Démission d’un ministre Likud, accusant son parti de préjugés contre les Druzes
Après avoir échoué à entrer à la Knesset et retiré sa candidature au poste d'ambassadeur au Caire, Ayoub Kara se retire, mais ne quitte pas la vie politique, précise-t-il
Le ministre des Communications, Ayoub Kara, a annoncé sa démission lundi, un jour après avoir retiré sa candidature au poste d’ambassadeur au Caire. Il accuse le parti du Likud de l’avoir mis sur la touche en raison de « préjugés » à l’égard de la communauté druze, dont il fait partie.
« Il est temps de dire la vérité aux Israéliens, » a-t-il écrit dans sa lettre de démission rendue publique. « Depuis ma nomination au ministère des Communications, une campagne de diffamation portée par les préjudices a démarré à mon encontre, et on a fait de tous mes accomplissements un échec ».
« La direction du Likud a fait en sorte de m’affaiblir et de me retirer des centres du pouvoir du mouvement, et m’a également empêché de me présenter [aux primaires] comme représentant des minorités, une chose qui n’avait jamais été faite à un fonctionnaire de l’État dans toute l’histoire de l’État d’Israël, a fustigé Ayoub Kara.
Avocat de 64 ans et responsable politique druze originaire de la ville de Daliat el-Carmel, en Galilée, ce membre du Likud est un soutien fidèle du Premier ministre, Benjamin Netanyahu, mais n’a pas réussi à obtenir de place suffisamment haute sur la liste du parti pour les élections législatives du 9 avril pour entrer à la Knesset.
« Pour mettre un terme à cette chasse aux sorcières et continuer de servir l’État, je ne quitte pas la vie politique, mais je vais entrer en guerre pour laver mon nom », a-t-il écrit, ajoutant qu’il se déciderait dans les prochains jours sur sa prochaine étape en politique en amont des élections du 17 septembre.
Ayoub Kara a promis de continuer de représenter la minorité druze au gouvernement et de leur garantir l’égalité, eux qui servent dans l’armée israélienne en très fortes proportions comparé à d’autres minorités. Cela semblait faire référence à la Loi de l’État-nation adoptée l’année dernière, que beaucoup ont perçue comme mettant à l’écart les Druzes.
Sa démission prendra effet mercredi. Tamar Zandberg, dirigeante du parti Meretz de gauche, a fait savoir qu’elle demanderait au procureur général, Avichai Mandelblit, de contraindre Netanyahu à lui désigner un remplaçant pour éviter qu’il ne s’octroie le ministère. En effet, ce dernier était ministre des Communications lorsqu’il aurait commis les faits qui lui sont reprochés dans une affaire de corruption pour laquelle Avichai Mandelblit entend l’inculper. Benjamin Netanyahu réfute toutes les accusations ainsi que celles portées contre lui dans deux autres affaires de corruption.
Dimanche soir, Ayoub Kara a fustigé le Premier ministre et la direction du Likud. « J’étais le bouclier de Netanyahu, depuis des mois maintenant, on me trompe par toutes sortes de ruses pour me mettre dans l’embarras et me chasser. J’ai un problème avec les dirigeants qui ne savent pas protéger les leurs ».
Plusieurs heures plus tôt, il avait annoncé le retrait de sa candidature au poste d’ambassadeur au Caire. Des informations parues dans les médias début juin laissant entendre que Netanyahu envisageait en effet d’y nommer Ayoub Kara — connu pour ses maladresses diplomatiques — avaient entraîné la protestation de plusieurs diplomates en poste et passés.
« J’ai décidé de retirer ma candidature pour le poste d’ambassadeur en Égypte », avait-il ainsi tweeté. « Les attaques à mon encontre et les propos diffamants selon lesquels je ne serais pas adapté à cette mission et les retards dus à des jeux politiques en coulisse… ont conduit à la fin de cette saga en ce qui me concerne ».
Des personnalités du monde diplomatique ont en effet appelé à y nommer Amira Oron, une diplomate de profession, qui avait été désignée l’automne dernier ambassadrice au Caire.
Au fil du temps, Ayoub Kara a joué un rôle actif dans le dialogue inter-religieux afin d’améliorer les relations israéliennes avec de nombreux pays, dont la Turquie et l’Autriche, mais aussi les communautés druzes au Liban, de Syrie et avec les Kurdes irakiens.
Il a cependant été impliqué dans une série d’étranges bévues diplomatiques.
L’année dernière, il a été placé en détention à l’aéroport de Dubaï et a raté son vol après qu’il ne s’est pas conformé aux instructions d’officiels de l’aéroport.
En 2017, le Maroc avait adressé une rare réclamation officielle à Israël après qu’Ayoub Kara a posé pour une photo avec le Premier ministre de la République séparatiste sahraouie du sud du Maroc.
En novembre 2016, il avait publié sur sa page Facebook les détails d’un incident sécuritaire impliquant l’Etat juif. Tous les éléments dévoilés étaient encore interdits à la publication. Le message avait été rapidement effacé, mais trop tard pour que cela échappe à des journalistes et d’autres.
Un mois plus tôt, il s’était attiré les condamnations du ministère des Affaires étrangères quand, lors d’une visite en Italie, il avait laissé entendre que les puissants tremblements de terre dans le pays étaient une punition divine pour les actions anti-Israël aux Nations unies.
Dimanche également le site Ynet rapportait qu’Ayoub Kara avait rencontré les producteurs de l’émission de télé-réalité, « Survivor célébrités », au début du mois de mai pour discuter de sa candidature pour la nouvelle saison.
Partisan loyal de Netanyahu, il avait néanmoins perdu le soutien du Premier ministre avant les primaires du Likud en février, pour des raisons qui restent encore inconnues.