Israël en guerre - Jour 423

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Un appel entre Netanyahu et Gantz, en avril, révèle les différends sur la question des otages

Dans une retranscription de la chaîne N12, Gantz, alors membre la coalition, s'était irrité des changements apportés, sans le consulter, dans le mandat de l'équipe chargée des négociations sur les otages, avertissant que le temps était compté pour les captifs

À gauche : le Premier ministre Benjamin Netanyahu, le 12 mai 2024 ; à droite : le ministre Benny Gantz, le 18 mai 2024, sur un montage. (Crédit : Yonatan Sindel ; Miriam Alster/Flash90)
À gauche : le Premier ministre Benjamin Netanyahu, le 12 mai 2024 ; à droite : le ministre Benny Gantz, le 18 mai 2024, sur un montage. (Crédit : Yonatan Sindel ; Miriam Alster/Flash90)

Une chaîne de télévision israélienne a diffusé dimanche des extraits détaillés d’un appel téléphonique qui avait eu lieu, au mois d’avril dernier, entre le Premier ministre Benjamin Netanyahu et Benny Gantz, qui était alors ministre au sein du cabinet de guerre. Un entretien qui jette un nouvel éclairage à la fois sur les tensions fortes qui animaient le gouvernement d’urgence et sur les efforts infructueux qui avaient été livrés, à l’époque, pour parvenir à un accord sur les otages.

Selon la chaîne d’information N12, l’appel avait eu lieu en date du 27 avril – soit environ six semaines avant que Gantz ne quitte la coalition que son parti avait intégrée au début de la guerre. La conversation entre les deux hommes avait suivi la décision prise par Netanyahu de limiter le mandat de l’équipe de négociation israélienne chargée des pourparlers avec le Hamas, des discussions menées par l’intermédiaire de l’Égypte et du Qatar – une décision que le Premier ministre avait pris sans consulter Gantz au préalable.

Dans le cadre de l’accord de coalition conclu lors de l’entrée de son parti HaMahane HaMamlahti au gouvernement, il avait été convenu que Gantz allait intégrer le cabinet de guerre, la cellule de commandement militaire gouvernementale aujourd’hui disparue, aux côtés de Netanyahu et du ministre de la Défense de l’époque, Yoav Gallant. Dans cette mesure, il avait jusque-là été impliqué dans toutes les décisions antérieures concernant le mandat des négociateurs.

Cette décision de limiter le mandat de l’équipe avait été prise dans un contexte de négociations intensive en vue de la remise en liberté des otages détenus par le Hamas à Gaza. Ces pourparlers ont finalement échoué, les deux parties n’étant pas parvenues à régler leurs désaccords sur des questions fondamentales.

Selon la chaîne, plusieurs autres personnes avaient pris part à cet appel, notamment Gallant et le chef du Mossad, David Barnea.

Selon la retranscription de la conversation qui a été rendue publique par N12, Gantz avait fait part de sa colère suite à ces changements survenus dans le mandat de l’équipe de négociateurs sans consultation préalable avec lui. Il avait dit soupçonner que cette importante décision avait été prise suite aux pressions exercées par les alliés d’extrême-droite de Netanyahu, le ministre des Finances Bezalel Smotrich et le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir – qui ont à plusieurs reprises menacé de quitter le gouvernement si Israël mettait fin à sa guerre dans la bande de Gaza.

Netanyahu, en réponse, avait cherché à apaiser les doutes de Gantz, expliquant que la discussion consacrée au mandat de l’équipe avait eu lieu sans avoir été clairement planifiée.

« Benny, je veux mettre les choses au clair », explique-t-il dans la retranscription. « Je voulais juste parler au chef du Mossad et au [négociateur] Nitzan Alon parce que je voulais faire quelques commentaires sur le texte [de l’accord] et confirmer certaines choses avec eux. Mais d’autres personnes ont ensuite voulu se joindre à la discussion. Le ministre de la Défense et le chef d’état-major ont voulu se joindre à la discussion ».

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, le ministre de la Défense Yoav Gallant et le ministre Benny Gantz lors d’une conférence de presse au ministère de la Défense, à Tel Aviv, le 16 décembre 2023. (Crédit : Noam Revkin Fenton/Flash90)

« Je n’avais rien contre le fait que vous interveniez, vous auriez dû le faire, il n’y a pas de doute », poursuit le Premier ministre. « Nous ne cachons rien. Je n’aurais eu aucun problème à ce que vous interveniez et je suis sûr que vous auriez été d’accord avec tout ce qui a été dit dans ces échanges ».

