaires, et les mœurs sociales qui les poussent à rester à la maison pour s’occuper de leurs enfants.
« L’une des raisons majeures pour le manque d’emploi des femmes arabes est leur accès limité au marché du travail principal – un manque de transports ainsi que le manque d’informations sur les opportunités dépassant le marché local » a expliqué Reem Zoabi Abu Ishak, directrice du centre d’emploi Rayan de Nazareth, qui est financé par le ministère de l’Economie et la commission de distribution conjointe.
Rayan Nazareth est l’un des 20 centres dédiés à la formation professionnelle et au conseil à l’emploi pour le secteur arabe. Environ 70 % des clients de Rayan Nazareth sont des femmes.
Malgré l’investissement de 220 millions de shekels du ministère de l’Economie dédiés à ces centres d’emplois, il y a beaucoup d’obstacles qui rendent difficile à une femme arabe d’entrer dans la vie active.
A Nazareth, seulement 52 % des lycéens finissent le lycée avec un diplôme, a déclaré Abu Ishak. « Ils ont un hébreu inadéquat, et les femmes en particulier affrontent plus d’obstacles en raison du rôle traditionnel des femmes dans la société, » a-t-elle déclaré.

Il devrait y avoir une approche holistique pour faire entrer les femmes dans la main-d’œuvre, disent les experts.
Une partie des efforts doit être dirigée pour trouver des solutions de transport pour les femmes venant de zones éloignées, ainsi que des services de gardes d’enfants abordables.
L’autre partie doit être dirigée vers le marché du travail israélien, pour répondre à la discrimination profonde envers les Arabes, et les femmes en particulier.
« Par exemple, nous devons parler aux compagnies pour qu’elles enlèvent le service militaire comme exigence pour leurs employés, » a déclaré Yasir Hujeirat, PDG d’Al-Fanar, qui supervise les centres Rayan et d’autres initiatives pour la formation et l’emploi des travailleurs arabes.
Les Arabes israéliens n’ont pas d’obligation de servir dans l’armée, et peuvent exécuter un service national. Leur jeune âge quand ils entrent sur le marché du travail, comparés à leurs homologues israéliens qui ont servi dans l’armée et voyagé ensuite à l’étranger, les désavantage aussi en terme d’expérience.
Trouver des diplômes qui mènent à des emplois
L’une des difficultés est d’apprendre à faire correspondre la formation professionnelle aux besoins du marché du travail. Beaucoup de femmes arabes qui vont à l’université se dirigent vers des diplômes en éducation, à cause des heures flexibles et de la possibilité de travailler près de chez elles dans ce domaine.
« Le marché pour les enseignants est totalement bouché, a dit Hujeirat. Mais pourquoi les femmes qui sont intéressées par la biotechnologie, la chimie ou l’ingénierie deviennent-elles enseignantes ? Elles ont une probabilité bien plus forte d’obtenir un emploi si elles travaillent comme chimistes ou ingénieurs. »

« Nous voulons aussi nous assurer qu’elles entrent dans des emplois de grande qualité, et que nous promouvons plus de gérants arabes, » a-t-il ajouté.
« Il y a un pourcentage très bas d’Arabes dans les positions de direction, donc nous essayons d’aider les gens à apprendre pour être promus, parce que moins d’un gérant sur 300 en Israël est arabe, » a déclaré Abu Ishak.
Des emplois à un clic de souris de là
Un accent majeur est mis à l’encouragement des femmes arabes à entrer dans le secteur high-tech, puisque ce secteur croît rapidement, paie de meilleurs salaires, et est moins dépendant de l’emplacement physique.
Lundi, la commission de la Knesset pour l’avancement des femmes et la parité a rencontré des représentants de she-codes (« elle code » ; un groupe de promotion des technologies de femmes israéliennes), des militants féministes, et des dirigeants de la high-tech pour discuter des moyens de faire venir plus de femmes dans ce secteur. She-codes espère réussir un équilibre des genres 50/50 dans la prochaine décennie, et ce ne sera possible qu’avec l’implication des femmes arabes. Mais c’est une bataille ardue.
Le bureau central des statistiques a rapporté en 2013 que sur environ 284 500 personnes travaillant dans la high-tech en Israël, seulement 1,3 % étaient arabes. Et seuls 1 700 travailleurs de la high-tech en Israël sont des femmes arabes (moins de 0,5 % de tous les travailleurs de la high-tech).
Le ministère de l’Economie a dédié un budget de 10 millions de shekels pour les trois prochaines années pour intégrer 10 000 travailleurs high-tech hommes et femmes arabes dans la force de travail, bien que cela soit toujours loin d’une représentation proportionnelle des Arabes.

