Israël en guerre - Jour 426

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Un Nigérien expulsé par Israël bloqué depuis des mois en Ethiopie

Eissa Muhamad vit dans le hall des départs à Addis Abeba depuis le mois de novembre, après que son pays natal a refusé par deux fois de le rapatrier

Le hall des départs au Terminal 2 de l'aéroport international Bole, à Addis Ababa, en Ethiopie, le 10 juin 2016 (Crédit : CC BY-SA Wikimedia Commons/Trinidade)
Le hall des départs au Terminal 2 de l'aéroport international Bole, à Addis Ababa, en Ethiopie, le 10 juin 2016 (Crédit : CC BY-SA Wikimedia Commons/Trinidade)

Un migrant originaire du Niger, expulsé l’année dernière par Israël, est bloqué dans un labyrinthe bureaucratique à l’aéroport de la capitale éthiopienne depuis trois mois, après que son pays natal a refusé de l’accueillir à deux reprises.

Eissa Muhamad, 24 ans, vit dans le hall des départs de l’aéroport d’Addis Ababa depuis le mois de novembre, date d’expiration de ses documents de voyage alors qu’Israël et le Niger ne cessaient de se renvoyer la balle à son sujet.

Muhamad avait quitté son foyer natal dans la région de Tilaberi, au nord-ouest du Niger, à l’âge de 16 ans, en espérant trouver une vie meilleure, a-t-il confié à la BBC lors d’une interview qui a eu lieu cette semaine. Il avait payé des passeurs qui lui avaient fait traverser la Libye et l’Egypte en 2011, avant de pénétrer en Israël à pied, par la frontière du sud du pays.

Il s’était installé à Tel Aviv où il avait vécu les sept années suivantes, survivant de petits boulots dans un hôtel et dans une usine de fabrication de bonbons. Au mois d’avril 2018, Muhamad avait été arrêté par les autorités chargées de l’Immigration en raison de son statut de clandestin.

Après plusieurs mois passés dans une structure de détention pour migrants, l’Etat juif lui avait accordé un document de voyage temporaire et l’avait fait embarquer dans un vol d’Ethioîan Airlines pour le Niger. Mais lorsqu’il avait atterri dans la capitale, Niamey, l’entrée dans le pays lui avait été refusée par les autorités frontalières nigériennes qui avaient prétendu que ses documents de voyage étaient des faux.

Eissa Muhamad s’exprime dans une vidéo depuis l’aéroport international d’Adis Abeba, en Ethiopie (Autorisation : Hotline for Migrant Workers)

Après une semaine de détention dans son pays natal, Muhamad avait été renvoyé en Israël où il avait été emprisonné à son arrivée à l’aéroport Ben Gurion. Il avait passé plusieurs semaines supplémentaires dans une structure de détention aéroportuaire avant que l’Etat juif ne tente de l’expulser une nouvelle fois vers le Niger.

« Les autorités israéliennes m’ont lié les mains et les jambes et ils m’ont fait embarquer de force dans un avion vers le Niger qui a refusé de me ré-accepter », a-t-il raconté à la BBC.

Après avoir une nouvelle fois réfuté l’authenticité des documents de voyages de Muhamad, les autorités de Niamey l’avaient fait monter dans un vol d’Ethiopian Airlines en direction d’Israël. Mais, à ce moment-là, les documents de voyage israéliens étaient arrivés à expiration – laissant Muhamad dans l’incertitude quant à son devenir à l’aéroport d’Addis Ababa.

Depuis, Muhamad a passé la plus grande partie de son temps à errer dans le hall des départs et il dort dans un coin de la salle de prières musulmane. Il survit grâce aux dons alimentaires des voyageurs ou du personnel d’Ethiopian Airlines.

« Je reste là, à l’aéroport, dans de très mauvaises conditions parce qu’il n’y a rien, rien du tout », a-t-il dit à la BBC. « Parfois, les membres du personnel d’Ethiopian Airlines me donnent de quoi manger. C’est tous les jours la même chose mais j’éprouve de la gratitude envers eux ».

Dans un communiqué, l’Autorité israélienne de la Population, de l’immigration et des frontières a affirmé à la BBC que Muhamad avait été expulsé en raison de son statut illégal, ajoutant qu’il n’avait pas pu entrer au Niger parce qu’il avait « refusé de coopérer » avec les autorités locales à son arrivée.

Eissa Muhamad tient le document de voyage fourni par Israël et rejeté par les autorités frontalières du Niger (Autorisation : Hotline for Migrant Workers)

« Il est citoyen du Niger. Tout cela n’a rien à voir avec nous parce qu’il a été expulsé d’ici et que lorsqu’il est arrivé au Niger, il a refusé de coopérer avec les autorités. Quel lien y a-t-il avec Israël ? Il n’est pas Israélien », a dit le communiqué. L’Autorité a également nié que le document de voyage transmis à Muhamad ait été à l’origine du problème.