Alors que Gantz lui demande ce qu’il désirait exactement réexaminer, Netanyahu lui répond qu’il a « voulu régler certaines choses, comme la manière dont nous pouvions motiver le Hamas à nous rendre des otages sans nous engager d’emblée à ce que Tsahal quitte la bande de Gaza ».

Le Premier ministre nie également avoir révélé à Smotrich les détails figurant dans la proposition d’accord, disant à Gantz qu’il « les a obtenus auprès de quelqu’un d’autre, pas auprès de moi ».

« Vous pensez qu’il est venu me voir et que je lui ai donné des détails, ce qui est faux », insiste Netanyahu. « Je ne lui ai donné aucun détail. J’étais là avec [le secrétaire du cabinet Yossi] Fuchs, et c’était une réunion qui devait durer cinq minutes. Il est venu me parler d’autre chose, nous n’avons pas dit un mot sur l’accord ».

Une partie de l’appel a été interdite de publication par la censure militaire – le chef du Mossad, David Barnea, qui prenait part à cet appel, confiant à Gantz les détails des décisions qui avaient été prises la nuit précédente. La chaîne d’information a toutefois indiqué que la réunion avait porté en partie sur la décision qui avait été prise d’exiger du Hamas qu’il libère 33 otages pour des raisons humanitaires au cours de la première phase d’un accord, quel qu’il soit.

Les ministres d’extrême-droite Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich, à la Knesset le 29 décembre 2022. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

« Nous avons donc demandé une réunion rapide pour discuter de la question, et toutes les personnes qui se sont jointes à nous ont pu échanger là-dessus », dit Netanyahu à Gantz, selon la retranscription. « Je suis convaincu que si vous aviez été là, vous auriez été d’accord aussi parce que tout le monde l’a été ».

Gantz, en réponse, avertit le Premier ministre que le cabinet de guerre n’est pas une simple décoration qu’il serait facile d’ignorer.

« Je vous ai dit au cours de la discussion que j’insistais sur la nécessité que les choses soient bien comprises, parce qu’à chaque fois que nous avons trouvé un accord sur une question – et vérifiez-le vous-même, Monsieur le Premier ministre – au cours de toutes les discussions précédentes, à chaque fois que nous sommes parvenus à un accord, le lendemain, nous avons retrouvé la même question reportée ou déplacée ailleurs, à chaque fois sous un prétexte différent et ce même si ce prétexte était justifié », s’emporte Gantz au cours de la conversation. « En fin de compte, toutes les décisions que nous avons pu prendre au sein du cabinet de guerre ont été changées ou retardées et c’est quelque chose que je ne peux pas accepter ».

« Vous êtes le Premier ministre, c’est à vous que revient la responsabilité ultime », ajoute Gantz qui rappelle alors que « nous savons tous les deux que 16 personnes ont été assassinées depuis le mois de décembre ».

« Nous ne savons pas à quel point chaque instant qui passe est important… Chaque jour qui passe, chaque retard peut coûter des vies humaines. Nous tergiversons encore et encore, et je suis sûr que ce n’est pas ce que vous voulez et je ne le veux pas non plus… Mais au bout du compte, cela met en danger les otages », poursuit-il.

« Je le répète : si le cabinet de guerre est, selon vous, un poids mort, alors il faut le dissoudre et il faut que vous le disiez. Sinon, respectez-le et si une décision y est prise, il ne faut pas que le lendemain matin, je reçoive des informations qui indiquent que les choses ont encore changé ».

Il note qu’il lui semble que la « demi-heure passée par Netanyahu avec Smotrich a été, au final, plus importante que la réunion du cabinet de guerre ».

Gantz exprime également sa crainte qu’avec les exigences qui sont celles d’Israël dans le cadre des pourparlers, le Hamas n’accepte même pas de s’asseoir à la table des négociations.

Netanyahu rétorque alors que le Hamas bénéficie de « conditions d’ouverture très favorables » et qu’il n’a aucune raison de ne pas participer aux discussions.

