Tsahal s’associe à une ONG pour faire des équipes de sécurité locales des unités de combat
Après les échecs du 7 octobre qui ont conduit à la mort de 48 premiers intervenants civils, Magen 48 forme de manière professionnelle des volontaires chargés de la sécurité issus de 66 localités frontalières de Gaza

La scène semblait tout droit sortie de la série télévisée israélienne à succès « Fauda ».
Sous un soleil de plomb, une file d’hommes vêtus de treillis militaires, de gilets pare-balles et de protections auditives tiraient sur des cibles à un rythme effréné, deux tirs à la fois.
« La plupart des hommes israéliens sont malentendants à cause de ce genre de bruit », ont déclaré les instructeurs Georgi et Rada, en tendant une paire de bouchons à la journaliste.
Ils se tenaient à côté de chaque tireur, un chronomètre à la main. « Cinq secondes pour tirer cinq balles », ont-ils ordonné d’une voix autoritaire.
Le champ de tir où ils s’entraînaient se trouve dans le quartier général de la division Gaza de l’armée israélienne, près du kibboutz Reïm, dans le sud du pays, mais ces quatorze stagiaires n’étaient pas des tireurs d’élite professionnels. Il s’agissait plutôt de membres d’une équipe de sécurité civile du kibboutz qui participaient au premier jour d’un nouveau stage intensif de formation tactique.
L’objectif de cette formation est de permettre aux communautés frontalières de Gaza de se défendre contre une répétition du pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre 2023 dans le sud d’Israël. Plus de 1 200 personnes ont été assassinées lors de cette invasion à grande échelle et 251 autres ont été enlevées et emmenées de force dans la bande de Gaza.

Le kibboutz Gvulot, situé à un peu plus de vingt kilomètres de la bande de Gaza, n’a pas été envahi le 7 octobre. Ne disposant pas de fusils, les membres de l’équipe de sécurité, équipés de pistolets, sont allés prêter main forte aux habitants du kibboutz Holit, situé à environ quinze minutes en voiture, pour lutter contre les terroristes.
Il s’agit néanmoins de l’une des 66 localités situées dans la zone frontalière de Gaza, parmi lesquelles se trouve la ville de Sderot, dont les équipes de sécurité suivront une journée de formation par mois pendant un an, soit douze jours au total. Huit de ces sessions seront comptabilisées dans le service militaire de réserve des participants et seront financées par Tsahal, tandis que les quatre autres journées seront prises en charge par une ONG privée, Magen Yehuda, dans le cadre de son programme nommé « Magen 48 ».
Les équipes de sécurité de première intervention aux frontières d’Israël relèvent de la responsabilité de l’armée, chaque communauté devant compter au moins 24 membres formés et armés par Tsahal. Ces membres sont toutefois des volontaires, souvent des pères de famille âgés de 30 à 40 ans qui ont accompli leur service militaire obligatoire et sont prêts à défendre leurs kibboutzim et leurs villes. L’un d’entre eux est nommé commandant et peut également assumer la fonction de coordinateur civil de la sécurité, dont le salaire est pris en charge par l’armée et les autorités locales.
L’équipe du kibboutz Gvulot, qui espère doubler ses effectifs, est un échantillon représentatif de la société israélienne. Elle compte parmi ses membres un agriculteur et un professeur d’histoire, ainsi que d’anciens combattants ayant servi dans diverses unités de combat telles que les brigades du Corps d’Infanterie Golani et des parachutistes, ou encore dans les commandos d’élite de la marine. Beaucoup ont passé des centaines de jours dans la réserve à Gaza, où se poursuit la guerre contre le Hamas.
Coincés, sous-équipés et mal coordonnés
Jusqu’aux massacres du 7 octobre, Tsahal offrait à ces hommes deux sessions annuelles de formation limitée, généralement organisées dans un stand de tir.
Lorsque le Hamas a envahi le territoire et que l’armée a initialement été submergée, la défense a reposé en grande partie sur les épaules de ces équipes de première intervention, dont 46 membres ont été assassinés alors qu’ils accomplissaient leur devoir.
Le long de la frontière avec Gaza, aucune de ces équipes n’avait reçu de formation au maniement des armes de poing. Certaines ne disposaient pas d’armes d’assaut ou n’avaient pas accès au stock d’armes, qui était sous clé. Selon une série d’enquêtes menées par l’armée israélienne après le 7 octobre, la formation de ces équipes n’était pas standardisée et la coordination entre elles, Tsahal et d’autres organisations était souvent insatisfaisante.

