Rénovée, la synagogue historique d’Alexandrie rouvre ses portes
La synagogue Eliyahu Hanavi est l'un des deux derniers lieux de culte juif d'Alexandrie ; les dirigeants juifs originaires d'Égypte saluent ces travaux, financés par l'État
Les autorités égyptiennes ont annoncé ce week-end que l’important projet de rénovation de la plus grande synagogue de la ville d’Alexandrie a été achevé.
Eliyahu Hanavi, l’une des deux synagogues de la ville, rouvrira officiellement en janvier, a indiqué le ministère des Antiquités égyptiennes dans un communiqué sur sa page Facebook vendredi.
Le lieu de culte est l’un des nombreux sites juifs d’Alexandrie, qui accueillait autrefois entre 30 et 40 000 Juifs. Sa structure actuelle a été érigée dans les années 1850, après que l’immeuble d’origine, qui remonte aux années 1300, avait été gravement endommagé fin 18e siècle, pendant l’invasion de l’Egypte par la France. Elle peut accueillir 700 fidèles.
Les rénovations comprenaient le renforcement structurel de la synagogue, la restauration de sa façade principale, des murs décoratifs et des objets en laiton et en bois, ainsi que le développement de ses systèmes de sécurité et d’éclairage, selon la déclaration du ministère des Antiquités.
Eliyahu Hanavi était autrefois une synagogue « active et animée », mais elle est tombée dans un état précaire après que l’eau de pluie a commencé à s’écouler par le toit dans la section des femmes il y a sept ou huit ans, a raconté Alec Nacamuli, ancien résident d’Alexandrie et membre du conseil d’administration de l’Association Nebi Daniel, une organisation qui œuvre à la préservation des sites juifs en Égypte.
« Puis, il y a quatre ou cinq ans, une partie de son toit s’est effondrée et elle avait un besoin urgent de réparation », a déclaré Nacamuli, qui a quitté Alexandrie avec sa famille pour l’Europe en 1956 à l’âge de 13 ans, dans un appel téléphonique. « Le ministère des Antiquités est intervenu pour prendre en charge sa restauration. »
Les rénovations ont coûté environ 4 millions de dollars, payés par le gouvernement égyptien, a dit Nacamuli, ajoutant que l’Égypte a refusé une offre de l’Association Nebi Daniel pour collecter des fonds.
La communauté juive d’Égypte, qui date de plusieurs millénaires, comptait environ 80 000 personnes dans les années 1940, mais se résume aujourd’hui à moins de 20 personnes. Le départ des Juifs d’Égypte a été alimenté par la montée du sentiment nationaliste pendant les guerres arabo-israéliennes, le harcèlement et certaines expulsions directes par l’ancien président égyptien Gamal Abdel Nasser.
L’Égypte et Israël ont signé un traité de paix historique en 1979 et entretiennent depuis des relations diplomatiques officielles. Mais l’opinion publique en Égypte est restée largement hostile à l’État juif.
Seuls quatre ou cinq juifs septuagénaires et octogénaires résident actuellement à Alexandrie, a dit Nacamuli. La ville abritait autrefois 12 synagogues, mais la plupart d’entre elles ont été vendues au fil des ans pour soutenir la communauté juive qui s’y trouve, ainsi que son infrastructure et ses institutions, a-t-il dit.
Le ministre égyptien des Antiquités, Khaled al-Anani, a visité la synagogue Eliyahu Hanavi vendredi dernier, a indiqué le ministère dans sa déclaration.
Le gouvernement égyptien est investi dans la préservation des antiquités de l’Égypte – « qu’elles soient pharaoniques, juives, coptes ou islamiques », précise la déclaration.
L’Égypte a également parrainé la restauration de la synagogue de Maïmonide au Caire dans les années 2000.
Mais de nombreux lieux de culte juifs au Caire, ainsi qu’un important cimetière juif, sont à l’abandon depuis des décennies.
Le président égyptien Abdel Fattah el-Sissi a déclaré en novembre 2018 : « Si nous avons des Juifs, nous leur construirons des synagogues. » Ces dernières années, Sissi, qui a mené une vaste campagne de répression contre la dissidence et emprisonné des milliers de critiques, a fréquemment rencontré des délégations juives aux États-Unis et au Caire.
Le ministère israélien des Affaires étrangères a salué la restauration de la synagogue par l’Égypte. « Nous voyons d’un œil très positif les efforts de l’Egypte pour préserver les sites de la communauté juive qui existe en Egypte depuis plus de 2 000 ans », a déclaré le porte-parole Lior Haiat dans un message, sans faire explicitement référence à Eliyahu Hanavi.
L’ambassadeur d’Israël en Egypte, David Govrin, a visité la synagogue en septembre 2016.
Le jour de sa visite à Eliyahu Hanavi, il a déclaré au site d’information de droite Arutz Sheva que « la restauration des synagogues est importante car elle fait partie de notre patrimoine, ainsi que de l’histoire de l’Egypte. C’est étonnant et spécial d’entrer dans une vieille, belle et magnifique synagogue. C’est un symbole du passé, d’une époque où il y avait une communauté juive florissante dans cette ville ».
Dans ses commentaires, il a également semblé indiquer qu’Israël ne pouvait pas soutenir financièrement la restauration des synagogues en Égypte, « car cela ressemblerait à de l’ingérence aux yeux de l’Égypte, et l’Égypte ne veut pas être poussée à remettre des documents ou des biens ».
Nacamuli, dont le grand-père était président honoraire de la communauté juive du Caire, a fait l’éloge de l’Égypte pour avoir restauré Eliyahu Hanavi.
« Je pense que c’est un geste extrêmement positif. C’est une reconnaissance du fait que les Juifs ont fait partie de l’histoire de l’Égypte », a-t-il dit, précisant que la police égyptienne protège toutes les synagogues juives du pays.
Levana Zamir, la directrice de l’Association internationale des Juifs d’Egypte, a déclaré qu’elle était enthousiasmée par les rénovations de la synagogue.
« Nous sommes ravis », a déclaré Zamir, qui a dit avoir célébré le nouvel an juif à Eliyahu Hanavi avec sa famille et des diplomates en septembre, lors d’un appel téléphonique. « C’est une grande propriété. »
Elle a ajouté qu’elle pensait que l’Égypte avait fait l’effort de restaurer le site pour deux raisons majeures.
« Ils ont fait ce travail par respect pour les antiquités et leur passé juif », a déclaré Zamir, qui a quitté le Caire avec sa famille en 1949 à l’âge de 12 ans. L’autre facteur visait à stimuler le tourisme.
Zamir, qui vit maintenant en Israël, a déclaré qu’elle et sa famille ont quitté l’Égypte après que les autorités ont arrêté son oncle en 1948 et confisqué leurs biens.
Nacamuli a déclaré que, bien qu’il soit peu probable qu’un nombre important de Juifs retournent en Egypte à l’avenir, il était crucial de préserver l’histoire de la communauté juive en Egypte.
« Verrons-nous un jour une résurgence de la vie juive en Egypte ? Je ne sais pas », dit-il. « Au moins, il y aura des traces de notre passage et de notre histoire là-bas. C’est très significatif. »