Une usine de fabrication de Matsa survit à une frappe russe en Ukraine
La boulangerie de Dnipro a essuyé une attaque au drone alors qu'elle préparait des tonnes de matsot pour des Juifs ukrainiens qui passeront encore Pessah sous les tirs de l'ennemi
Quand les Juifs du monde entier raconteront l’histoire de l’Exode pendant le Seder de Pessah, mercredi soir, ils se rappelleront de la sortie d’Égypte qui avait été permise par Dieu « dans le sang, dans les flammes, avec des piliers de fumée ».
Alors que la guerre fait encore rage dans leur pays, quelques-unes de ces caractéristiques – mais issues de sources très différentes – ont marqué les préparations des Juifs ukrainiens pour Pessah.
Mercredi dernier dans la soirée, les employés de la boulangerie Tiferet Matzot, au sud de Dnipro, préparaient de la matsa. Cette usine est la principale productrice de ce pain non-levé en Ukraine.
Mais à 22h, les sirènes d’alerte ont été activées, avertissant d’une nouvelle attaque au drone des Russes.
Même si un grand nombre de ces drones, fabriqués en Russie et en Iran, ont finalement été interceptés, l’un d’entre eux a échappé aux défenses et il s’est abattu sur une usine située à proximité de la boulangerie.
Des images tournées par les caméras de sécurité, à l’intérieur de l’établissement, montrent un éclair de couleur orange qui fait trembler le bâtiment, qui est ensuite plongé dans l’obscurité après une coupure de l’électricité.
Selon la Fédération des communautés juives d’Ukraine, après la frappe au drone, les Juifs de la ville ont alors commencé à retirer les équipements et les centaines de kilos de matsa qui se trouvaient sur les lieux alors que l’incendie qui s’était déclaré dans l’usine menaçait de s’étendre aussi à la boulangerie. Finalement, les sapeurs-pompiers sont parvenus à maîtriser le sinistre, sauvant la boulangerie.
Cette dernière a repris ses activités à plein régime et elle va continuer à préparer la matsa qui se retrouvera sur les tables de 50 000 foyers juste à temps pour le début de la fête, selon le rabbin Meir Stambler, le président de la Fédération.
À Kiev, les employés de l’usine Matzakrania, qui se trouve dans le quartier Podil – une usine qui avait été fondée au temps de l’Union soviétique de Staline en tant que boulangerie semi-souterraine –, travaillent dur. La production avait été suspendue l’année dernière au début de l’offensive russe, le 24 février, l’approvisionnement en électricité n’étant pas permanent et de nombreux salariés ayant été recrutés pour apporter leur contribution dans l’effort de guerre.
D’autres employés avaient été bloqués dans les territoires occupés par les Russes.
L’usine a acheté son propre générateur d’électricité cette année, et elle anticipe une production de 100 tonnes de matsa. Avant la guerre, elle en fabriquait 250 tonnes par an.
« Nous employons des dizaines de salariés ici, et en plus de la fraîcheur du produit qui n’a pas besoin d’être transporté depuis l’étranger – les coûts sont moindres et notre production locale aide aussi à soutenir des dizaines de familles du coin, notamment des familles juives », a fait savoir le directeur de la boulangerie dans un communiqué.
« Le gouvernement de Kiev salue aussi la réouverture de l’usine de matsa, un acte de patriotisme qui soutient l’économie de l’Ukraine », a-t-il ajouté.
Des dizaines de bénévoles de la fédération ont commencé à préparer et à distribuer la matsa dans tout le pays depuis des semaines, avec des équipes opérant 24 heures sur 24, sauf pendant le Shabbat. Face à la possibilité d’un durcissement des attaques russes qui pourrait perturber cette distribution et après avoir tiré les leçons d’un premier Pessah passé sous les bombes, l’année dernière, la Fédération a voulu que la matsa soit remise dans les meilleurs délais aux communautés juives, quand la situation le permettait.
Dans les colis qui ont été distribués, du jus de raisin, des assiettes pour le Seder, des nappes, des bougies, une haggadah en ukrainien et un guide rappelant les lois juives du Seder et de la fête.
