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Turquie : Instagram toujours bloqué, inquiétudes pour le commerce

Le vice-président de l'Association des opérateurs du E-Commerce estime que cette coupure risque de coûter près de 57 millions de dollars par jour

Cette photo prise à Istanbul le 2 août 2024 montre le logo du réseau social Instagram sur un smartphone avec le drapeau turc en arrière-plan. (Crédit : Yasin AKGUL / AFP)
Cette photo prise à Istanbul le 2 août 2024 montre le logo du réseau social Instagram sur un smartphone avec le drapeau turc en arrière-plan. (Crédit : Yasin AKGUL / AFP)

L’accès aux services d’Instagram est resté bloqué lundi soir en Turquie pour le quatrième jour consécutif, après des propos virulents du chef de l’Etat et au détriment de multiples opérateurs et commerçants qui y font leurs affaires.

S’exprimant pour la première fois sur le sujet, le président Recep Tayyip Erdogan a dénoncé « le fascisme » des réseaux sociaux à l’égard des Palestiniens, semblant accréditer l’idée de représailles à leur encontre.

La rencontre initiée par le ministre des Transports et des Infrastructures turc, Abdulkadir Uraloglu, avec les responsables de la plateforme n’a pas permis de débloquer la situation, a-t-il reconnu.

« Nous n’avons pas obtenu le résultat escompté, nous allons continuer et discuter de manière active », a indiqué le ministre dans un communiqué, à l’issue de ce rendez-vous qu’il avait lui-même annoncé. « Nous ne pensons pas qu’il y aura de progrès aujourd’hui », a-t-il constaté en début de soirée.

Devant les cadres de son parti, à Ankara, M. Erdogan s’est montré sans concession lundi.

« Nous sommes confrontés à un fascisme numérique qui ne peut tolérer même les photos de martyrs palestiniens sans les interdire aussitôt », a-t-il dit devant les cadres de son parti à Ankara.

Ismail Haniyeh, le chef du Hamas dans la bande de Gaza (à gauche) et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan saluent les élus et soutiens du parti islamique de la Justice et du Développement d’Ergodan au parlement à Ankara, en Turquie, le 3 janvier 2012. (Crédit : AP)

« Ces entreprises ont déclaré la guerre à la résistance glorieuse et aux héros du peuple palestinien dans le monde virtuel. Nous les voyons agir comme une mafia à chaque fois que leurs intérêts sont en jeu », a-t-il martelé.

Le blocage d’Instagram est intervenu après des accusations de « censure » exprimées par le directeur de la communication de la présidence turque, Fahrettin Altun. Ce dernier avait affirmé qu’Instagram « empêch(ait) les gens de publier des messages de condoléances pour le martyre du (chef du Hamas Ismaïl) Haniyeh ».

Le Hamas est classé « terroriste » en Europe et aux Etats-Unis, mais loué comme « mouvement de libération » par Ankara qui a décrété un jour de deuil national vendredi, pour les funérailles de Haniyeh, son responsable, dont la mort, à Téhéran la semaine dernière, est attribuée à Israël.

La décision de fermer l’accès à Instagram avait été annoncée vendredi par l’Autorité turque des technologies de l’information et des communications (BTK), sans explication.

Le ministre des Transports en revanche avait plutôt fait état de « délit de contenus » heurtant la « sensibilité » de la Turquie, à propos desquels il avait rencontré les responsables de la plateforme la semaine dernière.

Pour les opérateurs économiques, il est temps d’agir : de 50 à 60 millions de Turcs (sur 85 millions d’habitants) sont abonnés à Instagram qui sert de plateforme à des nombreuses activités commerciales.

Ainsi le vice-président de l’Association des opérateurs du E-Commerce, Emre Ekmekçi, estime-t-il que cette coupure risque de coûter 1,9 milliard de livres turques (TL), soit près de 57 millions de dollars par jour.

Selon lui, 10 % du commerce en ligne en Turquie s’effectue via les plateformes et les réseaux sociaux, soit 930 millions de TL par jour, près de 28 millions de dollars, a-t-il affirmé à la chaîne privée turque CNCB-E.

« OUVREZ SVP! »

« Des centaines de milliers de personnes trouvent des clients sur Instagram. Des centaines de milliers de personnes font des affaires sur Instagram », rappelle sur le réseau X le Pr Özgür Demirtas, titulaire de la chaire de Finances à l’Université Sabanci d’Istanbul.

« Des milliers de personnes établissent des liens à l’exportation sur Instagram. Des milliers de personnes sur Instagram paient des taxes », insiste-t-il en concluant son message (en majuscules) par « OUVREZ SVP! ».

Ozan Sihay, vidéaste, photographe et créateur de contenus numériques, s’est également inquiété de la situation.

« Cette interdiction affectera négativement de nombreux secteurs et individus », a-t-il mis en garde en citant « les annonceurs (qui) ont payé des milliers de livres turques », les artistes et les créateurs en général (musique, cinéma, séries…) pour lesquels « Instagram est une vitrine importante », ainsi que les petites entreprises : « Instagram est une passerelle de commerce électronique » pour les boutiques et les produits artisanaux, rappelle-t-il.

Sur X, M. Sihay a encore cité les « grandes marques », auxquelles la plateforme offre « le plus grand support publicitaire », les « institutions publiques » qui y font leurs annonces et enfin le « secteur du tourisme » dont les hôtels, les restaurants, qui y trouvent leurs clients.

« J’espère donc que cette erreur sera corrigée le plus rapidement possible », concluait-il en réclamant « des explications » de la part des autorités.

Les partis de l’opposition CHP (social-démocrate) et Iyi Parti (nationaliste), ainsi que le barreau d’Ankara ont saisi la justice dès vendredi soir pour annuler l’interdiction d’accès.

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