En août 2022, à la suite d’une série de cambriolages et de vols d’armes à feu, l’armée avait ordonné à toutes les équipes de sécurité frontalières de Gaza de rendre leurs fusils d’assaut. Tsahal avait subordonné leur restitution à la condition que chaque membre d’équipe puisse stocker son arme de manière sécurisée à domicile ou dans une armurerie municipale. Cette décision a empêché de nombreuses personnes de se défendre contre les vagues massives de terroristes envahisseurs bien armés.
Comme ces dispositifs n’avaient pas été installés à Sderot avant le 7 octobre, par exemple, l’équipe de sécurité sur place n’était pas préparée pour défendre la ville.
Au total, 53 personnes ont été tuées à Sderot ce jour-là, dont 37 civils, 11 policiers, deux pompiers et trois soldats de l’armée israélienne.
À Beeri, les deux agents de sécurité qui détenaient les clés de l’armurerie ont été tués avant d’avoir pu l’ouvrir. À Nahal Oz, l’armurerie est restée fermée lorsque le courant a été coupé, et le seul homme qui détenait une clé manuelle a été tué.

Le secret du kibboutz Erez
Immédiatement après le 7 octobre, Ari Briggs, un immigrant australien installé à Raanana, s’est associé à son ami de longue date, Elan Isaacson, afin de comprendre ce qui s’était passé et d’en informer les communautés juives à l’étranger.
Briggs est consultant en affaires et ancien directeur du département international de l’organisation de droite Regavim. Isaacson, qui a quitté l’Afrique du Sud avec sa famille pour s’installer en Israël lorsqu’il était enfant, a passé des décennies à cultiver des fleurs dans une coopérative agricole près de la frontière avec Gaza. Après la dernière flambée de violence avec le Hamas en 2014, Isaacson a troqué la culture des chrysanthèmes pour le poste de chef de la sécurité au Conseil régional d’Eshkol.
En visitant plusieurs communautés agricoles avec Isaacson, Briggs a découvert que l’équipe de sécurité du kibboutz Erez s’en était mieux sortie que partout ailleurs, réussissant à empêcher les terroristes d’entrer dans la communauté et à éviter des pertes civiles.

Un membre de l’équipe de sécurité, Amir Naïm, a été tué au cours des combats. L’équipe s’est rassemblée au point le plus élevé du kibboutz, d’où elle pouvait voir deux camionnettes remplies de terroristes se diriger vers eux, a déclaré Ben Sadan, un autre membre de l’équipe, à Ynet. Ils ont ouvert le feu sur eux et une fusillade féroce a suivi, avec « des grenades, des roquettes et des tirs insensés », a-t-il ajouté. Naïm a été grièvement blessé et est mort au combat.
Lors de sa visite au kibboutz Erez, Briggs a demandé à l’équipe comment elle avait survécu, et celle-ci lui a répondu : « Grâce à l’entraînement d’Ehud Dribben. »
« Je me suis donc mis à la recherche d’Ehud », a-t-il déclaré.
Dribben, instructeur en lutte contre le terrorisme qui a travaillé avec Tsahal et les forces de police et militaires du monde entier, a fondé en 2004 l’ONG « Magen Yehuda » (Le Bouclier de Juda) afin de former bénévolement 64 équipes de premiers secours, dont beaucoup se trouvent en Cisjordanie.

