Israël en guerre - Jour 435

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Analyse

Une terrible injustice, reconnue sur le tard, et pour les mauvaises raisons

Un civil et un policier ont perdu la vie en 2017 dans ce village, et les autorités ont tiré une mauvaise conclusion – la vérité est désormais connue, et les dégâts considérables

David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

La police israélienne se tient à côté d'un véhicule qui a percuté des policiers dans le village bédouin d'Umm al-Hiran, dans le désert du Néguev, le 18 janvier 2017. (Police israélienne)
La police israélienne se tient à côté d'un véhicule qui a percuté des policiers dans le village bédouin d'Umm al-Hiran, dans le désert du Néguev, le 18 janvier 2017. (Police israélienne)

Dans la salle de rédaction du Times of Israël, le matin du 18 janvier 2017, nos journalistes ont regardé en boucle une vidéo, diffusée par la police, censée montrer une « attaque terroriste » dans laquelle un Israélien bédouin a percuté avec sa voiture un groupe de policiers qui supervisaient la démolition de maisons dans le village non reconnu d’Umm al-Hiran, dans le Néguev. Le véhicule a percuté les policiers, tuant l’un d’entre eux, le sergent Erez Levi, 34 ans. Le conducteur, Yaqoub Mousa Abou Al-Qia’an, a également été tué sur place – abattu par les agents après avoir foncé sur la police, selon les forces de l’ordre.

La déclaration de la police a été catégorique : Levi a été « assassiné dans un attentat à la voiture bélier”. Le ministre de la Sécurité publique, Gilad Erdan, aujourd’hui ambassadeur d’Israël aux Nations unies et sur le point de devenir notre ambassadeur aux États-Unis, a été tout aussi catégorique : « C’est une attaque terroriste qui a tué un policier », a déclaré Erdan dans une interview à la radio israélienne ce matin-là, et il le répétera à de nombreuses reprises. Abou Al-Qia’an était un « activiste du Mouvement islamique », a déclaré la police, et les autorités « examinaient l’affiliation (possible) de l’attaquant avec l’État islamique ».

Les images des drones des policiers nous ont cependant semblé en contradiction avec cette conclusion officielle ferme.

Ou plutôt, alors que la première vidéo diffusée par la police semblait à première vue correspondre au récit officiel – montrant la « voiture du terroriste » alors qu’elle accélérait en direction de « l’équipe de police » – une vidéo plus complète diffusée peu après montrait clairement que des coups de feu avaient été tirés à bout portant sur le 4×4 d’Abou Al-Qia’an, qui roulait d’abord lentement, et qui a ensuite accéléré et percuté les policiers, suggérant qu’il avait peut-être été blessé et qu’il ne contrôlait plus le véhicule au moment de la collision.

Au fil des heures, des témoins oculaires se sont présentés pour insister sur le fait qu’il ne s’agissait pas de terrorisme, et que les agents avaient ouvert le feu sur Abou Al-Qia’an avant l’accident, craignant apparemment à tort une attaque. Des centaines de policiers avaient été déployés dans le village pour superviser des démolitions avant l’aube, et la situation était chaotique, ont déclaré les témoins.

Yaqoub Mousa Abou al-Qia’an. (Autorisation)

Il s’est également rapidement avéré qu’Abou Al-Qia’an était un enseignant de 47 ans, et un père de 12 enfants – loin du profil habituel du terroriste. Il avait mis quelques affaires dans sa voiture et avait l’intention de quitter le village, a déclaré sa famille, ne voulant pas rester et assister à la démolition de leur maison.

Des rapports ultérieurs ont indiqué que le service de sécurité intérieure du Shin Bet avait conclu dans les 48 heures qu’il ne s’agissait pas d’un acte de terrorisme, mais plutôt d’une « grave défaillance opérationnelle » de la police. Mais un an plus tard, la police insistait toujours sur le fait qu’Abou Al-Qia’an était bien un terroriste. En mai 2018, le bureau du procureur général a clos une enquête sur les événements, déclarant qu’il ne pouvait toujours pas déterminer les faits de manière concluante.

