Sarona : Templiers, terrorisme, nazis, gouvernement, à quand la tranquillité ?
L'histoire extraordinaire d'une oasis urbaine fondée comme colonie agricole chrétienne, qui a changé de mains tout comme la Terre Sainte ; malgré les Unes sanglantes, ces derniers jours, la population y revient avec détermination
- Pendant la Guerre d'Indépendance d'Israël, les pièces d'avion récupérées sur les Britanniques ont été remontées dans la cave vinicole de Sarona. (Photo: Shmuel Bar-Am)
- La Weller House de Sarona remonte aux années 1930 et a été utilisée par la Haganah après que les britanniques aient quitté en 1947. (Photo: Shmuel Bar-Am)
- La boulangerie des Templiers a été créée par des colons allemands qui ont nommé Sarona d'après la plaine de Sharon du centre d'Israël. (Photo:Shmuel Bar-Am)
- Sarona la nuit, avec les tours ultra-modernes Azraeli de Tel-Aviv en arrière-plan. (Photo: Shmuel Bar-Am)
- Sarona a été fondé par les Protestants allemands en 1871
- Les premiers habitants de Sarona récoltaient oranges et produisaient du vin. (Photo: Shmuel Bar-Am)
- Le marché intérieur de Sarona est populaire auprès des habitants de Tel Aviv et des touristes. (Photo: Shmuel Bar-Am)
- Une vue du marché couvert de Sarona à Tel Aviv. (Crédits : Shmuel Bar-Am)
- Les premiers habitants de Sarona produisaient du vin et le stockait dans des caves souterraines. (Photo: Shmuel Bar-Am)
- Les premiers colons ont planté plus d'un millier d'arbres d'eucalyptus dans ce qui est maintenant le complexe Sarona. (Photo: Shmuel Bar-Am)
- A la fin du 19ème siècle des centaines de colons allemands se sont installés dans les environs. (Photo: Shmuel Bar-Am)
- Le centre communautaire de Sarona. (Photo: Shmuel Bar-Am)
- Le puits devant la cave de Sarona a été construit par des résidents arabes de la région. (Photo: Shmuel Bar-Am)
- La Wilhelmine House a été construite en 1872 et la première radio de la colonie y fut installée, pour que les résidents puissent écouter les nouvelles d'Allemagne. (Photo: Shmuel Bar-Am)
Le lendemain de l’horrible acte terroriste du 8 juin au marché Sarona de Tel-Aviv, les choses semblaient être de retour à la normale. Ou peut-être « à l’anormale ». Plus d’Israéliens que d’habitude – des milliers, en fait – se sont rendus dans le complexe, mangeant dans les restaurants et faisant du shopping dans les magasins.
Un équipe européenne de cinéma, choquée, a demandé à un correspondant israélien si cette reprise des activités normales n’était pas plutôt une manifestation d’insensibilité. Le correspondant a répondu que c’est notre façon de faire en Israël : la vie continue, et nous refusons de vivre dans la peur.
Sarona est un site israélien unique qui a débuté en 1871. En effet, plus de 30 ans avant que Theodor Herzl ait publié un livre visionnaire sur un Tel-Aviv utopique, un groupe de Templiers allemands s’était installé dans ce qui est aujourd’hui le cœur de cette métropole animée moderne.
Ils ont appelé leur nouvelle maison Sarona, puisque les Templiers étaient de fervents Chrétiens et étaient ravis de vivre près des plaines bibliques du Sharon. Ayant un mode de vie plus strict que les autres Protestants allemands, ils avaient l’intention d’établir un royaume spirituel de Dieu en Terre Sainte, avec le Peuple du Livre.

