Une influenceuse pro-Israël salue certains propos de Meir Kahane et crée une vive polémique
D'autres voix pro-israéliennes ont condamné la normalisation du rabbin extrémiste qui soutenait l'expulsion des Arabes, à l'heure où appeler au déplacement de masse des Palestiniens est devenu répandu

JTA – Lorsqu’elle a relayé un clip du rabbin Meir Kahane auprès de ses 407 000 abonnés sur Instagram, Lizzy Savetsky s’attendait à un retour de bâton.
Kahane était un extrémiste juif né aux États-Unis qui voulait débarrasser Israël des Arabes et qui a été exclu de la Knesset après un premier mandat pour incitation au racisme. Israël a ensuite désigné son parti comme une organisation terroriste.
Avant de publier le clip, Savetsky a déclaré dans une interview qu’elle savait que Kahane était un « personnage assez clivant » qui avait fondé la Ligue de défense juive. Plus tard, elle a ajouté qu’il « était allé assez loin et avait été expulsé de la Knesset ».
Elle a néanmoins estimé que le message contenu dans le clip valait la peine d’être partagé. Dans cette séquence, Kahane déclare à un auditoire qu’il est impossible pour Israël et « les Arabes » de faire la paix par la voie diplomatique.
« Si vous êtes bons avec eux, vous n’êtes pas bons, vous êtes faibles. Et si vous êtes faible, vous êtes mort », dit-il. « Si vous êtes fort, ils vous écoutent. »
Dans une légende, Savetsky ajoute : « Le rabbin Meir Kahane, bénie soit sa mémoire, a été qualifié d’extrémiste violent, mais il avait raison. C’est la vérité ici même. Le seul langage que les Arabes comprennent est celui de la force et de la peur ».
The only way is Kahane way. Period pic.twitter.com/s4UGigDDnq
— Ncole ✡︎ (@ncole_r) February 20, 2025
Comme elle l’avait prévu, le message a suscité une réaction immédiate et largement négative : « Vous soutenez donc le terrorisme après tout, tant que le terroriste est juif ? », interroge un internaute. Un autre a écrit : « Non, tout simplement non ». Mais quelques-uns sont d’accord avec elle.
Le message de Savetsky et les réactions qu’il a suscitées sont symptomatiques de l’évolution du discours juif en ligne après une semaine au cours de laquelle Israël a vu le Hamas faire parader les cercueils de deux jeunes garçons assassinés « à mains nues », les otages israéliens Ariel et Kfir Bibas, sur une scène à Gaza lors d’une cérémonie macabre.
L’influenceuse intervient également après que le président américain Donald Trump a proposé à plusieurs reprises de vider Gaza de sa population et de la placer sous contrôle américain. Par ailleurs, cela coïncide avec la position sans précédent acquise au sein du gouvernement israélien par les partisans de Kahane — avec Itamar Ben Gvir, qui a fait ses débuts dans le mouvement kahaniste, au poste de ministre de la Sécurité nationale jusqu’au mois dernier.

Les images des cercueils de Bibas ont poussé certains Juifs à abandonner l’espoir d’un compromis avec les Palestiniens de Gaza. Et pour un certain nombre d’entre eux, le plan de Trump offre un moyen concret d’éviter un tel arrangement.
Mis bout à bout, ces développements ont conduit certains à soutenir des personnes ou des points de vue longtemps considérés comme hors des limites du discours juif américain dominant.
Savetsky affirme qu’elle n’est pas kahaniste, mais elle défend sa prise de position
« Lorsque nous entrons dans un environnement où des idées de plus en plus extrêmes sont exprimées dans la sphère publique, il est désormais possible d’en discuter », a déclaré Josh Pasek, professeur de communication, de médias et de sciences politiques à l’université du Michigan. « Lorsque les choses sont normalisées, lorsqu’elles apparaissent davantage, elles font désormais partie du discours. »
Savetsky est une influenceuse pro-israélienne qui a quitté l’équipe de « Real Housewives of New York » en 2022, déclarant avoir été victime d’antisémitisme. Elle affirme qu’elle n’est pas kahaniste. Mais elle a déclaré dans une interview qu’elle restait fidèle à sa décision de publier le discours, qui lui a semblé toucher une corde sensible après une semaine pour le moins éprouvante en Israël.

« J’ai pensé que ce message était très important parce que nous faisons la même chose depuis si longtemps », a-t-elle déclaré lors d’une interview. « Nous continuons à prendre des mesures diplomatiques avec des terroristes qui n’ont que faire de la diplomatie, et cela ne marche pas. »
Après la cérémonie du Hamas de restitution des cercueils des Bibas, à laquelle assistait une foule qui semblait comprendre de nombreux jeunes civils, dont des parents venus avec leurs nourrissons, et qui était accompagnée d’une musique festive, elle a déclaré : « Beaucoup d’entre nous ont ouvert les yeux ».