Tsofen, une organisation commune judéo-arabe qui promeut l’éducation et le placement dans la high-tech, a conclu un partenariat avec le ministère de l’Economie pour mettre en place ce projet.
« A présent il y a plus de 15 compagnies high-tech à Nazareth, employant 700 personnes, en hausse depuis 2008 où il y avait une compagnie de 30 employés, » a déclaré Paz Hirschmann, co-PDG de Tsofen.
« Environ 25 % des travailleurs dans la high-tech à Nazareth sont des femmes arabes, ce qui est environ le même pourcentage que de femmes israéliennes dans la high-tech », a-t-il déclaré. Il a également ajouté que, dans un rebondissement inhabituel, 100 ingénieurs informatiques juifs viennent à Nazareth pour travailler, plutôt que des travailleurs arabes se rendent dans des villes juives.
Le défi dans la high-tech, comme dans d’autres marchés du travail, est d’essayer de créer des opportunités pour les femmes pour avancer vers des positions de direction, plutôt que d’être coincées en bas de l’échelle des compagnies technologiques.
« Apporter la high-tech dans les villes arabes augmentera le pourcentage de femmes arabes dans la high-tech, a déclaré Hirschmann. Dans les lycées [arabes], 55 % de ceux qui étudient les domaines de la technologie sont des femmes, et leurs notes sont significativement meilleures que celles des lycéens juifs masculins. Mais dans les universités, seuls 10 % des étudiants en sciences exactes et en high-tech sont des femmes arabes. Entre le lycée et l’université, il y a un grand déclin. Nous pensons que si nous faisons venir la high-tech dans les villes arabes, cela inversera cette tendance. »

La députée Aida Touma-Sliman (Liste arabe unie) et directrice de la commission pour l’avancement des femmes et la parité, a accusé le ministère de l’Education pendant la discussion du 7 mars à la Knesset sur le manque de femmes arabes dans la high-tech.
« L’obstacle principal que nous devons résoudre est que les étudiantes qui finissent le lycée ont des meilleures notes que les lycéens, mais ‘disparaissent’ ensuite et n’entrent pas dans les domaines académiques qui mènent vers la high-tech, a-t-elle déclaré. C’est le rôle du ministère de l’Education, vous ne pouvez pas vous reposer que sur les organisations bénévoles. Le ministère de l’Education parle de l’importance d’étudier les maths, et ici il y a une population qui étudie mais n’a pas d’aides pour continuer. »
Elle a déclaré que la commission allait appeler le ministère de l’Education pour des programmes supplémentaires et du soutien.
‘Apporter Tel Aviv à Nazareth’
« Les femmes poursuivent dans des domaines non technologiques parce qu’elles veulent travailler près de chez elles » a dit Hans Shakur, qui a une compagnie technologique de services mobiles à Nazareth. Shakur dirige aussi les plate-formes de réseaux et de mentors des Lundi Mobile de Nazareth, qui a un réseau de plus de 2 000 travailleurs high-tech de la région de Nazareth pour des évènements hebdomadaires et des rencontres.
« Il s’agit d’apporter Tel Aviv à Nazareth, a dit Shakur. Il s’agit d’apporter la bulle high-tech ici, pas d’apporter Nazareth à Tel Aviv. Nous avons besoin de plus de rencontres, plus de connexions avec l’éco-système avancé high-tech en Israël, pour les connecter à l’éco-système mondial et promouvoir l’entreprenariat. »

