Un kibboutz qui a résisté aux terroristes le 7 octobre développe une tequila israélienne
Le kibboutz Alumim, près de Gaza, a fait appel à des experts pour cultiver l'agave dans le Neguev et produire un mezcal local d'ici quelques années
Le 7 octobre 2023, des dizaines de terroristes du Hamas ont pénétré dans le kibboutz Alumim, dans la zone frontalière de Gaza, mais l’escouade de défense civile de cette petite communauté israélienne les a retenus pendant des heures.
Aucun des membres de ce kibboutz religieux n’a été tué mais 19 travailleurs thaïlandais et népalais ont été massacrés, ainsi que trois membres des forces de l’ordre venus défendre le kibboutz et un civil échappé de la rave Supernova toute proche. Cinq travailleurs étrangers au moins ont été pris en otage à Gaza.
L’ensemble du kibboutz – soit 120 familles – a par la suite été évacué vers deux hôtels de Netanya à cause de la guerre qui s’en est suivie.
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Quelques jours plus tard, l’agriculteur Eran Braverman – qui, avec son fils et d’autres, a aidé à sauver le kibboutz en ce jour noir de Shabbat – était de retour dans les champs d’Alumim pour s’occuper des pommes de terre, carottes et plants d’agave bleu, une succulente mexicaine épineuse cultivée à Alumim pour fabriquer une version locale de la tequila.
Grand et maigre, les cheveux raides et grisonnants, Braverman n’est pas très porté sur la tequila ; il n’a goûté à cet alcool distillé que quelques fois. Pour autant, il est la force agricole à la tête des 35 hectares d’agave cultivés à Alumim, qui donneront du mezcal, l’alcool à base d’agave. (Seul le spiritueux à base d’agave fabriqué au Mexique peut techniquement être appelé tequila.)
Il y a de cela environ cinq ans, Alumim s’est associé à Avi Leitner et Avi Rosenfeld, deux entrepreneurs qui se font appeler le Blue Agave Group, pour cultiver l’agave.
Avocat né à New York, Leitner est marié à Nitsana Darshan-Leitner, elle aussi avocate et fondatrice de l’organisation juridique Shurat HaDin qui poursuit les terroristes et leurs soutiens.
Les Leitner, Rosenfeld et Braverman ont emmené plusieurs journalistes, distillateurs et cuisiniers pour un petit périple autour d’Alumim, fin septembre, afin de leur montrer les fruits de quatre ans de travail et leur proposer des dégustations de tequilas importées avec le déjeuner.
Cela fait une dizaine d’années que les Leitner ont découvert les tequilas haut de gamme au Mexique, expérience qui les a fait changer d’avis sur cette boisson fortement alcoolisée qu’ils avaient l’habitude de consommer sous forme de shots.
« La tequila est cette boisson atroce que vous buvez au lycée, qui vous rend malade et que vous ne buvez plus jamais », explique Leitner.
Mais après avoir goûté des tequilas plus savoureuses et sophistiquées et visité une plantation d’agave, le couple s’est dit que cette succulente épineuse pourrait être cultivée dans le désert du Neguev.
Après des années de recherches sur la culture de l’agave en Israël et d’un kibboutz désireux de les accompagner, sans oublier la lutte contre le ministère de l’Agriculture sur la question de l’importation de l’agave, les Leitner réussissent à faire venir du Mexique des tissus aqueux d’agave qu’ils cultivent sous serre durant un an.
C’est un pari risqué, qui leur a déjà coûté 2 millions de dollars et qui devrait leur coûter 3 millions de plus avant d’espérer produire le tout premier lot, mais Leitner mise sur le fait que la tequila est le spiritueux avec la plus forte croissance au monde, davantage même que la vodka ou le whisky.
Ils sont également investis dans un « authentique projet sioniste », explique Leitner.
Certes, c’est authentique, mais ce n’est pas dénué de problèmes, dont ils découvert l’étendue au fil du développement de cette culture épineuse.