Muhamad a insisté sur le fait qu’il avait pleinement collaboré avec les autorités des trois pays impliqués.

Pour leur part, les responsables éthiopiens ont noté ne pouvoir intervenir et apporter leur aide que si Muhamad accepte de déposer une demande d’asile, ce qu’il s’est refusé à faire jusqu’à aujourd’hui. Muhamad dit ne vouloir que retourner en Israël ou dans son pays natal, au Niger.

« Cela ne tient qu’à lui. Nous nous préoccupons de sa dignité et nous irons donc à lui pour voir s’il change d’avis pour qu’il puisse obtenir ici le statut de réfugié », a commenté un responsable éthiopien de l’immigration à la BBC. « C’est la seule chose que nous pouvons faire ».

Les migrants africains avaient commencé à arriver en Israël en 2005 en traversant sa frontière poreuse avec l’Egypte, après que les forces égyptiennes ont réprimé dans la violence une manifestation de réfugiés et que des rumeurs se sont propagées sur des opportunités d’emploi en Israël, et sur la sécurité là-bas. Des dizaines de milliers d’Africains – en provenance majoritairement du Soudan déchiré par la guerre et de l’Erythrée, soumis à la dictature – avaient franchi la frontière, dans le désert, souvent après avoir effectué des voyages dangereux. Israël avait ensuite construit une barrière dont les travaux s’étaient terminés en 2012, stoppant l’afflux.

Un afflux massif de migrants

Depuis, Israël s’est battu pour trouver le moyen de gérer les 30 000 à 40 000 migrants qui s’étaient déjà installés dans le pays. Un grand nombre d’entre eux se sont tournés vers des emplois subalternes dans les hôtels et les restaurants et des milliers se sont installés dans le sud de Tel Aviv, où certains résidents israéliens ont commencé à se plaindre d’un taux de délinquance en hausse.

Tandis que les migrants affirment être des réfugiés fuyant les conflits ou les persécutions dans leurs pays d’origine, Israël les considère comme des chercheurs d’emploi qui viennent menacer le caractère juif de l’Etat.

Israël, qui les plaçait dans des centres de détention dans le désert, aurait dorénavant passé un accord avec un pays-tiers – qui serait le Rwanda – permettant à l’Etat juif d’expulser les migrants là-bas.

Des migrants africains manifestent devant le centre de détention Holot dans le désert du Néguev, dans le sud d’Israël, le 17 février 2014. (Flash90)

Au mois d’avril, Israël avait forgé un accord avec les Nations unies qui prévoyait l’installation d’un grand nombre de migrants dans les pays occidentaux, tandis que les autres devaient obtenir la permission de rester en Israël. Cet accord a été rapidement abandonné après une levée de boucliers des politiciens issus de la ligne dure et des résidents des zones misérables où vivaient de nombreux migrants.

Ces mesures ont maintenu une situation floue pour les migrants. La majorité écrasante des dossiers de demandes d’asile déposées a été rejetée et la majorité des migrants africains, au sein de l’Etat juif, vivent une existence précaire, soumise aux caprices du gouvernement.

Hotline for Migrant Workers, une ONG israélienne qui travaille auprès des populations de migrants et de réfugiés, a expliqué au Times of Israel que Muhamad n’était pas le seul à être bloqué dans l’incertitude après son expulsion.

« Cela arrive beaucoup aux migrants qui sont expulsés vers des pays qui n’entretiennent pas de relations diplomatiques avec Israël », a expliqué la porte-parole de Hotline, Shira Abbo. « Les documents de voyage qu’ils obtiennent sont émis par Israël et ils sont souvent rejetés par ces pays ».

Elle ajoute que plus d’une douzaine de migrants africains expulsés chaque année d’Israël voient leur rapatriement refusé en raison de ce document.

« Nous connaissons des gens qui ont été placés en détention ou renvoyés à cause de ces papiers », explique-t-elle. « Et ça continue ».

Des migrants africains dans le sud de Tel Aviv. Illustration. (Crédit : Nicky Kelvin/Flash90)

Hotline veut que Muhamad puisse retourner en Israël de manière à ce que les autorités puissent enquêter sur ses accusations de violence de la part des responsables israéliens, à la frontière, au cours de sa seconde arrestation, et pour l’aider à peut-être finalement pouvoir retourner au Niger.

« Il s’est plaint de graves violences au cours de son arrestation et il mérite qu’une enquête soit ouverte », note-t-elle.

Abbo ajoute que Muhamad et d’autres migrants piégés dans des impasses bureaucratiques similaires courent le risque d’être injustement placés en détention, d’être violentés ou de subir tout autre abus aux droits de l’Homme.

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