Un ancien ministre du Likud nie avoir fait fuiter un enregistrement de Netanyahu
Des membres du parti au pouvoir ont accusé Ayoub Kara d'être à l'origine de la fuite, pour peut-être se venger du Premier ministre, qui ne l'a pas soutenu aux primaires du parti
Des membres du Likud ont accusé leur confrère Ayoub Kara, ancien ministre des Communications, d’avoir fait fuiter aux médias des enregistrements accablants du Premier ministre qui révèlent son implication profonde dans des médias fin 2017.
Kara a nié toute responsabilité et appelé à ce qu’une enquête soit menée pour se débarrasser de la « taupe » et des « gens mauvais » à l’origine de la fuite.
Un enregistrement diffusé par la Treizième chaîne lundi montre Netanyahu crier sur Kara, alors ministre des Communications, l’insultant et lui demandant de fermer le Conseil de diffusion câble et satellite, l’instance publique chargée de superviser les chaînes du câble et du satellite en Israël.
L’enregistrement suggère que Netanyahu était intimement impliqué dans la gestion de ces affaires au ministère fin 2017, alors qu’il avait remis ce portefeuille quelques mois plus tôt, en raison d’une enquête criminelle en cours sur son éventuelle connivence avec d’importants groupes médiatiques.
« Celui qui a remis ces enregistrements doit avoir honte », a déclaré Miki Zohar, député du Likud, à la radio israélienne mardi. « Je pense que c’est Kara, mais j’espère vraiment avoir tort. »
Il a déclaré que Kara a pu vouloir se venger de n’avoir pas pu obtenir de place réaliste sur la liste du Likud aux primaires du parti, après avoir brusquement perdu le soutien de Netanyahu, mais il a assuré que les enregistrements renforçaient le Premier ministre sur le plan politique, parce qu’il témoigne de son engagement à maintenir à flot la Vingtième chaîne, de droite.
Interrogé sur l’origine de la fuite, le député du Likud David Bitan a déclaré à la radio militaire qu’il « pense que c’est lié à Ayoub Kara ».
Kara, un fidèle de Netanyahu qui s’est élevé contre le parti lorsqu’il a quitté la vie politique en juin, a réaffirmé mardi son innocence.
« Une personne diabolique m’a enregistré », a déclaré Kara. « D’autres personnes étaient présentes. Je peux passer tout de suite au détecteur de mensonges si nécessaire et m’ouvrir à une enquête. Je serais heureux qu’une enquête approfondie finisse par trouver, une bonne fois pour toutes, la taupe qui œuvre à miner tout le système. »
Le ministre de la Justice Amir Ohana s’est également exprimé au micro de la radio militaire, en suggérant que la tierce personne, impliquée dans cette conversation, un membre du Likud non identifié, pourrait être le coupable.
Dans l’enregistrement, on entend Netanyahu exiger de Kara qu’il « sauve » la Vingtième chaîne, qui a perdu son droit à produire, gérer et diffuser la chaîne parlementaire après une requête judiciaire de certains de ses concurrents fin 2017.
Il agresse également Kara, criant « tu es devenu fou ? » d’un ton dur quand le politicien druze décrit sa collaboration avec Ayelet Shaked, alors ministre de la Justice et désormais cheffe du parti Yamina, qui était proche de Netanyahu, avant qu’ils ne se querellent.
Kara a perdu le soutien du Premier ministre avant les primaires du parti en février, pour des raisons qui restent obscures, et n’a pas obtenu suffisamment de voix pour figurer à une place lui donnant une chance d’intégrer la prochaine Knesset. Il aurait ensuite traité certains confrères de « nazis » – un terme qu’il nie avoir employé – avant de quitter son poste de ministre en juin et d’accuser le parti de racisme envers la communauté druze.
Kara a réagi lundi au reportage, le qualifiant de « méprisable », ajoutant que « le fait que mon téléphone et celui du Premier ministre ont été enregistrés éveille des soupçons quant à un complot visant à causer du tort à ma personne, au Premier ministre, au gouvernement de droite, et je ne laisserais pas cela se produire ».
Dans un tweet, il a menacé de porter plainte auprès de la police pour découvrir comment la conversation a fuité.
« J’ai fait mon travail de la façon la plus honnête, la plus droite et la plus digne que j’aie pu », a-t-il souligné.
Yair Netanyahu, le fils du Premier ministre, s’en est pris à Kara en demandant : « n’était-ce pas vous qui avez enregistré [la conversation] ? ».
Les rivaux politiques du Premier ministre ont rapidement critiqué ses actions. L’ancien Premier ministre Ehud Barak, du Camp démocratique, l’a taxé de « Premier ministre le plus corrompu de l’histoire d’Israël ».
Le parti centriste Kakhol lavan a émis un communiqué accusant Netanyahu « d’agir pour saboter et limiter l’indépendance des médias et transformer Israël en Turquie ».
La formation Avoda-Gesher a demandé l’ouverture d’une enquête sur Netanyahu, affirmant qu’il ne respectait « aucune ligne rouge ni limite. Pour lui, la loi et les directives du procureur général ne sont même pas une recommandation ».
Le Conseil que Netanyahu souhaitait faire fermer est chargé de superviser le fournisseur de services de télévision par satellite Yes. Le chef du gouvernement est soupçonné d’avoir encouragé l’ancien directeur général du ministère des Communications, Shlomo Filber, à approuver la fusion entre Yes et le géant des télécoms Bezeq. Cette fusion a eu lieu, faisant gagner à Shaul Elovitch, propriétaire de Bezeq, des centaines de millions de dollars.
Dans cette affaire, le Premier ministre Benjamin Netanyahu est soupçonné d’avoir conclu un accord de compromis illicite avec Elovitch – qui est également propriétaire du site Walla – qui aurait duré environ quatre ans, jusqu’au début de l’année 2017, en échange de décisions réglementaires et autres favorables à Elovitch.
Netanyahu s’est défendu sur Twitter lundi soir. « Toutes les actions du Premier ministre sont conformes aux directives établies par la Cour suprême après son départ du ministère des Communications ».
Il a affirmé qu’il a pris la défense de la Vingtième chaîne pour répondre aux tentatives de la gauche de museler les médias conservateurs.
« Le Premier ministre était parfaitement en droit d’agir comme il l’a fait, car il s’est battu toute sa vie pour une diversité d’opinions sur le marché des communications, une faute impardonnable aux yeux de ses rivaux », a-t-il tweeté, ajoutant qu’il n’était pas intervenu dans les affaires ayant trait à Elovitch ou à Bezeq.
Dans une autre déclaration, Netanyahu a affirmé que sa « détermination à changer les choses et à rompre le monopole de la gauche sur les médias a fait de lui et de sa famille des cibles ».
Netanyahu critique durement la presse israélienne, publiant les visages d’éminents journalistes sur les panneaux de sa campagne électorale, les présentant comme des ennemis de la démocratie et les accusant de relayer ce qu’il considère être des « fake news ».
Il a intensifié son discours samedi soir, accusant plusieurs personnalités affiliées à la Douzième chaîne de mener un « attentat terroriste contre la démocratie » qui aborde de façon critique les enquêtes dont fait l’objet Netanyahu.