Nous avons visité Sarona il y a quelques mois avec Paule Rakower, une merveilleuse guide qui connaît le complexe sur le bout des doigts.
Elle a souligné qu’aujourd’hui, les visiteurs consommaient des hamburgers à l’intérieur du centre communautaire où les Templiers se rassemblaient jadis pour le culte. Des boutiques animées sont installées dans d’anciennes maisons charmantes, un restaurant gastronomique opère sur le site où les colons allemands s’étaient réunis autour de leur première radio, des touristes flânent à travers les tunnels menant à une ancienne cave, et l’histoire de Sarona est présentée au public à l’intérieur de ce qui était autrefois une belle résidence de Templiers.
Comment se fait-il qu’une colonie agricole prospère fondée par une secte évangélique allemande soit devenue l’un des sites touristiques les plus recherchés et passionnants d’Israël ?

Troisième colonie de Templiers à s’établir en Terre Sainte, Sarona a été la première à être basée sur l’agriculture. Après un lent démarrage, la communauté a prospéré et s’est développée de telle sorte que d’ici la fin du 19e siècle, des centaines de colons vivaient à Sarona. Ils ont planté plus d’un millier d’eucalyptus, exploité des champs fertiles, introduit les oranges de Jaffa, produit d’excellents vins et travaillé dans des dizaines d’ateliers.
Mais en 1917, les Britanniques ont conquis la Palestine et leur armée a réquisitionné Sarona. Ils ont transformé la maison communautaire en hôpital militaire, utilisé d’autres bâtiments pour le stockage et expulsé vers l’Egypte la plupart des Templiers. Lorsque plusieurs centaines de Templiers sont revenus en 1920, ils ont trouvé la colonie en ruines. Un travail dur, un nouvel effort sur le commerce et un afflux d’immigrants ayant besoin de services et de biens ont aidé Sarona à récupérer, et même à prospérer.
Avec la montée du nazisme en Allemagne, de nombreux Templiers (ils étaient d’origine allemande, ne l’oublions pas) lui ont juré fidélité. Ainsi, Sarona a été la première communauté à l’extérieur de l’Allemagne ayant une section du parti nazi à organiser des marches militaires. Beaucoup de jeunes Templiers de Sarona ont rejoint l’armée allemande.
Les Britanniques ont réagi en transformant Sarona et d’autres colonies en camps entourés de barbelés. Des milliers de Templiers allemands ont été confinés dans les camps. Plus tard, Sarona a été occupé par les Britanniques, qui ont expulsé la plupart des Allemands vers l’Australie.

Lorsque les Britanniques ont quitté la région de Tel-Aviv, à la fin de 1947, la Haganah a établi un camp militaire à Sarona qui a plus tard hébergé les bureaux du gouvernement israélien et le quartier général de l’armée israélienne. Pendant le demi-siècle qui a suivi, Sarona a été connu sous le nom HaKiriya (littéralement ‘le campus’).
Des plans pour démolir le complexe et le remplacer par des tours commerciales et résidentielles ont commencé à germer au milieu des années 1990.
Fort heureusement, une lutte acharnée menée par la Société pour la préservation des lieux historiques a réussi et un nouveau plan axé sur la conservation a été adopté en 2006. Ainsi, alors qu’il se trouve au milieu de grattes-ciel, le complexe du marché Sarona a ouvert en 2014 avec 36 maisons fantastiquement restaurées hébergeant restaurants et boutiques, un parc urbain tranquille et beau, et un marché qui rivalise avec Boston Commons qui a été inauguré l’an dernier.
Rakower, l’une de nos guides préférées, a commencé la visite du complexe en nous montrant les quelques maisons qui ont dû être déplacées afin d’élargir la rue Kaplan – une artère animée qui était déjà le principal passage en 1871.
Puis, nous avons visité le premier bâtiment public de Sarona : un centre communautaire, créé en juin 1872, accueillant des activités communautaires, des prières et une école. L’horloge que l’on peut voir sur le mur extérieur est une copie de l’originale qui les avait aidés à rester dans le temps.
L’une des trois cloches sur le toit était utilisée pour les urgences ; une deuxième sonnait à chaque heure et la troisième toutes les 15 minutes. Lorsqu’ils étaient dans les champs pour cultiver oranges, pommes de terre et légumes, les cloches leur servaient à savoir quand ils pouvaient rentrer chez eux.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, l’ancien centre communautaire a abrité le quartier général de l’armée britannique. Plus tard, après la création de l’Etat, le bâtiment a hébergé les services philatéliques d’Israël et un bureau de poste utilisé par tout le monde dans la Kiriya.