Le 18 janvier 2017, le sergent Erez Levi, 34 ans, a été tué dans un ce qui a été qualifié d’attentat à la voiture bélier à Umm al-Hiran. (Autorisation)

Cependant, près de quatre ans après l’incident, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a reconnu ce que ces vidéos de drones avaient indiqué dès le départ – que le récit officiel était faux – et il a présenté des excuses à la famille d’Abou Al-Qia’an : « Ils [la police] ont dit que c’était un terroriste. Hier, il s’est avéré qu’il n’était pas un terroriste », a déclaré le Premier ministre mardi soir. La police, pour sa part, a exprimé ses regrets, bien qu’elle n’ait pas présenté d’excuses ni rétracté l’accusation de terrorisme.

L’ancien procureur général Shai Nitzan. (Miriam Alster/FLASH90)

La vérité n’a été officiellement reconnue qu’à la suite d’un reportage télévisé cette semaine mettant en évidence la dissimulation officielle – un reportage télévisé qui s’imbrique, comme tant d’autres affaires courantes israéliennes de nos jours, dans les embrouilles juridiques de Netanyahu. C’est l’ancien procureur général Shai Nitzan qui a supervisé l’enquête de 2018 et qui aurait supprimé des preuves – le même Shai Nitzan fréquemment fustigé par Netanyahu en tant que figure clé dans la prétendue tentative de coup d’Etat politique dans laquelle le Premier ministre est jugé dans trois affaires de corruption.

Netanyahu a un triste passé en matière d’incitation contre la population arabe d’Israël, mais son principal impératif, alors que son procès s’accélère, est de discréditer les policiers et les procureurs qui l’ont interrogé et inculpé, et c’est précisément ce à quoi vise cette saga abyssale.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’exprime lors d’une conférence de presse à Beit Shemesh, le 8 septembre 2020, au cours de laquelle il a présenté ses excuses à la famille de Yaqoub Mousa Abou al-Qia’an. (Capture d’écran : Facebook)

Toute cette tragique histoire pue, car elle puait dès le début. Dans l’obscurité chaotique qui précède l’aube dans un village bédouin du sud, un civil a perdu la vie. Un policier a perdu la vie. Les autorités se sont précipitées vers une conclusion non étayée et non soutenable, et pendant de longues années ont refusé de reconnaître la vérité. Et cette vérité n’a émergé que maintenant, à cause de batailles juridiques et politiques non liées, ce qui soulève la question de savoir ce qui est encore dissimulé par les forces de l’ordre israéliennes parce que cela desservirait les intérêts personnels de quelqu’un de puissant.

Qu’est-ce qui est encore dissimulé par les forces de l’ordre israéliennes parce que cela desservirait les intérêts personnels de quelqu’un de puissant ?

Lorsque les forces de l’ordre israéliennes colportent de fausses informations, elles détruisent leur propre crédibilité, sapent la confiance du public dans leur intégrité et donnent du pouvoir à ceux qui cherchent à affaiblir l’État de droit.

Des femmes bédouines sont assises au milieu de maisons détruites dans le village bédouin non reconnu d’Umm al-Hiran, dans le désert du Néguev, le 18 janvier 2017. (AFP Photo/Menahem Kahana)

Elles causent aussi, non sans raison, une injustice inadmissible – comme ce fut le cas ici pour la famille de Yaqoub Mousa Abou Al-Qia’an. Ils ont perdu leur mari et leur père, qui se serait vidé de son sang sur place et dont le nom a été diffamé.

Dr Amal Abou Saad, veuve de Yaqoub Mousa Abou al-Qia’an. (Capture d’écran Youtube)

« Tout le monde savait dès le début qu’il était innocent », a déclaré sa veuve Amal cette semaine, alors que la famille demandait une commission d’enquête sur la saga. « Ils ont classé l’affaire parce qu’il était Bédouin. »

Avec une grâce extraordinaire, Amal a également déclaré au sujet des excuses : « Mieux vaut tard que jamais. » Elle a dit que son défunt mari était « un éducateur qui représentait Israël à l’étranger et ne détestait personne ».

Mais elle a demandé : « Pourquoi n’ont-ils pas su dire la vérité à l’époque ? »

Une version antérieure de ce texte a été envoyée mercredi dans le courriel hebdomadaire réservé aux membres de la communauté du Times of Israël. Pour recevoir le courriel dès sa publication, rejoignez la communauté du ToI ici.

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