Bien que le désert du Neguev ressemble au Mexique de par son climat sec et aride, et son sol sablonneux dans lequel l’agave s’enracine, il existe des différences en matière de pluviométrie et d’humidité, sans parler des insectes et bactéries locaux, toutes choses qui font la différence lorsqu’il s’agit de produire un mezcal israélien.
« Nous avons appris au fil de l’eau », explique M. Braverman en ajoutant qu’il aime les défis puisqu’il a été responsable de 1 700 hectares de terres agricoles ces 40 dernières années.
Il s’agit par exemple de définir la quantité d’eau à apporter à la succulente en été – rien pendant l’hiver pluvieux israélien –, savoir comment contrôler les mauvaises herbes qui menacent d’envahir les plants ou développer au mieux les sucres de l’agave qui donneront le spiritueux.
Leur dernier test s’est fait un peu différemment, en espaçant les plants d’un mètre et en insérant à l’intérieur des feuilles de nylon bleu, qui semblent aider au contrôle des mauvaises herbes.
« C’est une idée folle de cultiver l’agave en Israël, mais c’est ce que nous avons décidé de faire », confie Braverman en rappelant qu’un autre type d’agave a été cultivé dans le Neguev dans les années 1950, mais cette fois pour l’industrie textile. « Nous apprenons en travaillant. »
L’agave n’est pas arrosé pendant l’hiver israélien, ce qui est très différent des autres cultures du kibboutz comme les pommes de terre, les patates douces ou les carottes.
Au Mexique, la culture de l’agave prend cinq à sept ans mais Braverman et ses investisseurs espèrent accélérer un peu le processus dans la mesure où leurs plantes qui ont quatre ans ressemblent à celles de cinq ans, vues l’été dernier au Mexique.
« Le côté agricole est considérable et permanent », explique M. Leitner. « Mais nous avons envie d’investir dans l’agriculture et les travailleurs locaux du Neguev. »
Une fois que tout sera prêt, soit d’ici un an ou deux, ce sera la phase d’extraction du bulbe d’agave, qui ressemble à un ananas blanc, rond et géant de près de 40 kilos. Il s’agit d’une phase laborieuse, qui requiert souvent l’aide de tracteurs pour le sortir du sol.
Le jus est extrait en coupant les bulbes en deux, puis en les faisant cuire au four jusqu’à 48 heures, avant d’écraser les fruits pour en extraire le jus sucré, qui est fermenté avec de la levure pour convertir le sucre en alcool et le distiller. Au Mexique, on utilise des fours extérieurs, situés près des champs d’agave.
« Nous devrons penser à une voie mécanique », a déclaré M. Braverman, qui pense que ses usines ont encore deux ans avant d’être prêtes. « Je suis un touriste dans cette partie du processus. »
Bien que le Mexique soit la terre d’origine de l’agave, il y a des avantages à la cultiver ailleurs, car la plante a un terroir, un peu comme celui des raisins et du vin, explique Domingo Garcia, professeur de sociologie mexicain qui étudie la tequila et est l’un des experts du Blue Agave Group.
« Le Mexique protège l’agave, mais nous le partageons avec le reste de l’humanité », explique Garcia. « Il est produit en Israël avec des connaissances mexicaines à l’ancienne. Ce qui est authentique, c’est qu’il est cultivé et produit ici. »
Il y a des avantages à créer un spiritueux semblable à la tequila en Israël, car il n’a pas besoin d’être vieilli aussi longtemps que d’autres spiritueux tels que le whisky. Leitner pense installer sa distillerie et le centre d’accueil des visiteurs dans le nord du Neguev, à proximité des champs mais avec un accès plus facile au centre et aux clients.
Il espère aussi conquérir le marché local avec un esprit « jeune et sexy » et se positionner à l’export.
« Si Dieu le veut, nous ferons les deux et pourrons même vendre aux États-Unis, le plus grand marché du monde pour la tequila », conclut Leitner.
Mieux encore, il espère un jour vendre son mezcal Sabra au pays dans lequel tout a commencé – le Mexique.
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