Elle a également fait l’éloge du plan de Donald Trump, déclarant tout d’abord : « Si cela peut se produire, je le soutiens », avant d’ajouter plus tard : « Ce n’est pas nécessairement son idée en elle-même, mais plutôt ses mots forts et son message fort. Je pense qu’en fin de compte, cela a un effet d’entraînement pour amener différentes parties à la table des négociations ».
Dans une vidéo et une interview qui ont fait suite à sa publication initiale, Savetsky a déclaré qu’elle ne partageait pas toutes les opinions de Kahane et que son soutien se limitait au message spécifique qu’elle partageait. Mais pour de nombreux téléspectateurs, la jeune femme a donné une tribune à l’un des extrémistes juifs les plus célèbres des temps modernes.
Groupe sioniste : « Kahane était un monstre »
Avant d’être assassiné par un citoyen américain d’origine égyptienne en 1990, Kahane avait fondé la Ligue de défense juive à New York, qui était liée à une série d’attentats terroristes. Il avait notamment été condamné pour avoir fabriqué des bombes. Il a ensuite dirigé un parti d’extrême-droite en Israël, où il était surtout connu pour avoir appelé à l’expulsion massive des Arabes du pays.
Le parti a finalement été interdit de se présenter aux élections et a été désigné comme organisation terroriste après que Baruch Goldstein, le terroriste juif qui a tué 29 Palestiniens en prière au Tombeau des Patriarches en 1994, a figuré sur sa liste et a représenté le parti dans un conseil local.

« Meir Kahane était un monstre », peut-on lire dans une publication du groupe pro-israélien Zioness, faisant écho à un flot de réactions sur Instagram. « Il a été rejeté par le peuple juif. Il a été rejeté par l’État d’Israël… Si vous l’approuvez, si vous le soutenez ou si vous faites la promotion de ses opinions, vous êtes un partisan du terrorisme. »
Savetsky n’a pas été la seule influenceuse à faire l’éloge de Kahane la semaine dernière. Dans une vidéo partagée par le groupe militant américain pro-israélien Betar US, l’acteur Michael Rapaport a déclaré : « Kahane a toujours eu raison ».
@MichaelRapaport “Kahane was always right”#kahane #ravkahane pic.twitter.com/PEYyw94DTS
— Betar US (@Betar_USA) February 20, 2025
Des solutions et des réponses autrefois considérées comme extrêmes sont également entendues dans d’autres forums. Liel Leibovitz, un auteur conservateur de Tablet, a écrit une tribune la semaine dernière appelant au « plan de Trump, ou à un autre arrangement qui laisse Gaza vide de ses habitants ». Paraphrasant un autre penseur juif, il a écrit que « la haine est aussi une vertu juive ».
Ces affirmations ont, à leur tour, suscité des réactions négatives de la part des Juifs qui espèrent tenir la ligne contre le kahanisme ou l’expulsion massive — même s’ils sont, eux aussi, aux prises avec l’angoisse entourant la mort des Bibas.
Des tribunes comme celle de Leibovitz, a écrit Joe Schwartz dans un message largement partagé sur Facebook dimanche, « surfent sur une vague d’agonie et d’horreur parmi les Israéliens et les Juifs après le spectacle horrible du retour des corps de la famille Bibas ».
Schwartz, un rabbin d’origine américaine qui vit à Tel Aviv et travaille pour l’Agence juive pour Israël, a poursuivi : « S’il y a un moment où nous devons nous attendre à une radicalisation de masse, c’est bien maintenant. Et c’est pourquoi nous devons être sur nos gardes en ce moment précis, alors que nous pleurons nos victimes innocentes ».

Il a conclu : « Le kahanisme est pour nous un raccourci vers une impasse. Nous devons lui dire non. »
De son côté, Savetsky n’a jamais eu de problème avec les polémiques sur Instagram ou en dehors, et a déclaré qu’elle n’essayait pas de plaire à un large public. « Je m’adresse à mon propre public », a-t-elle déclaré. « Quand je fais mes vidéos, je parle à mes semblables juifs ».
Savestsky : Je crois que certains civils de Gaza sont innocents
Avant la semaine dernière, l’approbation des paroles de Kahane aurait pu sembler inhabituelle pour Savetsky. Il y a onze mois, elle a porté un corset lors d’un gala de la Fédération juive de New York en hommage à Rana Raslan, une Arabe israélienne qui avait été couronnée Miss Israël en 1999 et qui portait cette tenue à l’origine. Elle a fait l’éloge de la « tolérance » et de la « diversité » d’Israël, qui ne sont pas vraiment des qualités prônées par Kahane.
Savetsky a affirmé que ses opinions n’ont pas fondamentalement changé. Dans une interview, elle a déclaré qu’elle était opposée à l’expulsion des Arabes israéliens ou à leur retrait de la citoyenneté. Elle a déclaré qu’elle était convaincue qu’il y avait des civils innocents à Gaza, tout en ajoutant qu’elle pensait qu’il y avait « beaucoup de civils à Gaza qui ont fait preuve de terrorisme ».

