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Se laver les mains ? Un luxe pour des millions de Yéménites

Les ONG craignent une catastrophe si la pandémie de COVID-19 se répand au Yémen, pays le plus pauvre de la péninsule arabique, déjà confronté à la pire crise humanitaire au monde

Des volontaires yéménites désinfectent les mains d'un homme dans l'un des quartiers pauvres de Sanaa, le 30 mars 2020, en pleine épidémie de COVID-19.
(Crédit : MOHAMMED HUWAIS / AFP)
Des volontaires yéménites désinfectent les mains d'un homme dans l'un des quartiers pauvres de Sanaa, le 30 mars 2020, en pleine épidémie de COVID-19. (Crédit : MOHAMMED HUWAIS / AFP)

Tous les matins, Mohammed, 11 ans, monte sur son âne pour aller chercher de l’eau à Hajjah, près de Sanaa. Comme ailleurs au Yémen, sa région manque du précieux liquide, surtout en ces temps de lutte contre le nouveau coronavirus.

Pour répondre aux besoins quotidiens de toute la famille, il parcourt avec sa sœur jusqu’à trois kilomètres pour obtenir de l’eau, trop souvent insalubre.

Là, les deux enfants prennent place dans une longue file avec en mains de vielles bouteilles en plastique d’huile moteur, qu’ils vont remplir d’eau aspirée d’un puits à l’aide d’un tuyau à la propreté douteuse.

« Le matin, je prépare l’âne. Puis, à 07H30, je vais chercher de l’eau et je fais des allers-retours jusqu’à 10H00 », dit à l’AFP Mohammed.

Alors que le monde tente de contenir la propagation du nouveau coronavirus, les experts sont formels : le confinement et le lavage des mains avec du savon restent les meilleurs moyens de se protéger et de protéger les autres.

Vendredi, un premier cas de contamination au nouveau coronavirus a été annoncé au Yémen. Les ONG craignent une catastrophe si la pandémie se répand dans le pays, le plus pauvre de la péninsule arabique, déjà confronté à la pire crise humanitaire au monde d’après l’ONU depuis l’intervention armée de l’Arabie saoudite et ses alliés en 2015.

Cette coalition dirigée par Ryad appuie les forces loyales au gouvernement reconnu par la communauté internationale qui combat les rebelles Houthis, soutenus par l’Iran et qui contrôlent depuis des années des pans entiers du nord du pays ainsi que la capitale Sanaa.

« Le coronavirus représente un nouveau défi pour le Yémen », a alerté fin mars l’ONG Oxfam, citant « la limitation des déplacements de certains travailleurs humanitaires », « les graves pénuries de médicaments, d’équipements et de personnel » ainsi que « d’accès à l’eau potable ».

« Après cinq ans de morts, de maladies, de déplacements et face à la menace croissante d’une pandémie mondiale, les Yéménites ont désespérément besoin d’un cessez-le-feu », a clamé Muhsin Siddiquey, directeur d’Oxfam pour le Yémen.

Si un cessez-le-feu a été décrété unilatéralement à partir de jeudi – avant l’annonce du premier cas – par la coalition militaire menée par l’Arabie saoudite, alliée du pouvoir au Yémen, celui-ci ne semblait pas tenir, des frappes aériennes ayant visé des cibles des rebelles Houthis quelques heures après son entrée en vigueur, selon des sources des belligérants.

« Catastrophe »

Sanaa, la capitale du Yemen, en 2015. (CC BY-SA Wikimedia Commons)

La guerre a fait des dizaines de milliers de morts, essentiellement des civils, d’après diverses ONG. Plus de trois millions de Yéménites vivent entassés dans des camps de déplacés et environ 24 millions, soit plus des deux tiers de la population, ont besoin d’aide humanitaire, estime l’ONU.

Menacé de famine, le pays est également régulièrement frappé par des épidémies de dengue et de choléra en raison d’un système de santé à l’agonie et de la rareté de l’eau potable.

Après cinq ans de guerre, les Yéménites « n’ont pas accès à l’eau potable, certains n’ont pas accès au savon », insiste Caroline Seguin, responsable locale des programmes de Médecins Sans Frontières (MSF).

« Nous pouvons recommander de se laver les mains, mais si vous n’avez rien pour le faire ? »

« Nous voyons déjà la catastrophe en Europe, qui est censée avoir les meilleurs systèmes de santé au monde. Au Yémen, où ce système s’effondre, avec beaucoup de camps de déplacés, un manque d’hygiène et d’eau potable, cela peut être une vraie catastrophe », confie-t-elle.

Les rebelles Houthis ont annoncé des mesures pour prévenir l’arrivée de la pandémie sur les territoires qu’ils contrôlent, avec la fermeture des écoles ou la suspension des vols de l’ONU à Sanaa, les seuls qui étaient autorisés dans ce pays sous blocus aérien de la coalition.

Choléra

Une femme yéménite Nadia Nahari porte son fils de 5 ans Abdelrahman Manhash, souffrant de malnutrition sévère, à l’hôpital de Khokha au Yemen. (Crédit : AFP)

Au cinquième anniversaire du début des opérations de la coalition, l’Unicef estime que 18 millions de Yéménites, dont 9,2 millions d’enfants, n’ont pas directement accès à « l’eau potable, l’assainissement et l’hygiène » et que seul un tiers de la population est raccordé à l’eau courante.

« Le Yémen continue d’être l’un des pays les plus pauvres en eau du monde. L’accès à l’eau potable a été gravement affecté par des années de sous-investissement et par le conflit », résume à l’AFP Bismarck Swangin, directeur de la communication de l’Unicef pour le Yémen.

Pourtant, « l’accès à l’eau potable est essentiel pour prévenir la propagation des maladies d’origine hydrique », souligne-t-il.

En 2017, le Yémen a subi la plus grande épidémie de choléra et de diarrhée aiguë au monde, faisant plus de 2 000 morts.

Le centre médical de Haradh, dans la région de Hajjah, accueille chaque jour près de 300 patients, la plupart pour « des maladies transmises par une eau impropre à la consommation », affirme à l’AFP le médecin urgentiste Mohammed Akil.

« Le système de santé déjà fragile fonctionne à 50 % de sa capacité », souligne l’Organisation mondiale de la santé au Yémen, dans une déclaration transmise à l’AFP.

Elle assure que les établissements de santé seront « dépassés » si la pandémie de COVID-19 se propage dans le pays.

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