Tout doucement, la sœur d’un otage du Hamas garde le cap en attendant son retour
Adi Kikozashvili arrive à peine à se concentrer sur sa dernière année d'études au Technion de Haïfa mais elle sait que son frère Shlomi Ziv, actuellement en captivité, "serait contrarié si je ne terminais pas à cause de lui"
Adi Kikozashvili dit que la seule raison pour laquelle elle parvient à continuer à vivre, c’est parce que c’est ce que son grand frère souhaiterait.
Ce frère, c’est Shlomi Ziv, 40 ans, qui a été kidnappé le 7 octobre – il a eu 41 ans en captivité le 21 janvier dernier – alors qu’il travaillait dans l’équipe chargée d’assurer la sécurité lors du festival de musique électronique Supernova. Il était sur le site quand les terroristes ont pris d’assaut le sud d’Israël, assassinant brutalement près de 1 200 personnes – dont 364 festivaliers qui se trouvaient à la rave-party – et qu’ils ont kidnappé 253 personnes, prises en otage dans la bande de Gaza. Le plus jeune n’avait pas encore 9 mois.
Le cousin de l’épouse de Ziv, Aviv Eliyahu, qui gérait les équipes de sécurité au festival, a pour sa part été tué.
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Sur la base d’informations obtenues par des sources des services de renseignement, les responsables israéliens estiment qu’au moins 27 des 132 otages qui sont encore retenus en captivité par le Hamas sont morts. Kikozashvili explique au Times of Israel que l’armée a confié à sa famille qu’elle pensait que son frère était vivant.
C’est cet espoir qui l’aide à tenir.
Le 14 janvier, Kikozashvili a commencé sa dernière année au Technion, où elle termine ses études en bio-ingénierie alimentaire. Elle a des difficultés à se concentrer, dit-elle, et elle ajoute qu’elle va devoir « travailler sur la manière de pouvoir réapprendre à étudier ».
« Mais il serait vraiment contrarié si je ne finissais pas mes études à cause de lui », déclare-t-elle.
Les membres de la famille de Ziv, actuellement dans les geôles du Hamas, font tout ce qu’ils peuvent pour continuer à vivre – mais c’est souvent extrêmement difficile. L’épouse du captif, Miran, qui travaillait au sein du service de l’éducation du Conseil régional de Maale Yosef avant la guerre, consacre maintenant son temps à activement faire campagne en faveur de la libération de son mari et des autres otages.
L’autre sœur de Ziv, Revital, a également pris un congé sans solde pour concentrer toute son énergie sur ces efforts. La mère du captif, Rosita, a repris son travail de responsable du département du nettoyage dans une unité de chirurgie de l’hôpital Galilée tandis que son père, Murady, qui n’a pas d’emploi, écoute les informations diffusées à la télévision en permanence en arrière-plan même s’il réussit dorénavant, dit-il, « à regarder un peu de sport ».
Kikozashvili explique que s’efforcer de continuer à vivre est un hommage rendu à son frère.
Récemment, lors d’une soirée organisée dans un centre de jeunesse à Nahariya, la ville située dans le nord d’Israël, où Kikozashvili fait du bénévolat dans le cadre de Netuim, un groupe communautaire de leadership qui lui a accordé une Bourse pour ses études supérieures, la jeune femme a évoqué son frère, Shlomi, et ce qui était arrivé le 7 octobre.
Ziv était allé travailler au festival de musique électronique Supernova avec Eliyahu, un cousin éloigné, qui était en charge de la sécurité lors de la rave, le 5 octobre. Il adorait ce travail dans « des fêtes en pleine nature », a-t-elle raconté, parce que « les gens, là-bas, sont des gens vraiment bien » et que la fête était très bien organisée.
Autorisation avait été donnée d’organiser le festival là-bas, a-t-elle ajouté, même si le site était proche de la frontière avec Gaza.
« Quelle différence entre Tel Aviv et le kibboutz Reïm ? », a-t-elle dit devant son auditoire, à Nahariya. « C’est dans nos frontières, c’est dans notre pays ».
Le samedi à 7 heures 30 du matin, Ziv l’avait appelée au téléphone. Il était très calme, expliquant qu’il y avait une sorte « d’invasion terroriste », ajoutant qu’il ne fallait pas qu’elle s’inquiète, ainsi que le reste de la famille.
« Il y a des embouteillages », avait continué Ziv, sans préciser que les voitures avaient été bloquées alors que les festivaliers tentaient de fuir les hommes armés. A 8 heures 14, la sœur d’Adi, Revital, avait appelé Ziv qui semblait être essoufflé. Il courait. Un appel téléphonique qui n’avait duré que huit secondes et il avait dit à sa sœur : « Je te rappelle » avant de raccrocher.
