Un désastre à Gaza montre que la guerre est loin d’être gagnée et révèle un projet de zone tampon
La mort de 21 réservistes à quelques centaines de mètres d'un kibboutz qui a été sauvagement attaqué par le Hamas le 7 octobre teste l'unité et la résilience d'Israël
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Dans un si petit pays, où tant de réservistes ont été déployés sur le front, les mauvaises nouvelles vont vite. Tout le monde connaît quelqu’un qui connaît quelqu’un qui a entendu les premières rumeurs. Et à la suite de celles-ci, un climat de deuil se répand peu à peu.
Ensuite, c’est la nation tout entière qui entre en mode d’attente. Elle attend que l’armée contacte les familles dont la vie sera à tout jamais bouleversée, elle attend qu’on frappe à sa porte, elle attend les pires nouvelles… et enfin, elle attend la confirmation de ce qu’une grande partie d’Israël a déjà appris, et la publication du bilan officiel des morts, des noms et des détails sur la façon dont ces vies ont été fauchées.
C’est ce qui s’est passé lundi, lorsque 21 réservistes, dont la moitié était âgée de plus de 30 ans, ont été tués dans une attaque du groupe terroriste du Hamas alors que les soldats étaient sur le point de démolir deux bâtiments situés à quelques centaines de mètres à l’intérieur de la bande de Gaza. Les tirs des terroristes ont détoné les explosifs que les soldats avaient placés, provoquant l’effondrement des bâtiments sur eux.
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Ces démolitions auraient-elles pu être effectuées par l’armée de l’air ? Aurait-on pu déployer moins de soldats dans la zone ? Tsahal enquête et tirera, comme toujours, les conclusions qui s’imposent.
Cette guerre est menée contre une armée terroriste pernicieuse sur son propre sol, où elle prépare depuis une quinzaine d’années le massacre de toute force militaire israélienne qui oserait la défier.
Ce qui est sidérant, c’est que Tsahal a réussi à démanteler une grande partie des bataillons du Hamas dans le nord et le centre de la bande de Gaza, à endommager gravement au moins deux des quatre bataillons du Hamas dans le bastion du gouvernement terroriste de Khan Younes dans le sud, à tuer plus de 9 000 des quelque 30 000 terroristes du Hamas et à en blesser des milliers d’autres, tout en parvenant à limiter à 219 le nombre de pertes en vies humaines parmi les soldats de Tsahal.
Mais cela reste une guerre. Même si c’est une guerre qu’Israël n’a pas cherchée, et qu’il n’a pas voulue, comme en témoigne le fait qu’il a refusé de voir toutes les preuves qui indiquaient pourtant clairement que le Hamas était en train de préparer sa monstrueuse invasion du 7 octobre. Une guerre menée sur un territoire qu’Israël a quitté unilatéralement et pour lequel il n’a aucune ambition territoriale. Une guerre qu’Israël a été contraint de lancer pour empêcher le Hamas de perpétrer d’autres massacres comme ceux du 7 octobre, pour libérer nos otages, pour dissuader nos autres ennemis et pour permettre aux habitants survivants de l’ouest du Neguev de rentrer chez eux.
Et en temps de guerre, des soldats meurent.
Mais ces 21 morts – ces vies précieuses et admirables sacrifiées, issues de toutes les couches de la société israélienne : kibboutznikkim et habitants des implantations, orthodoxes et laïcs, ashkénazes et séfarades, un bédouin et le fils d’une femme de ménage philippine – sont à la fois une tragédie et un test.
Un test de notre capacité à rester résilients et déterminés à l’échelle nationale.
Un test de notre capacité à répondre à la priorité la plus urgente, qui est de ramener 136 otages à la maison – des otages qui, comme il a été rappelé aux députés de la Knesset cette semaine, sont victimes de sévices épouvantables, et notamment de viols – tout en répondant à un autre impératif existentiel, qui est de démanteler le Hamas.
Un test de notre unité précaire ; dans un pays où les dirigeants politiques sont divisés et largement dysfonctionnels, une grande partie de la population est heureusement soudée et soutient résolument ses êtres chers sur les lignes de front.
Une zone tampon
L’incident qui a coûté la vie à ces 21 personnes a braqué les projecteurs sur un aspect de la stratégie adoptée par l’armée israélienne à Gaza qui n’avait jusqu’à présent pas fait l’objet d’une grande attention : l’établissement progressif par l’armée israélienne d’une zone tampon d’environ 1 000 mètres de profondeur tout le long de la frontière entre Gaza et Israël.
Jusqu’à présent, Israël avait érigé ses fortifications frontalières sur 300 mètres en territoire israélien. Cette nouvelle zone, dans laquelle toute construction sera rasée et toute présence interdite, se trouve à l’intérieur de la bande de Gaza.
Selon les chiffres cités par la Douzième chaîne mardi soir, cette zone comptait 2 850 bâtiments, qui seront tous démolis. À ce jour, près de 1 100 ont été détruits, la plupart dans la région de Khan Younès.
L’opération de lundi visait à démolir deux bâtiments en face du kibboutz Kissufim. Le kibboutz a été le théâtre de l’assassinat de huit résidents, dont quatre membres de l’équipe de protection civile du kibboutz, et de six travailleurs thaïlandais lors de massacres commis par environ 70 terroristes du Hamas. Au moins quatre otages ont également été enlevés du kibboutz le 7 octobre et emmenés à Gaza.
