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« Un enfer spécial »: 80 ans plus tard paraît le témoignage d’un « Sonderkommando » à Auschwitz

Dans ses cahiers, Alter Fajnzylberg raconte son expérience en tant que prisonnier juif employé aux fours crématoires d'Auschwitz

Un groupe d’enfants portant des uniformes de camp de concentration derrière des clôtures barbelées dans le camp de la mort d’Auschwitz-Birkenau, photographié juste après la libération par l’armée soviétique, en janvier 1945. (Crédit : AP Photo/Fichier)
Un groupe d’enfants portant des uniformes de camp de concentration derrière des clôtures barbelées dans le camp de la mort d’Auschwitz-Birkenau, photographié juste après la libération par l’armée soviétique, en janvier 1945. (Crédit : AP Photo/Fichier)

« J’ai vu ici sur Terre un enfer spécial » : il aura fallu attendre 80 ans pour que paraissent les cahiers où Alter Fajnzylberg relate son quotidien à Auschwitz-Birkenau en tant que membre des « Sonderkommandos », ces prisonniers juifs employés aux fours crématoires.

Préfacé par Serge Klarsfeld, Ce que j’ai vu à Auschwitz – Les Cahiers d’Alter (éd. Seuil), qui paraît vendredi, est le témoignage que ce jeune Polonais issu d’une famille juive avait consigné à la Libération dans quatre cahiers, reproduits en fac-similé et traduits en français.

Le Sonderkommando, où il restera de juillet 1943 à janvier 1945, « s’occupait de brûler les corps des personnes gazées à Auschwitz », explique Alter Fajnzylberg, qui raconte aussi son engagement dans la résistance et la révolte du Sonderkommando en octobre 1944, puis son évasion pendant l’évacuation en janvier 1945.

La lecture est souvent éprouvante sur ce travail « ignoble et inhumain », dans un camp où « plusieurs millions de personnes ont été brûlées sans être enregistrées ». Il résume ainsi sa démarche: « Qui se souviendra d’eux, sinon moi? »

Ces cahiers « s’inscrivent dans un corpus de témoignages extrêmement restreint », explique l’historien Alban Perrin dans cet ouvrage enrichi d’éléments biographiques et de témoignages antérieurs de Alter Fajnzylberg devant des commissions de recherche.

En effet les Sonderkommandos, témoins de la « solution finale », étaient régulièrement éliminés par les nazis. Alter Fajnzylberg  survivra « par miracle » aux exécutions et au désespoir, ayant compris que « se suicider n’empêcherait en rien » les nazis de poursuivre et que « seule la lutte organisée » pouvait être efficace.

La porte sur laquelle est écrit « Arbeit macht frei » (Le travail rend libre), photographiée dans l’ancien camp de concentration et d’extermination nazi d’Auschwitz-Birkenau lors du 79e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau à Oswiecim, en Pologne, le 27 janvier 2024. (Crédit : BARTOSZ SIEDLIK / AFP)

L’acte le plus célèbre de cette résistance est peut-être les trois emblématiques photographies prises en 1944 à Birkenau, montrant des corps devant des fosses fumantes et des femmes nues avant leur probable exécution.

Elles ont longtemps été considérées comme anonymes ou mal attribuées. Alter Fajnzylberg explique les avoir prises « avec d’autres camarades », lui même transmettant la pellicule pour la faire sortir du camp. Et son témoignage permet d’attribuer à Alberto Errera, un Juif grec, la paternité des photos elles-mêmes.

L’ouvrage est également un hommage à un homme au destin hors du commun, né en 1911 en Pologne et mort en 1987 à Paris, combattant en Espagne dans les Brigades internationales, déporté à Auschwitz en mars 1942 dans le premier convoi de France.

Son témoignage, écrit en 1945-46, est longtemps resté enfermé dans une boîte à chaussures. « Elle m’attendait et je n’osais pas l’affronter », explique à l’AFP son fils unique Roger Fajnzylberg, qui finira par ouvrir les cahiers en 2005 et les faire traduire.

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