Ce défi de faire irruption dans « l’éco-système high-tech » fermé est particulièrement pertinent pour les travailleurs arabes, qui n’ont pas les mêmes connexions que leurs homologues israéliens. L’une des opportunités majeures de réseaux pour les personnes en high-tech est l’unité de renseignements militaires 8200, qui attire les ‘nerds’ de l’informatique et les programmeurs.
Le 7 mars, le centre d’incubation commerciale de Nazareth et l’association 8200 Alumni ont lancé un programme commun, Hybrid, pour encourager les start-ups dans le secteur arabe, avec une aide au réseau des anciens de 8200.
« L’éco-système [high-tech] de Nazareth est considéré comme sexy mais risqué » a expliqué Fadi Swidan, directeur du centre d’incubation commerciale de Nazareth, qui a des formations ainsi que des accélérateurs pour les start-ups. « Ils ne sont pas prêts à investir dans votre start-up parce que vous ne faites pas partie du réseau qu’ils connaissent à Tel Aviv. »
Encourager les start-ups arabes est essentiel pour apporter plus d’emplois high-tech dans les villes arabes, et aussi pour augmenter le nombre de compagnies.
Les personnes de Tsofen et Rayan sont aussi méfiantes de la reproduction de certains des problèmes des initiatives pour encourager les femmes ultra-orthodoxes à travailler. Des centres d’appels spéciaux construits près des villes haredi qui n’employaient que des femmes ont initialement été célébrés comme permettant aux femmes haredi de travailler dans un environnement adapté à leurs besoins religieux. Mais cela a aussi créé des situations où les employeurs pouvaient tirer avantage du manque d’autres opportunités pour ces femmes et leur payer des salaires plus bas.
Des salaires en baisse sont aussi un sujet majeur dans la communauté arabe. La Liste arabe unie a mené un programme d’autonomisation des femmes pendant la semaine du 8 mars pour informer les femmes de leurs droits du travail, y compris le salaire minimum, les heures supplémentaires, la rupture d’un contrat de travail, et le congé maternité.
« Le problème est qu’il y a quatre ans, l’Etat a décidé de faire une grosse poussée pour l’emploi des femmes arabes et haredi » a déclaré Yudit Ilany, assistante parlementaire de la députée controversée Hanin Zoabi (Liste arabe unie). « L’Etat célèbre le fait que les femmes entrent sur le marché du travail, mais nous voyons des femmes à Nazareth qui gagnent entre 7 et 13 shekels de l’heure. »
Le projet d’autonomisation de la Liste arabe unie se concentre sur l’augmentation de la qualité de l’emploi des femmes arabes, en plus de la quantité. Il a déployé des avocats et des travailleurs sociaux le 8 mars dans les bureaux du parti Balad à Sakhnin et Umm al-Fahm pour répondre aux questions des femmes et vérifier les fiches de paie. Le message principal est que le salaire minimum pour tous les travailleurs en Israël est de 25 shekels de l’heure, ou 4 640 shekels par mois pour un temps plein. »
« Les employeurs savent qu’il n’y a pas d’application [de la loi] et il y a de la discrimination à l’encontre des femmes arabes, ce qui rend plus difficile d’avoir un autre emploi, et donc ils prennent avantage de ces femmes » a déclaré Ilany, qui a aidé à concevoir le programme d’autonomisation pour la journée internationale des droits des femmes. Une partie du programme est de rendre disponibles des brochures qui rentrent dans un portefeuille pour informer les femmes de leurs droits en tant qu’employées, y compris le salaire minimum, et quand et comment le temps supplémentaire doit être payé, deux des plus grands domaines où les femmes perdent des revenus.
Le conte d’une mère high-tech
Malgré tout le bruit entourant le sujet de la journée internationale des droits des femmes, pour Ahlam Mousa, 28 ans, le 8 mars est juste un autre jour au bureau. La mère de deux enfants d’un village proche de Carmiel a travaillé dans le domaine des solutions clients ces cinq dernières années chez Galil Software, une entreprise de logiciels et de technologie de Nazareth.
« Ils doivent commencer à l’école, à encourager les filles, et pas juste laissez papa et maman décider qu’ils veulent qu’elle soit enseignante, a déclaré Mousa. Ils devraient l’encourager à apprendre les choses qu’elle aime, parce que si elle apprend l’enseignement et n’aime pas ça, ça ne durera pas. »

Pourtant, Mousa a dit que sa carrière dans la high-tech n’est pas commune pour ses amies du village. Celles qui ont continué leurs études sont devenues enseignantes, médecins, et avocates, et beaucoup sont restées là-bas. Peu sont allées travailler dans la high-tech. « Nous n’avons pas beaucoup d’entreprises là d’où je viens, » a-t-elle déclaré.
Mousa a étudié la biologie à l’institut Technion de Haïfa, et a senti beaucoup de pression pour aller en médecine. Mais elle a trouvé le programme Tsofen et a décidé de se consacrer à la high-tech à la place.
La partie la plus difficile, a-t-elle dit, est les horaires. Les transports publics de son village sont épars et il lui faut une à deux heures dans chaque direction. Combinées à une journée de travail de neuf heures, elle est en-dehors de la maison pendant 12 ou 13 heures par jour. Il ne lui est possible de garder son travail que parce qu’elle a le soutien total de sa famille. Sa mère s’occupe des deux enfants, âgés de huit mois et trois ans, pendant la journée. Son mari travaille comme avocat fiscal dans le même village, donc il n’a pas de transports. Sans leur soutien, cette carrière aurait été impossible, a-t-elle dit.
Mais elle a le sentiment qu’il est important pour les femmes, et pour les femmes arabes en particulier, de travailler, malgré les défis culturels et logistiques, pour elles-mêmes et pour la prochaine génération.
« Quand vous sortez travailler, vous ajoutez quelque chose de bien pour les enfants et pour l’atmosphère de la maison, a dit Mousa. Quand vous allez travailler, vous êtes capables de vous développer vous-même et la société. »
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