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Rescapé d’Auschwitz : le long voyage d’Albrecht Weinberg jusqu’à son pays natal

Après plus de 60 ans en Amérique, où il s'est exilé à la fin de la Shoah, le centenaire, s'est réinstallé à Leer et raconte, "pour que le souvenir ne s'estompe pas comme le numéro sur le bras"

Albrecht Weinberg, 99 ans, survivant de la Shoah, devant sa maison natale à Rhauderfehn, près de Leer, en Allemagne, le 30 décembre 2024. Albrecht Weinberg a survécu aux camps de concentration d'Auschwitz, de Dora-Mittelbau et de Bergen-Belsen, a émigré aux États-Unis et est retourné dans son pays natal, la Frise orientale, après avoir travaillé pendant des décennies comme commerçant à New York. (Crédit : FOCKE STRANGMANN / AFP)
Albrecht Weinberg, 99 ans, survivant de la Shoah, devant sa maison natale à Rhauderfehn, près de Leer, en Allemagne, le 30 décembre 2024. Albrecht Weinberg a survécu aux camps de concentration d'Auschwitz, de Dora-Mittelbau et de Bergen-Belsen, a émigré aux États-Unis et est retourné dans son pays natal, la Frise orientale, après avoir travaillé pendant des décennies comme commerçant à New York. (Crédit : FOCKE STRANGMANN / AFP)

Survivant d’Auschwitz, Albrecht Weinberg a laissé derrière lui sa ville de Leer et le nord de l’Allemagne. Jusqu’à l’âge de 80 ans, quand ce rescapé de la Shoah a décidé de revenir vivre dans son pays natal.

Appuyé sur son déambulateur, M. Weinberg, aujourd’hui presque centenaire, se tient face à la maison de son enfance, où cinq petits pavés de laiton insérés dans le trottoir rappellent que toute sa famille a été déportée. Ses parents sont morts dans les camps nazis tandis que son frère, sa sœur et lui ont survécu.

Le reste de l’histoire, c’est le vieil homme à la silhouette fragile qui la raconte lors d’un entretien avec l’AFP : après plus de 60 ans en Amérique, où il s’est exilé à la fin de la Seconde Guerre mondiale, Albrecht Weinberg s’est réinstallé à Leer au seuil de sa vie.

Pendant des décennies, il n’a plus voulu entendre parler de l’Allemagne et de la commune de 35 000 habitants, située non loin de la frontière des Pays-Bas, où sa famille a été persécutée.

Après l’arrivée d’Adolf Hitler au pouvoir en 1933, le petit Albrecht a dû quitter l’école communale pour intégrer une école juive, sa famille a été dépossédée de la maison bâtie par son grand-père, son père a dû cesser son activité de marchand de bétail faute de clients.

« Toute ma famille, plus de 40 personnes, sont mortes gazées », poursuit-il. « Mon père était un soldat allemand pendant la Première Guerre mondiale, quelqu’un qui a consacré sa vie à sa patrie et on l’a envoyé dans une chambre à gaz. »

Des pierres Stolpersteine devant l’ancienne maison des Weinberg à Rhauderfehn, près de Leer, en Allemagne, le 30 décembre 2024. (Crédit : FOCKE STRANGMANN / AFP)

« Rien ne nous retenait »

Aux côtés de son grand frère Dieter, Albrecht Weinberg a survécu au travail forcé et aux conditions effroyables du camp de Monowitz-Buna, dépendant d’Auschwitz-Birkenau, où les détenus étaient au service d’une usine du groupe chimique allemand IG Farben.

Construit en Pologne occupée, Auschwitz-Birkenau est le symbole du génocide perpétré par l’Allemagne nazie qui a entraîné la mort de six millions de Juifs, dont environ un million assassinés dans ce camp entre 1940 et 1945.

Après la libération du camp par l’Armée rouge le 27 janvier 1945, il y a 80 ans tout juste, « rien ne nous retenait en Allemagne », confie le rescapé.

Albrecht Weinberg s’installe à New York, travaille comme boucher, fréquente d’autres Juifs exilés et refuse de parler de l’horreur de la déportation qui l’accompagne constamment : il ne veut pas témoigner aux procès de nazis en Allemagne et décline une rencontre avec le réalisateur américain Steven Spielberg quand celui-ci veut l’interviewer.

Le survivant de la Shoah Albrecht Weinberg, âgé de 99 ans, pose avec une photo de (G-D) lui, son frère Diedrich et sa sœur Friedel à son domicile de Leer, en Allemagne, le 30 décembre 2024.(Crédit : FOCKE STRANGMANN / AFP)

En 1985, avec sa soeur Friedel, également résidente américaine, ils reçoivent une lettre du maire de Leer qui invite tous les anciens citoyens de la commune à revenir. La lettre disparaît dans un tiroir : « Après tout ce qu’ils nous ont fait, je ne retourne pas en Allemagne », dit-il alors.

Mais un enseignant de la localité les convainc quand il leur adresse une photo des enfants de l’école juive qu’ils fréquentaient.

Le voyage lui laisse des sentiments mitigés. « La nouvelle génération d’Allemands nous a reçus d’une façon que nous n’avions jamais connue dans notre enfance, où tous ceux de notre âge étaient aux jeunesses hitlériennes », se souvient-il. « Nous nous sommes rendus compte que ces jeunes étaient des gens normaux. »

Ils nouent des relations d’amitié avec plusieurs d’entre eux et partent même en vacances ensemble.

« Pour que le souvenir ne s’estompe pas »

Mais lors d’un dîner, la remarque d’une dame de son âge le glace : « Nous avons vécu sous Hitler les meilleurs moments de notre vie », observe-t-elle. « Pour moi, c’était les pires », rétorque Albrecht Weinberg avant de se lever.

Vingt-cinq années s’écoulent encore jusqu’à l’événement qui le décide à revenir à Leer. Lorsque sa sœur Friedel est victime d’un accident cardio-vasculaire aux Etats-Unis, leurs amis allemands assurent qu’ils seront mieux soignés en Allemagne.

La mort de Friedel, quelques mois après leur retour, éprouve Albrecht Weinberg. Elle était la seule famille qui restait au vieil homme qui ne s’est jamais marié et n’a pas eu d’enfants.

Mais une rencontre vient adoucir la peine : celle de Gerda Dänekas, une infirmière en gériatrie née à Leer après la guerre. Depuis la mort de son époux, ils vivent sous le même toit, dans un appartement situé à quelques kilomètres de la maison d’enfance d’Albrecht Weinberg.

Avec elle, le survivant parle enfin de son passé qu’il avait si longtemps occulté.

Albrecht Weinberg, qui aura cent ans le 7 mars, témoigne dans les écoles et même chez le groupe BASF, héritier du chimiste IG Farben. Un lycée de sa ville natale a pris le nom du rescapé.

Raconter son histoire est devenu une vocation : « Pour que le souvenir ne s’estompe pas comme le numéro sur son bras », comme il le dit dans un livre co-écrit avec un journaliste allemand.

« Ne vous laissez pas intimider si quelque chose ne vous plaît pas », dit-il aux élèves allemands qu’il rencontre. « Nous, nous n’avions pas le choix ».

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