Israël en guerre - Jour 54

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Steven Sotloff tué par l’EI, avait de profondes racines en Israël

Le journaliste américain capturé en Syrie était juif ; il avait pris la nationalité israélienne et avait étudié à l’IDC

Debra est chroniqueuse pour le Times of Israel.

Steven Sotloff avant son exécution (Capture d'écran)
Steven Sotloff avant son exécution (Capture d'écran)

Steven Sotloff, le journaliste américain dont la décapitation macabre a été confirmée dans une vidéo diffusée mardi soir par des terroristes de l’Etat islamique (EI) en Syrie, connaissait bien Israël puisqu’il y était venu en tant qu’étudiant au Centre interdisciplinaire d’Herzliya (IDC).

Mercredi après-midi, le ministère des Affaires étrangères a autorisé que soit publiée l’information selon laquelle il était de nationalité israélienne.

Sotloff, originaire de Miami, est arrivé en Israël en 2008 afin de poursuivre ses études de premier cycle à l’IDC. Il n’était pas béat sur l’Etat juif, a déclaré un ancien camarade de classe la semaine dernière. En effet, alors qu’il aimait bien Israël, son point de vue sur le pays était aussi compliqué que la région elle-même.

« Comme la plupart d’entre nous, il est venu ici et il est devenu très critique envers le gouvernement » a déclaré Hillary Lynne Glaser, qui a étudié la résolution des conflits, les relations internationales et la lutte contre le terrorisme aux côtés de Sotloff.

« Je ne suis pas sûr que c’était sur le conflit israélo-arabe, je pense que c’était plus sur la façon dont ils traitaient leur propre peuple. Mais il y est encore revenu », dit-elle, notant que Sotloff était en Israël récemment, l’année dernière, à l’occasion du mariage d’un ancien colocataire de l’IDC.

« Ce n’est pas parce qu’il n’aimait pas toujours Israël qu’il ne venait pas en visite ici » a-t-elle expliqué. « Il considérait que c’était sa maison ».

Barbu et grand, les os sur la peau, Sotloff avait une présence remarquée sur le campus. Sa personnalité, a expliqué Glaser, était aussi imposante que sa forme.

« Il avait une telle énergie. Selon la façon dont vous le connaissiez, il était soit cassant ou alors il était comme un ours en peluche » a-t-elle précisé. «Je n’ai vu que le bon côté doux où tout ce qu’il voulait, c’était de trouver une petite amie, de trouver quelqu’un d’autre que ses colocataires avec qui il pourrait parler de l’Etat d’Israël et partir en voyage ».

Après son diplôme, Sotloff a commencé sa carrière de journaliste pigiste, à la fois pour le Jerusalem Post et le Jerusalem Report, avant de passer à Foreign Policy et Time. La journaliste Ilene Prusher, qui a été rédactrice en chef du Jerusalem Report en 2011 et 2012, se rappelle d’un journaliste courageux qui envoyait de brillants papiers et voulait toujours en faire plus.

« Il était un excellent journaliste, et il faisait un super travail » raconte-t-elle. « Il était notre seul gars vraiment renseigné dans la région et sur un tas d’endroits différents… En plus de couvrir la Libye, il a couvert les soulèvements arabes. Je sentais comment ça lui tenait à cœur et combien il pensait que c’était extrêmement important. Il était très consciencieux, entreprenant et courageux ».

Alors que le monde arabe devenait tumultueux, Sotloff s’est lancé dans des histoires sans fin. En tant que pigiste, il a voyagé au Yémen, en Libye et en Egypte, chroniquant les révoltes populaires et les chutes de dictateurs à travers le Moyen -Orient. Finalement, son travail l’a emmené en Syrie, où il a disparu le 4 août 2013.

Sa famille savait qu’il avait été enlevé, mais a choisi de garder l’histoire sans l’ébruiter outre mesure et d’agir en coulisses. Seulement le 19 août, quand une horrible vidéo a montré la décapitation barbare du journaliste James Foley par l’EI, elle a fait savoir au monde qu’ils tenaient aussi Steven.