« L’essentiel, c’est que pour moi, il ne s’agissait pas de lui donner une tribune, à lui, Kahane, mais d’ouvrir la conversation sur une nouvelle approche, et c’est ainsi que je l’ai vu », a-t-elle déclaré. « Ces idées ont peut-être semblé radicales à un moment donné, mais elles ne le sont peut-être pas tant que ça. Ce n’est pas lui et toutes ses idées qui sont en cause, mais cette idée en particulier. »
D’autres influenceurs pro-israéliens s’alignent pour condamner la publication
Mais pour ses détracteurs, l’analyse des mots de Kahane ne passe pas. Alana Zeitchik, une cousine des otages David et Ariel Cunio, qui vit à New York, a déclaré qu’elle s’était rendue au domicile de Savetsky en novembre 2023, peu après l’attaque du Hamas du 7 octobre, pour enregistrer une vidéo en faveur des otages. À l’époque, elle avait apprécié que Savetsky prenne le temps de le faire.
Mais aujourd’hui, elle se dit « consternée » par les messages de Savetsky qui, selon elle, vont à l’encontre des messages que les familles des otages essaient de faire passer. Elle note que Yigal Amir, l’assassin du Premier ministre israélien Yitzhak Rabin, s’était associé aux partisans de Kahane.

« Cela ne fait pas partie de notre façon de défendre les droits », a déclaré Zeitchik, qui a également publié une vidéo sur Instagram pour s’opposer au kahanisme. « Nous n’invoquons pas les mots des terroristes pour parler de nos proches qui sont retenus en otage. »
Elle a ajouté : « Cela n’a pas vraiment d’importance si quelqu’un croit réellement à l’idéologie qu’il promeut. Cela l’enhardit, la rend acceptable et la normalise ».
D’autres influenceurs pro-israéliens ont également répliqué à Savetsky, bien que peu d’entre eux l’aient nommément citée.
« Alors que le kahanisme se fraye un chemin dans le discours dominant, il incombe aux voix de l’espace juif de le dénoncer et de faire pression sur les organisations juives pour qu’elles ne mettent pas sur un piédestal ceux qui invoquent son nom avec faveur », a écrit Blake Flayton à ses quelque 100 000 followers sur X. « N’invitez pas à vos conférences des influenceurs qui veulent expulser mes amis et voisins arabes de notre pays. »
As Kahanism forces its way into mainstream discourse, it’s incumbent upon voices in the Jewish space to call it out and to pressure Jewish organizations to not pedestalize those who invoke his name with favor. Do not invite influencers to your conferences who want to deport my… https://t.co/PAfoowXAt9
— Blake Flayton (@blakeflayton) February 24, 2025
Sur Instagram, un groupe de quatre créateurs de contenu juifs a également publié un message critiquant implicitement Savetsky.
« Nous avons suivi avec stupeur la montée en puissance de la rhétorique kahaniste ces derniers jours sur les médias sociaux », indique le message. « Meir Kahane est le seul homme politique de l’histoire d’Israël à avoir vu son propre parti exclu de la Knesset et désigné comme groupe terroriste par Israël lui-même pour incitation raciste à l’encontre des Palestiniens… Sa mémoire n’est pas ‘bénie’ et ses paroles ne doivent pas être invoquées de quelque manière que ce soit. »
Pour Zeitchik et Pasek, le discours autour du message de Savetsky rappelle celui autour d’Elon Musk, qui a fait un geste ressemblant fortement à un salut nazi lors d’un rassemblement d’investiture le mois dernier. Le geste en lui-même était préjudiciable, ont-ils tous deux déclaré, quelle que soit l’intention de Musk.

« Il y a tellement d’éléments [de contexte] dans le fait que cela s’est produit que la véritable question de la motivation sous-jacente n’est plus du tout pertinente », a déclaré Pasek. « Lorsque vous entreprenez une action, vous en subissez les conséquences et vous en êtes tout aussi responsable. Et dire ‘Je n’avais pas l’intention d’en arriver là, mais c’est ce que j’ai dit’ n’a rien à voir avec la question ».
Savetsky rejette l’idée qu’elle a effectivement approuvé le kahanisme et affirme que ce qu’elle souhaite, c’est la paix dans la région et la fin de la souffrance juive. Au vu de ce qui s’est passé la semaine dernière, cela signifie qu’il faut envisager un ensemble d’idées différent.
« Quiconque me suit sait ce que je défends et sait que ce n’est pas ce que je suis », a-t-elle déclaré. « Si les gens en déduisent que tout ce que j’ai dit ou fait est désormais caduc, ce n’est pas le cas. »
Elle a ajouté plus tard : « Je n’ai jamais caché ma passion pour l’amour, la diversité et mon espoir de paix, mais ce que nous avons fait n’a pas fonctionné. Je veux réveiller les gens ».
L’équipe du Times of Israel a contribué à cet article.