« Nous devons obtenir les meilleures conditions d’ouverture possibles », reconnaît Gantz, « à condition que les professionnels, et vous aussi, puissiez confirmer que le Hamas viendra effectivement à la table des négociations car s’il ne le fait pas, les choses traîneront encore une semaine. Et pendant cette semaine, je ne sais pas combien d’otages nous pouvons encore perdre. Si nous ne faisons pas confiance à l’équipe [de négociation], envoyons quelqu’un d’autre. Je n’y vois personnellement pas d’inconvénient ».

La conversation revient ensuite sur le sujet de Smotrich et Ben Gvir, a noté la chaîne N 12, alors que Gallant, qui écoute silencieusement l’appel jusque-là, laisse entendre que celui qui a révélé les grandes lignes de la proposition soumise aux deux parties »ne veut pas de la conclusion d’un accord ».

Le retour des otages « est également l’un des objectifs de la guerre, et s’ils ne sont pas en vie, nous n’y parviendrons pas », ajoute Gallant.

Gallant, qui a été limogé par Netanyahu de son poste de ministre de la Défense au début du mois, déclare ensuite souhaiter que la guerre ne soit gérée que par le cabinet de guerre, et non par les membres du cabinet de sécurité.

Des soldats du Bataillon Tzabar opérant, dans le centre de la bande de Gaza, le 25 février 2024. (Crédit : Lazar Berman/Times of Israel)

« La gestion de la guerre relève de la compétence exclusive du cabinet [de guerre] », déclare-t-il. « Le Premier ministre est la personne la plus importante ici, mais il n’est pas seul ».

« Je sais qu’il y a des gens qui ne veulent pas d’accord », dit Gantz à Gallant. « Je sais que certaines personnes profitent de l’adversité actuelle, et je ne veux personnellement pas en faire partie ».

Le reportage a fait remarquer que si le Hamas avait d’abord réagi positivement à l’offre qui lui était présentée – elle prévoyait des remises en liberté d’otages en plusieurs phases et un retrait progressif des soldats israéliens de la bande de Gaza – Netanyahu s’était empressé de déclarer aux médias qu’Israël serait en mesure de reprendre les combats après la mise en œuvre de la première phase, évitant ainsi de mettre un terme à la guerre. Les critiques avaient alors accusé le Premier ministre de saper les négociations par ses déclarations, ainsi que par son insistance ultérieure à ajouter des exigences à la finalisation d’un accord – notamment s’agissant du maintien de la présence israélienne à la frontière séparant Gaza et l’Égypte dans le cadre de tout arrangement.

Gantz et son parti, HaMahane HaMamlahti, avaient fini par quitter la coalition au mois de juin, déplorant « le manque de direction claire dans la gestion de la guerre » et accusant le Premier ministre d’être redevable à l’extrême-droite qui, de son côté, cherche à poursuivre les combats et qui espère même pouvoir reconstruire, à terme, des implantations israéliennes au sein de l’enclave côtière.

Le bureau du Premier ministre a rejeté le reportage qui a été diffusé par N 12, affirmant que « une fois de plus, certains éléments en Israël se font l’écho de la propagande du Hamas, une propagande qui vise à rejeter toutes les responsabilités sur le Premier ministre et ce alors même qu’un certain nombre de responsables américains ont clairement indiqué que le Hamas était à l’origine de l’échec de la finalisation d’un nouvel accord sur les otages » après une trêve d’une semaine qui avait eu lieu à la fin du mois de novembre dernier – 105 captifs avaient été relâchés des geôles du groupe terroriste à cette occasion.

De son côté, le bureau de Gallant a déclaré qu’il ne commenterait pas le contenu d’une discussion classée top-secrète de nature sécuritaire, de tels commentaires « nuisant à la réalisation des objectifs de la guerre ».

« Nous suggérons aux membres de l’opposition qui en sont responsables de mettre un terme à de telles fuites », a ajouté le communiqué.

Enfin, pour sa part, Gantz a réagi au reportage en condamnant la fuite continue de conversations sensibles et il a demandé une nouvelle fois la création d’une commission d’enquête nationale qui serait chargée d’examiner les échecs qui ont entouré le pogrom du 7 octobre et la guerre à Gaza qui a suivi le massacre.

Une commission d’enquête d’État, a déclaré Gantz, est le seul moyen « d’apporter la vérité au public sur le processus de prise de décision et c’est le seul moyen d’apporter des réponses pour déterminer qui a poussé à la libération des otages et aux opérations offensives, et qui a hésité, a eu peur et a agi en fonction des caprices et des approbations de ses partenaires de la coalition ».

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