Netanyahu accuse la Douzième chaîne « d’attentat terroriste contre la démocratie »
Ces propos surviennent au lendemain d'un appel au boycott de la chaîne par le Premier ministre, chaîne qui a diffusé de nombreuses informations fuitant des dossiers de corruption
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a intensifié samedi ses attaques à l’encontre de la Douzième chaîne pour sa couverture des affaires criminelles dans lesquelles il est suspect, dénonçant les propriétaires et les responsables du média.
Dans une vidéo diffusée en live sur Facebook, le Premier ministre a explicitement désigné Avi Nir, directeur-général de Keshet, l’opérateur de la Douzième chaîne ; Avi Weiss, directeur-général de la compagnie d’information Keshet et les principaux actionnaires majoritaires de Keshet, Yitzhak Tshuva et Drorit Wertheim.
Il les a accusés de mener un « attentat terroriste contre la démocratie » en « tirant les ficelles » du journaliste Guy Peleg, spécialiste des affaires judiciaires, qui a abordé dans son travail de nombreuses informations au sujet des enquêtes dont fait l’objet Netanyahu.
Le Premier ministre a clamé que les quatre individus menaient une vendetta contre lui car « ils pensent que je tente de briser leur monopole ». Il n’a pas précisé à quel monopole il faisait référence.
Le quotidien Yedioth Ahronoth a fait savoir vendredi que la Douzième chaîne avait décidé d’assigner à Peleg un garde du corps en raison des récentes menaces proférées à son encontre sur les réseaux sociaux.
Le post publié samedi soir par le Premier ministre survient vingt-quatre heures après son appel à boycotter la Douzième chaîne et Keshet pour leur rôle dans la production de la série, sur HBO, « Our Boys » qu’il a qualifiée « d’antisémite ».
Dans un post Facebook, il a écrit que les Israéliens devaient cesser de regarder le réseau de télévision à cause de « son choix visant à ternir notre image dans le monde, et avec ses mensonges contre l’Etat d’Israël ».
La parution était accompagnée d’un graphique qui comprenait les logos de la Douzième chaîne et de sa nouvelle division, accompagné des mots « Infox ».
« Our Boys » raconte l’histoire du meurtre atroce d’un adolescent arabe par des terroristes juifs en 2014. La série, loin de faire l’unanimité en Israël, a fait le choix de davantage se concentrer sur ce meurtre et d’accorder peu d’attention à ce qui l’avait entraîné – l’enlèvement et le meurtre de trois adolescents juifs en Cisjordanie par des terroristes palestiniens.
Netanyahu a régulièrement critiqué la Douzième chaîne pour sa couverture des dossiers dans lesquels il est soupçonné, critiquant un certain nombre de ces journalistes, et en se focalisant en particulier sur Peleg qui a été l’une des cibles d’une campagne électorale menée par le Likud au début de l’année.
Vendredi également, le parti du Likud de Netanyahu a indiqué que les avocats du Premier ministre avaient envoyé un courrier à l’Autorité de radiodiffusion, à la Douzième chaîne et au journaliste Peleg, demandant de s’intéresser à ce qui, selon eux, s’apparente à une fausse retranscription intentionnelle de la part du journaliste, dans le but de nuire à Netanyahu.
La semaine dernière, la Douzième chaîne a diffusé un témoignage dans l’affaire la plus grave visant le Premier ministre, et dans lequel un témoin de l’accusation décrit aux enquêteurs les interventions présumées de Netanyahu dans des décisions de régulation et commerciales ayant profité à un magnat israélien à hauteur de centaines de millions de dollars.
Shlomo Filber, nommé par Netanyahu comme directeur du ministère des Communications, aurait confié à la police que le Premier ministre lui avait dit personnellement que l’homme d’affaires Shaul Elovitch n’était pas satisfait des réformes entreprises dans le secteur des communications et d’internet dans le pays, déclarant à Filber qu’il devait faire quelque chose pour y remédier.
Le compte personnel de Netanyahu, sur Twitter, a répondu au reportage en qualifiant la Douzième chaîne de « chaîne de propagande », ajoutant que l’affaire relevait « d’une calomnie du sang, basée sur aucun fait ou document mais bien sur les mensonges du témoin de l’accusation [Shlomo] Filber ».
L’enquête est la plus sérieuse des trois investigations visant le Premier ministre dans la mesure où elle comprend un chef d’accusation pour pots-de-vin contre Netanyahu et contre Elovitch.
Netanyahu est soupçonné d’avoir conclu un accord de compromis illicite avec Elovitch — actionnaire majoritaire de la première firme de télécommunications israélienne, Bezeq, et propriétaire du site d’information Walla – qui aurait duré environ quatre ans, jusqu’au début de l’année 2017.
Par le biais de cette convention présumée, Netanyahu aurait obtenu une couverture médiatique favorable sur le site Walla – le deuxième site d’information populaire en hébreu – assortie d’une couverture critique de ses adversaires, en particulier pendant les périodes électorales de 2013 et de 2015.
La longue description, par le procureur-général Avichai Mandelblit, des accords de compromis présumés conclus avec Elovitch dans « l’Affaire 4000 », représente la majorité du document de 57 pages qui avait été diffusé au mois de février et dans lequel Mandelblit avait fait part des allégations qui l’avaient amené à recommander une inculpation pénale du Premier ministre, sous réserve d’une audience.
Une audience de pré-inculpation d’Elovitch et de son épouse, également soupçonnée, a eu lieu au début du mois d’août.
L’audience de Netanyahu, pour sa part, est prévue le 2 et le 3 octobre. Elle s’intéressera également aux deux dossiers de corruption l’impliquant, et dans lesquels le Premier ministre risque des inculpations pour fraude et abus de confiance.
Netanyahu, pour sa part, nie tout méfait dans l’ensemble des dossiers.