Selon Ben Gvir, Baharav Miara agit en chef de l’opposition et doit être renvoyée
Le ministre d’extrême droite assure que le renvoi de la procureure générale, qui s'oppose systématiquement aux décisions de son gouvernement, est absolument nécessaire
Le ministre de la Sécurité intérieure, Itamar Ben Gvir, a demandé jeudi le renvoi de la procureure générale, Gali Baharav-Miara, affirmant qu’elle « agissait comme la chef de l’opposition de facto ».
Dans un courrier adressé aux autres chefs de partis de la coalition leur demandant de soutenir cette initiative, Ben Gvir affirme que l’approche de Baharav-Miara, depuis le 29 décembre dernier, date de l’investiture de la coalition actuelle, la plus radicale jamais formée en Israël, a été celle d’une « opposition systématique à toute décision ou projet de loi soutenu par le gouvernement ou ceux qui lui sont liés ».
Nombreux sont les membres de la coalition au pouvoir à avoir critiqué Baharav-Miara et même évoqué un possible renvoi de son poste de procureur général, mais Ben Gvir est le premier à l’énoncer formellement.
« Je suis conscient des problèmes juridiques que pose son limogeage, mais les dégâts qu’elle occasionne cause chaque jour sont infiniment plus importants », a affirmé Ben Gvir, à la tête du parti d’extrême droite Otzma Yehudit.
Le ministre de la Sécurité intérieure a par ailleurs suggéré que Baharav-Miara avait été nommée par le précédent gouvernement « dans des circonstances douteuses », mais que, a contrario de sa récente attitude, elle avait alors systématiquement avalisé les décisions du gouvernement précédent, que ce soit l’accord maritime avec le Liban ou la nomination du chef d’état-major de Tsahal, Herzi Halevi, décisions de la plus haute importance prises pendant la phase intérimaire de la dernière coalition.
Ben Gvir a ajouté avoir voulu, malgré tout, donner à Baharav-Miara la chance de faire ses preuves pendant le mandat du nouveau gouvernement.
« Mais jour après jour, l’opposition systématique dont elle fait preuve gagne en puissance, à tel point qu’elle se comporte aujourd’hui comme la cheffe de facto de l’opposition », a-t-il déclaré.
Il a rappelé l’opposition de la procureure générale au projet de loi lui accordant plus de pouvoir sur la police, à sa décision de verrouiller Jérusalem-Est suite aux attentats, à son projet de peine capitale pour les coupables de terrorisme ou encore à celui qui accorderait aux forces de l’ordre l’immunité contre toute poursuite pour les actes commis lors des opérations militaires – mesures qui, selon les critiques, donneraient immanquablement lieu à des violations importantes des droits de l’homme.
Ben Gvir en veut particulièrement à Baharav-Miara d’avoir gelé sa décision de limoger le chef de la police de Tel Aviv, Amichai Eshed, auquel il reproche son indulgence envers les manifestants qui ont bloqué les routes lors de manifestations contre le projet de réforme judiciaire.
« La conduite de la procureure générale empêche […] les ministres de mettre en œuvre les politiques pour lesquelles ils ont été élus », a-t-il écrit.
Ben Gvir estime que Baharav-Miara finira par se prononcer en faveur de l’abandon de toute loi adoptée par la coalition afin de réformer le système judiciaire.
Le courrier du ministre de la Sécurité intérieure fait suite aux propos que Baharav-Miara aurait tenus, la veille, devant la Cour Suprême, disant que Ben Gvir avait sans doute « dépassé les limites » en intervenant dans des affaires policières et questions opérationnelles, et qu’il doit s’abstenir de donner des instructions opérationnelles à la police « sous couvert de prétendues directives politiques ».
La procureure générale aurait tenu ces propos en réaction à un recours introduit par Ben Gvir cette semaine, pour bénéficier des services d’un avocat indépendant lors des recours contre la décision lui confiant compétence sur la police et celle de limoger Eshed.
La décision de muter Eshed à un poste de niveau inférieur, annoncée après les critiques publiques de Ben Gvir, a été bloquée par Baharav-Miara dans l’attente d’un examen sur le fond de l’affaire.
Elle a déclaré que cette décision était justifiée par des doutes sur les motivations politiques de Ben Gvir.
Le ministre demande en effet depuis longtemps une réponse policière plus dure – notamment des arrestations de grande ampleur – contre les manifestants opposés à la réforme judiciaire.
Sa réponse à la Cour Suprême est intervenue un jour après que le procureur général adjoint, Gil Limon, a déclaré lors d’une réunion de commission de la Knesset que la loi conférant davantage de pouvoir à Ben Gvir sur la politique de la police nuisait à son indépendance opérationnelle et accentuait sa politisation.
Lundi, Ben Gvir a déposé un recours auprès de la Cour Suprême, lui demandant d’approuver sa demande de représentation juridique privée ou, à tout le moins, de lui permettre de se représenter lui-même, évoquant un manque de confiance en Baharav-Miara pour le représenter dans des procédures judiciaires, en raison de sa décision de geler le limogeage d’Eshed.
Ce sont en effet les services de la procureure générale qui sont chargés de représenter le gouvernement dans les recours intentés contre lui ou des lois et qui peuvent autoriser les ministres à être représentés par un avocat indépendant lorsque la procureure générale et le gouvernement ont des avis divergents.
En plus du service des poursuites pénales, qu’elle dirige, la procureure générale est également la conseillère juridique du gouvernement : à ce titre, elle examine la légalité des résolutions gouvernementales, décisions administratives et projets de lois présentés par le gouvernement.
Son titre en hébreu est « Conseillère juridique du gouvernement ».
La Cour Suprême a répondu à Ben Gvir qu’il devait au préalable recueillir l’avis de la procureure générale sur sa demande de représentation indépendante avant de s’adresser à la Cour.
Dimanche, Netanyahu lui-même s’en serait pris à Baharav-Miara en déclarant, en ouverture du Conseil des ministres, que « dans une vraie démocratie, le gouvernement élu est responsable de l’armée, de la police et des autres agences de sécurité ».
« Personne d’autre ne vient dire qui doit les commander, les diriger et comment ils doivent être dirigés », aurait lancé Netanyahu.
Le mois dernier, le ministre de la Justice Yariv Levin avait déjà évoqué le limogeage de Baharav-Miara, lorsque le gouvernement se heurtait à sa plus haute autorité juridique.