Le musée de Sarona est situé dans une résidence allemande avec rez-de-chaussée, cave et grenier. Marchant dans le bâtiment, nous découvrons des murs peints au pochoir ainsi que le carrelage – fabriqué il y a longtemps dans une usine du quartier limitrophe de Neve Tzedek.
Les salles du musée sont divisées selon les différentes époques : l’une d’elles illustre la négligence de la colonie pendant la Première Guerre mondiale, une autre la période précédant la Seconde Guerre mondiale, lorsque les Juifs du pays boycottaient les Templiers en raison de leurs sympathies nazies (et que les jeunes Templiers essayaient de convaincre leurs parents de boycotter les Juifs…)
Une troisième salle est pleine de photos et de souvenirs liés au mandat britannique et une quatrième est remplie de tiroirs et de classeurs. C’est ici que le ministre de la Police avait son bureau, et plus tard la salle a accueilli les archives du Premier ministre. Y est affichée une copie de la déclaration d’Indépendance de l’Etat d’Israël, parce que l’original a probablement été entreposé dans cette salle.

La première radio dans la colonie a été installée dans une maison construite en 1874 par Wilhelmine et Andreas Schmidt. Ce bâtiment héberge maintenant un restaurant qui connaît un certain succès. Un café Beit Habad (Oil Press Café) est situé dans une ancienne maison à côté de – devinez quoi – un pressoir à huile ! Une présentation merveilleuse et excitante à l’intérieur du site raconte l’histoire des Templiers (les clients du café peuvent la voir gratuitement, d’autres paient une petite somme).
Lorsque les Templiers voulaient se divertir, ils jouaient au bowling dans l’allée du bowling de la colonie, qui était située à côté du jardin de la bière. L’allée est toujours là, à côté d’un restaurant moderne.
La production de vin fut la principale entreprise agricole dans la colonie pendant plus d’un siècle, et une visite là-bas exige une promenade fraîche et souterraine dans les caves. Pendant la guerre d’Indépendance, les pièces des avions qui avaient autrefois appartenu à l’Armée de l’Air britannique ont été transférées dans la cave pour y être assemblées sur les appareils israéliens.
Juste devant la cave, il y a un vieux puits construit par des Arabes locaux qui utilisaient un âne pour faire tourner la roue. Les Allemands avaient des méthodes plus modernes : un moteur faisait tourner la roue et une chaîne montait et descendait pour puiser l’eau.

L’une des attractions préférée est le marché intérieur, qui héberge 91 boutiques et restaurants de tous les types imaginables. Il est agréable de s’y promener pour humer une grande variété d’arômes et goûter toutes sortes de friandises délicieuses. (N.B. plusieurs restaurants à Sarona sont casher)
Vous pouvez visiter Sarona sept jours sur sept. Le centre d’accueil des visiteurs propose des visites quotidiennes du musée et des tunnels aux heures rondes, en anglais et en hébreu, mais vous devez réserver à l’avance (si vous êtes peu nombreux, vous serez ajoutés à un groupe existant). Téléphone : +972 3 604 9634.
Merci à notre pour guide Paule Rakower (krpaule@hotmail.com)
Aviva Bar-Am est l’auteur de sept guides en anglais sur Israël.
Shmuel Bar-Am est un guide agréé qui propose des visites privées personnalisées en Israël pour les particuliers, les familles et les petits groupes.
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