Une inscription grecque lie une base militaire israélienne et un village romain
Une pierre de bornage du 3è siècle a été découverte sous une auberge Mamelouke du 14è siècle, qui n'avait jamais, elle non plus, été trouvée jusqu'à maintenant
Amanda Borschel-Dan édite la rubrique « Le Monde Juif »
Des fouilles qui ont eu lieu sur le site où se tenait, au 14e siècle, une auberge mamelouke, située sur le bord d’une route à proximité de la base militaire actuelle de Nafah, a permis de trouver la première pierre de bornage de l’époque romaine à être découverte dans le centre du Golan, avec un nom connu et parfaitement identifié aujourd’hui. L’inscription en grec figurant sur la pierre gravée il y a 1700 ans dit « Borne entre Amatiya [ou Amatira] et Kfar Nafah, », raconte Yardenna Alexandre, codirectrice des fouilles au sein de l’Autorité des antiquités israéliennes, lors d’une conversation avec le Times of Israel.
« On a trouvé plusieurs pierres comme celles-ci dans le Golan, qui désignent des endroits que nous ne connaissons pas », continue Alexandre. Et avoir dorénavant un site connu sur une borne pourra servir, explique-t-elle, « comme point de départ pour notre travail sur les autres pierres qui ont été trouvées… cela nous aidera à procéder à la reconstruction historique/géographique des implantations au cours des siècles ».
Selon le communiqué de presse transmis par l’Autorité israélienne des Antiquités, sous le règne de l’empereur romain Diocletian, aux alentours de l’an 300 après l’ère commune, ces pierres gravées étaient placées à la frontière des villages – pas nécessairement sur les routes les plus empruntées – pour démarquer les zones de collecte d’impôts.
Cette borne romaine de Kfar Nafah a été découverte alors qu’elle avait été utilisée pour recouvrir une tombe de l’ère Byzantine, au 5e siècle, qui avait été trouvée sous une auberge mamelouke jusqu’alors inconnue et qui date du 14e siècle, sur le bord de la route, explique Alexandre.

La présence de cette petite auberge située à Kfar Nafah — sur la principale route impériale romaine, entre la gare centrale de Quneitra et le pont de Bnot Yaakov qui franchit le fleuve Jourdain – est logique, continue Alexandre. Elle avait dû être utilisée, dans le passé, comme le sont aujourd’hui les stations-services : un endroit où s’occuper des chevaux, manger un morceau et se reposer.
Si la pierre du 3e siècle spécifie « Kfar Nafah », il n’y a aucune indication figurant sur les ruines mameloukes partiellement dégagées qui laisserait entendre qu’elles auraient fait partie d’une implantation.
Nafah avait été, plus récemment, le nom du village syrien qui avait existé jusqu’à la guerre des Six jours. Cette appellation avait été conservée par la suite par la base militaire – qui avait joué un rôle stratégique pendant la guerre de Yom Kippour, en 1973 – et elle est dorénavant immortalisée dans la série à succès israélienne « Vallée de larmes » (Sheat Neila).
« Habituellement, les noms anciens ont été préservés en raison de la continuité des implantations, qui ont conservé ces noms de génération en génération… Cette pierre renforce la possibilité selon laquelle les noms de ces implantations antiques aient été préservés sur de nombreuses générations, même lorsque la continuité des implantations n’était pas assurée », déclarent le docteur Danny Syon, de l’Autorité israélienne des antiquités, et le professeur Haim Ben-David, du Collège universitaire Kinneret, qui ont déchiffré l’inscription.

Ces fouilles de sauvetage sont co-dirigées par Dina Avshalom-Gorni et par Alexandre, en amont de l’installation d’un système de canalisations de la Mekorot (compagnie des Eaux israélienne) qui s’étendra sur 20 kilomètres, à proximité de la base militaire de Nafah, et qui approvisionnera en eau les implantations et les bases de l’armée du plateau du Golan.
Des étudiants des académies prémilitaires de pipeline Maayan Baruch et Kela Alon prêtent main-forte aux archéologues dans ce travail.
Pour Alexandre, la découverte d’une borne solidement située est « le signe qu’il va y en avoir d’autres… Ce n’est que le début, le potentiel de la recherche vient tout juste de s’amorcer ».

Si ces fouilles ont permis de découvrir cette auberge auparavant inconnue, datant de l’ère des Mamelouks en Palestine, elles ont également révélé la manière dont la pierre de bornage avait été utilisée en seconde utilisation – pour recouvrir une tombe – ce qui ouvre encore la porte à d’autres hypothèses.
« Peut-être est-ce la preuve que peut-être, cette collecte des taxes administrative qui avait lieu au 3è siècle n’a pas duré longtemps. Il est possible qu’au 5e siècle, plus personne ne se soit intéressé au bornage », suppose-t-elle.