Israël en guerre - Jour 422

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Retardée par la guerre, la Biennale de Jérusalem fait des moutons des épées de fer

Consacrées à l'origine aux biens culturels – « mouton de fer » en jargon hébreu – les 7 semaines d'exposition portent les stigmates des atrocités du 7 octobre 2023

Jessica Steinberg est responsable notre rubrique « Culture & Art de vivre »

Lors de l'ouverture de la Biennale de Jérusalem 2024, reprogrammée en mars 2024, au Musée d'art juif italien de Nahon (Autorisation)
Lors de l'ouverture de la Biennale de Jérusalem 2024, reprogrammée en mars 2024, au Musée d'art juif italien de Nahon (Autorisation)

Comme tant d’autres événements, expositions et performances, la sixième Biennale de Jérusalem aurait dû avoir lieu en novembre dernier et porter son regard sur l’art juif dans la ville sainte.

Elle a été reportée, dans le sillage du 7 octobre, mais certaines des expositions prévues ont été présentées par les artistes dans leur ville d’origine, un peu partout dans le monde, en « signe de solidarité », explique le directeur et fondateur de la Biennale, Rami Ozeri.

La Biennale, qui a ouvert ses portes à Jérusalem le 10 mars, se tiendra jusqu’au 29 avril, émaillée de 30 expositions un peu partout dans la ville, des ruines réhabilitées de l’ancien hôtel President, dans le quartier de Talbieh, au musée d’art juif italien du centre-ville de Nahon en passant par les musées, galeries et espaces contemporains.

Dès l’origine, le thème prévu pour cette Biennale a été Tzon Barzel, terme hébreu dont la traduction littérale est « Mouton de fer », mais qui est utilisé pour parler des biens culturels d’importance nationale.

L’exposition a été conçue pour parler des fondements de la culture contemporaine, explique Ozeri, afin d’identifier les mouvements, les idées, les personnes et les moments qui sont devenus les biens culturels du peuple juif.

Ce nom s’est malgré lui imposé pour cette Biennale reprogrammée, involontairement imprégnée des thèmes et explorations artistiques issus de l’effroyable attaque terroriste du Hamas, le 7 octobre dernier. Les autorités militaires ont baptisé l’opération israélienne à Gaza qui s’en est suivie « Harvot Barzel » – en hébreu Épées de Fer -, ce qui connecte le thème envisagé par la Biennale avant le 7 octobre à celui qui fait l’objet de l’exposition aujourd’hui.

Dans le hall d’entrée de Heichal Shlomo, ex-siège du Grand Rabbinat d’Israël et actuel centre du patrimoine, trois murs présentent l’exposition « Juifs sur papier », affiches graphiques créées par des dizaines d’artistes sur le thème des fêtes et rituels juifs, explique le conservateur Eli Kaplan Wildmann, ajoutant que ces affiches interrogent le public sur l’imagerie ancienne ou plus contemporaine .

Le commissaire d’exposition Eli Kaplan Wildmann (à gauche) et le directeur de la Biennale de Jérusalem, Rami Ozeri, lors de l’exposition « Jewish on Paper », le 13 mars 2024 (Crédit : Jessica Steinberg/Times of Israel)

Originaires de Jérusalem, Dov Abramson, Neriya Zur, David Moss et Alex Woz se partagent l’espace avec des œuvres nettement plus anciennes, comme l’œuvre d’Ephraim Moses Lilien, de 1908.

A une volée de marches (ou un tour d’ascenseur) se trouvent trois autres galeries.

L’une d’entre elles parle de « Tzimtzum », métaphore kabbalistique pour la dissimulation, avec des œuvres d’un collectif de jeunes artistes de Brooklyn connu sous le nom de Havurah, qui parlent « de ce que nous voulons mieux comprendre », explique Ozeri.

Leurs œuvres ouvrent une fenêtre sur ce qu’est la vie juive contemporaine à New York, à la manière de cette kippa qui pointe sous une casquette de baseball ou de ce groupe de femmes en maillot de bain, en train de prendre le soleil autour d’une piscine des Catskills.

« Ladies in the Catskills » de Jacqueline Kott Wolle, dans le cadre de l’exposition Havurah à Heichal Shlomo pour la Biennale de Jérusalem, mars 2024 (Autorisation)

Une vingtaine de membres de Havurah sont en ce moment en Israël pour la Biennale.

Dans la galerie voisine on peut voir « Hallelujah », ou le regard d’Udi Urman sur les artistes israéliens qui vivent à New York et questionnent leur patrimoine culturel. Dans l’après-7 octobre, ils montrent ce que c’est que d’être israélien dans un monde qui ne veut pas nécessairement les comprendre.

Les natures mortes exigeantes – et de petite taille – de Chen Goshen donnent à voir un morceau de challah transformé en bagel et plusieurs produits alimentaires israéliens indispensables au sabra installé à l’étranger, tandis que les pastels audacieux de l’Israélienne d’origine éthiopienne Hirut Yosef mettent l’accent sur la vision d’une femme africaine dans le monde contemporain.

La troisième galerie donne à voir six modèles d’architecture contemporaine de synagogues venus d’un peu partout dans le monde, de la maison de prière commémorative de Babi Yar, en Ukraine, à la synagogue de Yad Vashem ou aux travaux d’extension de la synagogue de Wilshire Boulevard à Los Angeles.

Après Heichal Shlomo, les visiteurs peuvent se rendre à la Maison du Président, toute proche, pour y admirer les œuvres d’artistes nomades de six pays. Il y a aussi « Seamlines », cinq installations créées in situ dans l’ancienne maison HaMiffal, non loin du Waldorf Astoria, dans le cadre d’un programme de résidence d’artistes sous les auspices de la Biennale de Jérusalem.

Une promenade plus longue jusqu’à l’ancien bâtiment Shaare Zedek amène les visiteurs à « Un pont très étroit », exposition d’œuvres d’artistes ayant connu d’importantes difficultés, que ce soit en raison de leur orientation religieuse ou sexuelle, et qui incarnent le multiculturalisme d’Israël aujourd’hui.

C’est la première fois que le Musée d’art juif italien de Nahon accueille une exposition de la Biennale.

Dans le cadre de l’exposition « Threading » de la Biennale de Jérusalem, « What We Bring » d’Andi Arnovitz au Musée Nahon d’art juif italien, mars 2024 (Autorisation)

L’exposition « Threading », organisée par Emily Bilski, permet de découvrir une robe de mariée en matériau recyclé d’Andi Arnovitz ornée de découpes papier de couleur crème faites du nom, en lettres cursives, de centaines de femmes allant de l’Eve biblique à Gal Gadot.

Les estampes de Lynne Avadenka, réalisées en transparence à l’aide d’une ancienne typographie hébraïque à l’encre dorée, évoquent une citation du livre biblique des Proverbes, et une partie du trousseau de la grand-mère d’Heddy Abramowitz est brodé des empreintes de mains de ses jeunes enfants.

Les commissaires Vera Pilpoul et Ermanno Tedeschi présentent quant-à-eux « Derrière le masque », qui interroge les interprétations du Livre d’Esther – qui sera lu lors des fêtes de Pourim – avec des œuvres créées par des artistes italiens ou israéliens allant des sculptures aux collages en passant par les peintures.

Cette Biennale est l’occasion pour le musée de faire entrer des artistes contemporains dans ses collections permanentes, explique Daniel Niv, conservateur et directeur du musée italien, qui expose une centaine d’artefacts sur un fonds qui en rassemble de près de 3 000.

Rendez-vous sur le site de la Biennale de Jérusalem pour plus d’informations sur les lieux, les expositions et les horaires.

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