Une médecin libanaise expulsée des États-Unis en violation d’une décision de justice
Rasha Alawieh a été expulsée après la découverte, sur son téléphone, de "photos et de vidéos qui sympathisaient" avec des personnalités du Hezbollah ; les autorités ont affirmé qu'ils ignoraient qu'une décision de justice interdisait son départ

BOSTON — Une femme médecin libanaise qui était arrivée à l’aéroport de Boston a été expulsée ce week-end sans explication. Disposant pourtant d’un visa américain, elle était enseignante à l’Université Brown.
Rasha Alawieh avait obtenu un visa le 11 mars et elle s’était rendue à Boston le jeudi, selon une plainte qui a été déposée en son nom par une cousine, Yara Chehab, auprès d’un tribunal fédéral.
À l’atterrissage de son vol, des agents du service des douanes et de la protection des frontières (CBP) l’ont retenue à l’aéroport pendant au moins 36 heures, jusqu’à vendredi, prévoyant de la renvoyer au Liban.
Trois jours plus tard, le service juridique du ministère de la Justice a fait savoir que les agents avaient expulsé Alawieh après avoir trouvé des « photos et des vidéos qui sympathisaient » avec des personnalités du Hezbollah dans le dossier des éléments supprimés de son téléphone mobile, a rapporté Politico dans la journée de lundi.
« Le CBP a interrogé la docteure Alawieh et il a établi que ses véritables intentions aux États-Unis ne pouvaient pas être déterminées », a écrit le procureur adjoint Michael Sady dans le dossier de la cour.
Leo Sorokin, juge du district américain, a rendu une ordonnance vendredi indiquant qu’une audience en présentiel était prévue pour lundi à 10 heures du matin, disant qu’Alawieh devait alors comparaître devant le tribunal. L’ordonnance interdisait à Alawieh de quitter le Massachusetts sans en avertir les juges 48 heures à l’avance.
Mais une cousine a déposé une requête dans la journée de samedi où elle a affirmé que les agents avaient « délibérément » désobéi au juge en mettant Alawieh dans un avion à destination de Paris, où elle devait ensuite embarquer sur un vol en direction du Liban.
Sorokin a semblé se ranger à l’avis de la cousine, écrivant qu’il y avait des raisons de croire que les employés des douanes avaient sciemment ignoré sa précédente ordonnance, a rapporté le New York Times.

Toutefois, selon CNN, il aurait apparemment fait marche arrière juste avant le début de l’audience, lundi matin, après avoir reçu un témoignage qui laissait entendre que les agents des douanes n’avaient été informés de son ordonnance qu’après le départ d’Alawieh des États-Unis.
Les avocats du gouvernement ont expliqué dans un document qui a été déposé au tribunal lundi que les agents de l’aéroport n’avaient pas été informés de l’ordonnance avant que la jeune femme « n’ait déjà quitté les États-Unis », a noté le juge. Ils ont demandé que la plainte soit rejetée.
Le juge a mis en suspens l’audience relative à cette affaire.
Alawieh, 34 ans, spécialiste des greffes rénales qui a travaillé et qui a vécu à Rhode Island, venant d’être employée à l’université Brown en tant que professeur-assistante de médecine.
Elle avait travaillé à Brown avant la délivrance de son visa H-1B, visa qui est accordé aux ressortissants étrangers qualifiés pour travailler aux États-Unis, selon la plainte.
Elle avait un visa qui l’autorisait à séjourner aux États-Unis depuis 2018, date à laquelle elle était venue pour la première fois pour effectuer un stage de deux ans au sein de l’université d’État de l’Ohio. Auparavant, elle avait effectué un stage à l’université de Washington, puis elle s’était inscrite au programme de médecine interne de Yale-Waterbury, qu’elle avait terminé au mois de juin.
Un porte-parole de Brown a déclaré qu’Alawieh était une employée de Brown Medicine, avec une nomination clinique au sein de l’université.
Son expulsion est la dernière initiative en date à avoir été prise à l’encontre d’une personne née à l’étranger et disposant d’un visa américain depuis une semaine, après l’arrestation d’un étudiant et militant anti-israélien à l’université de Columbia et la révocation du visa d’un autre étudiant.
L’administration Trump a également transféré des centaines d’immigrants vers le Salvador, alors même qu’un juge fédéral a rendu une ordonnance interdisant temporairement ces expulsions.
« Mes collègues et moi-même sommes indignés par l’expulsion de la docteure Alawieh. C’est une collègue appréciée et nous espérons que justice sera faite et qu’elle reviendra à Rhode Island », a commenté George Bayliss, professeur agrégé de médecine à l’université Brown.
Le représentant démocrate du Rhode Island, Gabe Amo, a fait savoir dans un communiqué, ce week-end, qu’il était « déterminé à obtenir des réponses du Département de la sécurité intérieure, afin d’apporter à la docteure Alawieh, à sa famille, à ses collègues et à notre communauté la clarté que nous méritons tous ».