Selon Stembler, venu en Ukraine en tant qu’émissaire du mouvement ‘Habad-Loubavitch en 1991, il y a eu un renforcement de la demande de matsa et d’objets pour le Seder cette année, les Juifs ukrainiens s’étant rapprochés de leurs communautés locales et de leurs synagogues depuis l’invasion russe, il y a maintenant treize mois.
C’est Stembler, dont le père préparait sa matsa shmurah en secret à Tashkent, lorsque la capitale ouzbèke était encore intégrée au sein de l’Union soviétique, qui a ouvert l’usine de Dnipro en 2003.
La Fédération s’attend à ce qu’environ 24 000 personnes prennent part aux dîners communautaires du Seder sur tout le territoire ukrainien.
Un village de vacances juif
Les hauts-responsables du gouvernement, en Ukraine, reconnaissent également l’importance religieuse et symbolique de Pessah pour la communauté juive du pays. Jeudi dernier, à Kiev, le chef militaire Valerii Zaluzhnyi a pris le temps de se rendre au bureau du grand rabbin ukrainien Moshe Azman, avant la fête.
Azman a offert à Zaluzhnyi une boîte de matsa chmourah fabriquée à l’usine de Dnipro.
En plus d’organiser des Seders pour les centaines de Juifs de la synagogue Brodsky, à Kiev, et de faire livrer environ 3 000 colis pour les familles qui fêteront le Seder chez elles, Azman a ouvert gratuitement Anatevka aux membres de la communauté qui souhaitent passer la fête dans le village juif dont il est le fondateur, aux abords de la capitale ukrainienne.
L’objectif, explique Azman, est de permettre aux Juifs qui ne vivent pas à proximité d’une communauté organisée de célébrer Pessah de manière appropriée, en plus de permettre à ceux qui voudraient profiter de courtes vacances de le faire. Selon Azman, le personnel mettra en place des activités pour les enfants comme pour les adultes pendant les huit jours de la fête, avec notamment des cours d’éducation juive.
À Kharkiv, le rabbin Moshe Moskowitz et sa famille ont distribué un millier de colis. À l’intérieur, en plus des objets du Seder, du poulet et du sucre.
Moskowitz explique au Times of Israel qu’il attend environ 50 personnes lors des Seders organisés mercredi et jeudi soir à la synagogue.
Des Seders qui seront quelque peu précipités en raison des circonstances. Les lumières sont éteintes dans la ville dès 21h et Moskowitz œuvrera à s’assurer que ses fidèles auront pu rentrer chez eux, sains et saufs, à ce moment-là.
Lui aussi a constaté un plus grand intérêt porté aux événements communautaires de la part des Juifs ukrainiens qui, dans le passé, n’avaient pas de pratique religieuse.
« Dans la mesure où la communauté a commencé à apporter son aide dès le début de la guerre, ils sont d’abord venus pour avoir une aide humanitaire et puis ils ont découvert qu’il y avait des cours, des activités de fête », explique Moskowitz.
« La majorité connaissait Pessah à cause de cette coutume de manger de la matsa, mais ils ignoraient l’existence du Seder. »
L’année dernière, un grand nombre des fidèles de Moskowitz étaient restés chez eux, seuls, pour le Seder, alors que les troupes russes attaquaient la deuxième plus grande ville d’Ukraine.
« Une femme m’avait raconté qu’elle avait essayé de faire tout ce dont elle se rappelait et que lui avait appris le rabbin », dit Moskowitz. « Il y a une chose qu’elle n’avait pas fait : elle n’avait pas ouvert la porte au prophète Élie parce qu’elle avait peur. Et je lui avait dit : ‘Je peux vous garantir qu’il était à vos côtés, à votre table du Seder.' »
Moskowitz espère que la protection accordée par Dieu aux Israélites lorsqu’ils avaient quitté l’Égypte sera aussi accordée à son pays ravagé par la guerre pendant cette fête de Pessah.
« Nous prions pour que Leil Shimurim [nuit surveillée] commence dès maintenant », dit-il. « Nous devons en avoir l’état d’esprit, le courage et la possibilité même avant Pessah. »
« On a vraiment le sentiment d’une sortie d’Égypte – nous devons mettre fin à cette guerre, nous devons sortir de cette guerre », continue-t-il.
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