Il avait entraîné l’équipe du kibboutz Erez avant le 7 octobre, après avoir été contacté par un ami commun à l’un des membres de l’équipe.
« Nous avions un ou deux jours d’entraînement par an, principalement dans des stands de tir », se souvient Danny Epstein, membre de l’équipe de sécurité du kibboutz Erez qui a participé, le 7 octobre, pendant trois heures, aux combats contre les terroristes du Hamas à la clôture du kibboutz. Il a été blessé par balle à la gorge.
« Dès l’arrivée d’Ehud, nous avons immédiatement senti la différence. Il nous a expliqué l’objectif, sa vision de la sécurité et ce qu’il attendait de nous en tant qu’équipe de sécurité, que ce soit au niveau individuel, au sein de petites cellules ou en tant que groupe. »
Dribben leur a fait opérer dans des scénarii incluant des tirs réels, des explosions, de la fumée et bien plus encore, ainsi que dans des simulations impliquant des blessés et des otages.
« Nous avons mené des exercices relativement complexes au sein du kibboutz », a expliqué Epstein.
« Cela a renforcé les liens entre nous. Nous savons désormais mieux travailler ensemble. »
Pas de formation standardisée
Briggs et Dribben ont conçu « Magen 48 » en août dernier. Le nom a été choisi en référence aux 48 membres des forces de sécurité tombés au combat le 7 octobre. Pour ajouter à la confusion, la division Gaza de l’armée israélienne, avec laquelle Dribben avait travaillé sur les détails du programme, a décidé d’appeler son projet visant à améliorer les relations entre les civils et les militaires « Magen 46 », car deux des soldats tombés au combat n’étaient pas originaires de la zone frontalière de Gaza.

Une porte-parole de Tsahal a déclaré que l’armée s’était inspirée du nom de l’ONG, ajoutant : « Il s’agit de deux programmes distincts portant le même nom, avec le même objectif, et nous apporterons notre aide partout où nous le pourrons. »
L’armée et « Magen 48 » ont réfuté l’idée que Tsahal ait effectivement externalisé une partie de sa formation au secteur privé.
« Il s’agit d’un essai approuvé par le commandant de la division de Gaza afin d’améliorer les équipes de premiers secours civiles », a déclaré Isaacson.
« L’armée assume ses responsabilités, et nous la soutenons dans cette démarche. »
La clé du projet réside dans l’élaboration de plans de défense sur mesure, dont 23 ont déjà été réalisés à ce jour. Ceux-ci sont établis après qu’un lieutenant-colonel de réserve a visité la communauté avec le responsable local de la sécurité afin de comprendre la configuration des lieux, les endroits susceptibles d’être attaqués et les moyens de défense à mettre en place. Des exercices basés sur les plans de défense sont organisés deux fois par an en collaboration avec l’armée israélienne. Selon Briggs, la participation de Tsahal à une initiative aussi professionnelle est essentielle pour rétablir la confiance dans l’armée, ébranlée le 7 octobre.
« Les gens disaient que c’était [un travail] qui revenait aux grandes organisations, au gouvernement », a ironisé Briggs.
« Mais je suis un fou d’Australie, et je sais que le gouvernement ne s’implique que lorsqu’un programme a déjà fait ses preuves. »
Dribben a déclaré que les normes de formation étaient les mêmes dans toutes les communautés, bien que les formations soient adaptées au lieu à défendre.

La formation comprend des compétences tactiques, la communication, diverses formes d’entraînement au tir, la reconnaissance par drone, les stratégies médicales d’urgence et la formation au leadership d’équipe axée sur la prise de décision en temps réel. Les équipes de sécurité, auxquelles des femmes s’étaient également inscrites, devaient posséder le même niveau de compétence au fusil que les soldats de combat et le personnel de soutien au combat sur le front intérieur.
« Chaque exercice, dans chaque scénario, est chronométré, évalué et noté », a expliqué Dribben.
« L’ensemble du système doit être repensé de manière professionnelle et dans une perspective à long-terme. »
Briggs a rendu visite à des communautés juives américaines afin de les inciter à jumeler les équipes de sécurité de différentes implantations situées à la frontière de Gaza afin de financer quatre des douze sessions de formation.

Le coût est de 26 000 dollars pour une année, 20 % moins cher la deuxième année, puis moitié moins cher la troisième, à mesure que les équipes acquièrent de l’expérience. À ce jour, dix-huit communautés ont répondu favorablement à son appel.
Isaacson, fervent partisan du nouveau programme de formation, a déclaré : « Vous pouvez avoir les meilleures écoles, le meilleur de tout, mais si vous ne disposez pas des bases, à savoir la sécurité, il sera difficile de ramener les communautés et de les y maintenir. »
« C’est à 100 % le rôle de l’armée de nous défendre », a-t-il poursuivi.
« Mais cela ne suffit plus depuis le 7 octobre. Où que vous viviez en Israël, vous devez assumer vos responsabilités envers votre famille et votre communauté. »
« Pas besoin d’être Rambo pour défendre sa communauté », a ajouté Briggs.
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