« On attend encore son coup de téléphone », a indiqué Kikozashvili.
Aujourd’hui, elle pense que l’armée « fait tout ce qu’elle peut pour venir au secours des otages ». Dans son éducation, on lui a appris à contenir, à maîtriser d’éventuels sentiments de colère, ajoute-t-elle.
« Ce qui est important pour le moment, c’est de renforcer le gouvernement », estime-t-elle. « Quand la guerre sera terminée, alors il faudra que tout change ».
Elle explique qu’elle parle aux médias dès qu’elle en a l’occasion parce que « eux ne peuvent pas prendre la parole ».
« Nous sommes à l’extérieur et nous sommes leur voix », continue-t-elle.
Après le début de la guerre, pendant quelques semaines, la famille a quitté Nahariya et elle a séjourné à Netanya, où quelqu’un leur avait prêté un appartement de façon à ce qu’elle puisse se rapprocher des autres parents d’otages et du mouvement de protestation organisé sur la Place des Otages de Tel Aviv.
Kikozashvili confie que même si elle dit aux gens « qu’il faut célébrer la vie », il est presque impossible pour elle de parvenir à le faire.
« Mon cœur a été amputé », déclare-t-elle. « Il est brisé ».
Après le 7 octobre, il lui a fallu six semaines avant de pouvoir écouter de la musique et encore quelques semaines avant de réussir à sortir pour boire un café avec un ami. Elle ne regarde plus les informations même si, tout de suite après le kidnapping, elle les regardait « 24 heures sur 24 et sept jours sur sept ». Mais chaque matin, à son réveil, elle a toujours la même pensée : « Quand reviendra-t-il ? » et elle dit être capable de passer du désespoir le plus profond à l’espérance la plus folle en l’espace d’une seconde, – un ascenseur émotionnel épuisant.
Kikozashvili avait prévu de prendre un appartement à Haïfa pour être plus proche de l’université et pour pouvoir potentiellement prendre un travail – mais elle a finalement décidé de rester chez ses parents, de manière à faire front, tous ensemble, face à l’adversité.
« Tout a été mis en suspens », dit-elle.
Le 14 janvier, au centième jour de la guerre contre le Hamas, le Technion a cessé toutes ses activités et il a organisé un rassemblement en solidarité avec les otages encore retenus en captivité à Gaza.
« Je vous en prie, propagez autour de vous un amour inconditionnel et cessez les manifestations de haine gratuite », a dit Kikozashvili à la foule. « Prêtez attention à l’ami qui est assis à côté de vous dans la salle de cours, regardez les gens dans les yeux, voyez ce qui est bon en eux, soutenez-vous entre vous, prenez-vous dans vos bras. »
Elle s’est aussi demandé comment il était possible pour elle de retourner à l’université pour y faire ses études dans les circonstances actuelles – « et la vérité, c’est que je n’en ai aucune idée. Mais je vais le faire grâce à toute l’aide et à tout le soutien apporté par le Technion ».
Ses parents ne parlent plus que rarement aux médias, et elle-même choisit de le faire lorsqu’elle a en elle la force émotionnelle nécessaire.
C’est une lutte entre le Bien et le Mal, entre la lumière et les ténèbres, entre la vérité et les mensonges
« Je veux dire aux populations qui sont en dehors d’Israël : Réveillez-vous ! », s’exclame-t-elle. « C’est une lutte entre le Bien et le Mal, entre la lumière et les ténèbres, entre la vérité et les mensonges ».
Elle se tient près d’une affiche à l’effigie de son frère, puis elle se tourne vers des prières et des écrits réalisés par les enfants qui fréquentent le centre de jeunesse en hommage aux otages. Le massacre du 7 octobre, indique-t-elle, a uni les Israéliens dans la foi, dans l’espoir et dans la prière.
« Parce que, que nous reste-t-il si nous n’avons pas la prière ? », demande-t-elle.
Son frère aîné venait tout juste de terminer une formation dans le design d’intérieur et il devait recevoir son certificat en main propre le 10 octobre. Il avait tant de connaissances en histoire, en archéologie et en géographie « qu’il pouvait trouver un sujet de conversation avec n’importe qui », déclare-t-elle.
Elle indique que le Hamas a créé une fissure en Israël – une fissure dont émergera de la force, elle en est convaincue.
« On voit ce qui se passe, on voit combien les Israéliens sont unis, religieux et laïques, droite et gauche, il n’y a pas de différence », dit-elle. « Le Hamas nous a cassés, mais il ne nous brisera pas complètement ».
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