Le Times of Israel a mis cette histoire sous embargo pendant plusieurs semaines par crainte de mettre en danger la vie de Sotloff en écrivant sur ses relations juives et israéliennes.

Sotloff a apparemment été capturé par l’EI à Alep et a été détenu à Raqqa pendant près d’un an. Dans la vidéo qui a montré un Sotloff au crâne rasé et portant le même genre de combinaison orange que Foley, des terroristes ont donné au président américain Barack Obama 24 heures pour réagir à la situation, menaçant de tuer Sotloff prochainement.

Obama a condamné le premier assassinat dans des termes durs, en disant dans un discours à Martha’s Vineyard que « le monde entier est consterné » par l’assassinat brutal de Foley et par le terrorisme de l’EI. Une semaine après, avec le sort encore incertain de Sotloff, Shirley, la mère de Steven, a publié un plaidoyer vidéo d’une grande émotion pour la libération de son fils.

Dans la vidéo, Shirley Sotloff s’adresse directement à Abou Bakr Al-Baghdadi, le chef de l’EI, reconnaissant son autorité comme calife de l’Etat islamique. Dans une note insérée par le New York Times au début de la vidéo, les éditeurs ont affirmé qu’elle était peut-être la première non-musulmane à reconnaître l’autorité d’Al-Baghdadi.

Alors que le sort de Sotloff était dans la balance au cours des deux dernières semaines, ses amis et collègues ont réagi avec stupeur.

Oren Kessler, un journaliste israélo-américain travaillant actuellement à Londres, a passé une grande partie de sa journée de travail, le 20 août, le lendemain de la publication de la vidéo de la mort de Foley, à passer au peigne fin sa correspondance en ligne avec Sotloff.

Les deux ne s’étaient jamais rencontrés en personne, mais il avait commencé à bavarder en ligne avec lui via Facebook en 2011, lorsque Sotloff a envoyé à Kessler, qui a été correspondant des affaires du Moyen Orient pour le Jerusalem Post, un message pour se présenter.

À l’époque, Kessler faisait un reportage sur la Libye, pays dans lequel Sotloff était en poste. En tant que journalistes juifs écrivant sur le Moyen Orient, ils ont fait une sorte d’alliance tacite. Ils savaient aussi qu’ils venaient de la même école.

« Il n’y avait pas beaucoup de personnes en Libye qui étaient prêtes à parler à un journaliste du Jerusalem Post. Il était l’un des seuls sur le terrain à me parler » affirme Kessler. « Et puis, il était en Egypte, puis en Syrie… nous échangions alors des contacts ensemble comme le font tous les journalistes ».

Chaque fois que Sotloff est venu en Israël, ils auraient pu se rencontrer pour une bière. Mais cela ne s’est jamais produit. « C’était presque un ami » a déclaré Kessler malgré le côté virtuel…

A partir du 20 août, après la vidéo de la décapitation de Foley et quand le sort de Sotloff était désormais dans la balance, Kessler et Glaser, anciens camarades de classe de Sotloff, ont fait circuler une pétition sur leurs pages Facebook appelant la Maison Blanche à faire tout son pouvoir pour aider à sa libération.

Kessler se rappelle de conversations passées avec Sotloff, dans lesquelles ce dernier a repoussé la menace de l’intégrisme islamique disant que s’il devait être capturé, « je les laisserai me convertir ».

Sotloff, a confié Kessler, n’a jamais partagé son identité juive avec n’importe qui, préférant dire qu’il était musulman mais laïc, sans affiliation à une mosquée. Il a parfois même choisi de dire aux gens qu’il était d’origine tchétchène et que Sotloff – un nom qui sonne juif malgré tout à ceux qui sont familiers avec les noms juifs – était en fait un nom tchétchène.

En Egypte, a fait savoir Kessler, Sotloff a permis une fois aux habitants de lui donner une « conversion express », une cérémonie de dix minutes destinée à le ramener à ses racines islamiques présumées.

« On peut dire d’une pétition qu’elle ne changera rien, et vous avez raison, mais qu’aurais-je franchement pu faire d’autre ? » s’interroge Kessler.

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