Près de la base de Binyamina, le choc après une frappe meurtrière du Hezbollah
L'armée de l'air s'est fixée pour objectif d'éliminer la totalité de l'unité 127 du Hezbollah, responsable de la production, de la maintenance et de l'exploitation de ses drones
Au son de sirènes d’alerte les poussant aux abris après de nouveaux tirs de roquettes venus du Liban, des habitants des abords d’une base militaire israélienne touchée la veille par une meurtrière attaque du Hezbollah, décrivent une nuit « folle » et angoissante.
Cette frappe de drones visant un camp d’entraînement à Binyamina, au sud de la grande ville portuaire de Haïfa, est la plus meurtrière menée par le mouvement libanais pro-iranien sur le sol israélien depuis le début de l’escalade militaire il y a près d’un mois entre les deux belligérants.
Quatre soldats de 19 ans sont morts dimanche et sept blessés, les services d’urgence ayant eux fait part en tout de plus de 60 blessés.
Une source militaire a indiqué à l’AFP que la frappe avait touché le réfectoire du site.
« La nuit dernière a été folle. Il y a eu un énorme boum », raconte à l’AFP Yousef, le gérant d’un restaurant dans le village de Kfar Kara, qui refuse de donner son nom pour des raisons de sécurité.
« Et soudain, les ambulances ont commencé à passer, d’abord une, puis deux, puis trois et de plus en plus. Il y avait tellement de voitures de police », poursuit-il.
Il dit avoir d’abord pensé que l’explosion était liée au crime organisé, qui gangrène certains villages arabes israéliens.
« Nous sommes ouverts depuis deux ans et n’avions pas réalisé que nous étions à côté d’une base aussi importante », ajoute Yousef. « Comment le Hezbollah a-t-il su qu’elle se trouvait ici ? ».
« Maintenant qu’ils savent, que se passera-t-il si, la prochaine fois, ils tirent et se trompent légèrement de cible ? », s’inquiète-t-il.
Le village est situé le long de l’une des principales voies d’accès à la base, où d’autres témoins décrivent avoir vu des ambulances et voitures privées convoyer des dizaines de soldats blessés dimanche soir.
Il n’y a pas eu de sirène ou d’avertissement préalable à l’arrivée du drone.
Nouveaux abris anti-bombes
Dans le kibboutz Regavim, à quelques kilomètres du camp, les habitants assurent ne pas avoir entendu l’explosion, mais avoir compris qu’elle était proche grâce aux images de la télévision.
« L’équipe de sécurité du kibboutz a été immédiatement alertée », explique à l’AFP Eyal Nabet, un habitant de la communauté. « Malheureusement, nous avons ensuite entendu les ambulances et hélicoptères qui allaient et venaient ».
Selon Eyal Nabet les habitants du kibboutz ont été ébranlés. Mais la rénovation récente des abris anti-bombes et l’ajout de nouvelles structures en béton donnent « le sentiment d’être en sécurité et que quelqu’un veille sur nous », estime-t-il.
L’armée israélienne s’est engagée à mener une « enquête » pour « tirer les leçons » de cette attaque. « Il s’agit d’un événement difficile aux conséquences douloureuses », a déclaré le ministre de la Défense, Yoav Gallant, lors d’une visite de la base.
« Nous concentrons nos efforts pour développer des solutions et répondre à la menace des attaques de drones », a-t-il ajouté.
Suite à l’attaque meurtrière qui a frappé une base d’entraînement du commando Golani la nuit dernière, l’armée de l’air israélienne s’est fixée pour objectif d’éliminer la totalité de l’unité 127 du Hezbollah, responsable de la production, de la maintenance et de l’exploitation de ses drones, a appris le Times of Israel.
Les mesures et actions destinées à tuer chacun des membres de cette unité seront désormais prioritaires en termes de collecte de renseignements et de frappes aériennes.
Le drone qui a tué quatre soldats et en a blessé plusieurs dizaines, la nuit dernière, faisait partie d’une attaque aérienne comptant plusieurs fronts.
Des roquettes à courte portée ont été tirées sur le nord d’Israël et trois roquettes de précision sur Haïfa sans oublier trois drones. L’un de ces drones a été abattu par la Marine et un autre par le Dôme de fer. Le troisième a été poursuivi par des avions et des hélicoptères israéliens, qui ont tiré sur lui à deux reprises. Les mesures de guerre électronique ne sont pas davantage parvenues à désorienter le drone, qui a disparu des radars à 48 kilomètres au nord-est d’Akko, où l’on pensait qu’il s’était écrasé.
Selon les premières conclusions de l’enquête de Tsahal, le drone serait brièvement réapparu sur les radars une trentaine de minutes après sa disparition des écrans, avant la frappe, mais l’armée ne l’aurait pas identifié comme un drone à ce moment-là.
En effet, des centaines d’objets volent dans l’espace aérien israélien au-dessus des bâtiments, à commencer par les oiseaux, ce qui rend particulièrement difficile l’identification des drones qui apparaissent dans des endroits inattendus.
La police a communiqué à l’armée de l’air israélienne des informations faisant état de la présence d’un aéronef suspect près de Yokneam, qui aurait pu être le drone.
Depuis le début de la guerre, près de 1 200 drones ont été tirés sur Israël et 221 d’entre eux sont parvenus à déjouer les défenses israéliennes.
Compte tenu de cet incident, l’armée de l’air a décidé d’étendre la portée des alertes, ce qui signifie très concrètement qu’il y en aura davantage, fausses alertes comprises. Par défaut, elle considérera désormais qu’un drone est toujours en vol même s’il disparaît, et ne le tiendra pour écrasé que lorsque des preuves l’attesteront.
Dans un communiqué, le Hezbollah a averti lundi que cette frappe de dimanche était un « avant-goût » de ce qui attendait Israël s’il poursuivait ses opérations militaires au Liban.
Il a ensuite affirmé avoir visé une base navale et une caserne en Israël.
Les salves frappent le territoire israélien plus en profondeur depuis le début, il y a près d’un mois, de l’escalade militaire au Liban entre les deux belligérants.
Les défenses aériennes d’Israël interceptent la plupart des projectiles, avec peu de victimes à déplorer.
Près de la base de Binyamina, la dernière attaque laisse toutefois un sentiment d’impuissance.
« Que pouvons-nous faire ? », demande la propriétaire d’un kiosque à l’entrée de Kfar Kara, qui refuse également d’être identifiée. « Nous avons peur, mais il n’y a rien que nous puissions faire ».