Rescapé de la Shoah, un Juif d’Odessa exhorte Berlin à le sauver de Poutine
Âgé de 88 ans, ce rescapé du ghetto de Berchad, dans le sud-ouest de l'Ukraine, est sans doute l'une des dernières victimes des nazis à s'exprimer devant le Bundestag à Berlin

« Autrefois, Hitler voulait me tuer parce que je suis juif. Maintenant, Poutine veut me tuer parce que je suis Ukrainien ». Roman Schwarzman, habitant d’Odessa, est venu témoigner mercredi devant les députés allemands pour les 80 ans de la libération d’Auschwitz et exhorter le pays à soutenir l’Ukraine.
Âgé de 88 ans, ce rescapé du ghetto de Berchad, dans le sud-ouest de l’Ukraine, est sans doute l’une des dernières victimes des nazis à s’exprimer devant le Bundestag à Berlin.
C’est une tradition chaque année fin janvier, à une date proche de l’anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz, symbole du génocide contre six millions de juifs perpétré par le IIIème Reich.
Coiffé d’une kippa et vêtu d’un costume noir, Schwarzman, président de la fédération ukrainienne pour les survivants des camps et des ghettos, a mis en garde les responsables politiques allemands contre une répétition de l’histoire.
« Je vous supplie de nous armer pour que Poutine mette fin à cette guerre d’extermination. J’ai déjà pu échapper une fois à l’extermination. Aujourd’hui, je suis un vieil homme et je dois à nouveau vivre avec la peur (…) pour mes enfants et petits-enfants », a-t-il martelé.
Tout en remerciant Berlin pour son aide contre l’agresseur russe, il l’a appelé à continuer ses efforts.
« L’Ukraine a besoin de défense antiaérienne (…). Nous avons besoin d’avions pour obtenir la supériorité aérienne. Nous avons besoin de plus de missiles à longue portée », a-t-il dit.
L’Allemagne est le deuxième plus gros contributeur d’aide à l’Ukraine après les Etats-Unis, depuis l’invasion de ce pays par Vladimir Poutine le 24 février 2022. Elle a également accueilli plus d’un million de réfugiés fuyant les bombes russes.

« Responsabilité historique »
Mais l’extrême droite et la gauche radicale allemandes, opposées à cette aide, rencontrent un certain appui dans la population, notamment à l’est du pays, moins critique vis-à-vis de Moscou.
Et le chancelier Olaf Scholz se refuse à fournir à Kiev des missiles longue portée Taurus, en invoquant un risque d’escalade avec la Russie. Les élections législatives de fin février approchant, il a tempéré ostensiblement son soutien militaire à l’Ukraine, bloquant même une récente enveloppe financière, et tente de se présenter comme le « chancelier de le paix » désormais.
« Ne retournons pas à une période sombre », a plaidé M. Schwarzman. Actuellement, environ 1 000 survivants des ghettos et camps de concentrations nazis vivent dans l’actuel territoire de l’Ukraine, où plus d’un million de juifs ont été tués par les Allemands entre 1941 et 1944.
Après 1945, le souvenir de la Shoah n’avait pas de place dans l’histoire officielle de l’Union soviétique, dont faisait alors partie l’Ukraine : les juifs n’étaient pas vus comme des victimes à part entière, mais comme des victimes soviétiques des nazis.
C’est seulement après l’effondrement de l’URSS au début des années 1990 que la culture du souvenir a changé et que M. Schwarzman a pu s’engager pour défendre cette mémoire dans son pays.
L’avertissement contre un retour de l’histoire émis par M. Schwarzman résonne d’autant plus fort en Allemagne que l’extrême droite, créditée dans les sondages de la deuxième place aux législatives, remet de plus en plus souvent en cause la culture de repentance de ce pays.
Longtemps hantée par la culpabilité des horreurs commises par les nazis, l’Allemagne voit désormais de plus en plus de responsables de cette mouvance revisiter ce passé, à l’instar de ce qui se passait déjà dans d’autres pays européens, comme en France ou en Italie.
« Nous ne devons pas nous soustraire à notre responsabilité historique », a prévenu la présidente du Bundestag, la social-démocrate Bärbel Bas, en ouvrant les commémorations.
Et le président allemand Frank-Walter Steinmeier, social-démocrate également, a assuré à M. Schwarzman : « Mon pays se tient à vos côtés, dans votre travail de mémoire, mais aussi dans cette guerre effroyable menée par Poutine contre l’Ukraine ».