L’objectif visé par la création de cette zone est triple : Donner à Tsahal plus de temps pour détecter toute personne se dirigeant vers la frontière avec l’intention de commettre un meurtre. Repousser les groupes terroristes qui cherchent à prendre Israël pour cible depuis l’intérieur de la bande de Gaza. Et contribuer à rétablir un sentiment de sécurité pour les habitants survivants des communautés frontalières israéliennes, qui ont été chassés de chez eux depuis lors et ne peuvent toujours pas y retourner.
Tsahal a également forgé un « corridor » traversant le centre de Gaza – de la frontière à la plage – séparant le nord de la bande du sud. Cette mesure est censée être temporaire.
La zone tampon, en revanche, est prévue pour être maintenue à long terme et est mise en place en dépit des objections de la communauté internationale, et notamment celles des États-Unis. Le porte-parole du Conseil national de sécurité, John Kirby, l’a dit explicitement mardi soir : « Nous ne voulons pas que le territoire de Gaza soit réduit de quelque manière que ce soit ».
De Khan Younès à Rafah
Les combats à Khan Younès se sont intensifiés ces derniers jours, la ville est maintenant encerclée par Tsahal.
Certaines sources militaires estiment que Tsahal annoncera sous peu qu’elle a pris le « contrôle opérationnel » de ce bastion du Hamas.
Yahya Sinwar et d’autres dirigeants clés du Hamas, soupçonnés depuis longtemps de se trouver dans la ville, sont pourtant toujours au large.
Bien que des parties du vaste réseau de tunnels aient été découvertes – dont celle terrifiante où des cages fermées à clé, dans lesquelles on a retrouvé des traces d’ADN et d’autres preuves que 20 otages ont été détenus dans des conditions terribles, et où les dessins d’Emilia Aloni, une otage de cinq ans libérée, ont été retrouvés – aucun otage n’a été secouru.
Sinwar et ses compagnons sont peut-être encore dans la région, protégés par des otages qu’ils utilisent comme boucliers humains. Ou bien ils ont fui vers Rafah ou plus loin encore. Si Tsahal dispose d’informations à ce sujet, elle ne les divulgue pas.
Et si l’armée a un plan pour attaquer Rafah, elle ne le dévoile pas non plus. Les combats dans cette dernière zone cible, à la frontière entre l’Égypte et la bande de Gaza, nécessiteront une coordination avec l’Égypte. Et pour cela, les commandants de Tsahal continuent de se tourner, en vain semble-t-il, vers les dirigeants politiques.
Ce n’est pas la guerre de Netanyahu
Il est facile de se moquer des opposants à Israël qui semblent n’avoir aucune connaissance de base de ce contre quoi ils protestent.
Making lemonade ???? from watermelons ???? pic.twitter.com/lM0CvA52q6
— (((noa tishby))) (@noatishby) January 22, 2024
Mais comme le soulignent ces deux clips, deux parmi tant d’autres, le phénomène est bien plus déprimant qu’amusant.
אני: חושב פעמיים אם לדבר בציבור על נושא שעליו כתבתי דוקטורט וחקרתי באופן מקצועי כבר שנים
ג'ן זי במערב:pic.twitter.com/5gdXcsBN6m— Neil Bar (@NeilMegas) January 23, 2024
Et cela en dit long sur la manière dont des personnes qui se considèrent vraisemblablement comme des gens biens et humains obtiennent leurs informations, ou ne les obtiennent pas ; et quel genre d’instincts les poussent à protester, parfois aux côtés de partisans déclarés du Hamas, avec une telle vigueur, une telle confiance et une telle malveillance sur la base d’une telle ignorance, tout en soutenant une organisation terroriste barbare qui continue à déclarer ouvertement son objectif de chasser les Israéliens dans la mer.
Dans ce contexte, il convient finalement de mentionner l’histoire largement rapportée dans la presse selon laquelle Sara Netanyahu aurait cherché à faire limoger le porte-parole en langue anglaise le plus fiable d’Israël, Eylon Levy, pour des crimes qu’il aurait commis avant de rejoindre le service diplomatique publique : à savoir, pour avoir protesté contre la tentative du gouvernement Netanyahu, avant la guerre, de priver le pouvoir judiciaire de ses moyens et pour avoir exprimé son soutien au chef de l’opposition Yair Lapid.
Vif d’esprit et très expressif, Levy semble avoir été créé pour jouer le rôle de porte-parole du gouvernement. Jeune, sérieux et plein d’humour lorsque c’est nécessaire, il articule les vérités fondamentales de ce conflit à un public qui n’est manifestement pas suffisamment informé.
Plutôt que d’en vouloir à Levy parce qu’il ne partage pas la vision politique de son mari, madame Netanyahu devrait au contraire le féliciter.
Mais tout cela montre que cette guerre n’est pas celle de Netanyahu ou du Likud, mais celle d’Israël. Un pays qui n’a pas eu le choix. Une guerre qui bénéficie d’un soutien massif à l’intérieur du pays et qui mérite d’être soutenue à l’extérieur par tous ceux qui veulent assurer la survie d’Israël et la défaite de ses féroces ennemis.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel