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USA : Le New Israel Fund accusé « d’électoralisme » via des groupes antiracistes

La plainte de David Abrams prétend que le groupe a violé son statut d'exempté fiscal en soutenant des bénéficiaires engagés politiquement en Israël

Un activiste du groupe Tag Meir, un groupe israélien financé par le New Israel Fund, donne des fleurs dans la lutte contre le racisme à Jérusalem, le 1er juin 2019 (Crédit : NIF/Yossi Zamir via JTA)
Un activiste du groupe Tag Meir, un groupe israélien financé par le New Israel Fund, donne des fleurs dans la lutte contre le racisme à Jérusalem, le 1er juin 2019 (Crédit : NIF/Yossi Zamir via JTA)

WASHINGTON (JTA) — Un activiste pro-israélien a déposé plainte auprès de l’administration fiscale américaine dans un dossier qui, si le militant devait l’emporter, pourrait gravement restreindre la liberté d’expression des organisations non-gouvernementales.

Dans sa plainte, David Abrams déclare que l’ONG New Israel Fund (NIF) s’est livrée à de « l’électoralisme » en violation de son statut d’exempté d’impôt en soutenant financièrement des personnes ou des organisations idéologiquement très engagées sur le front politique en Israël. Entre autres, la plainte cite le soutien apporté par le NIF à des organisations israéliennes ayant tenté de faire interdire la candidature, lors d’élections, de personnalités qualifiées de « racistes » et ayant soutenu d’autres candidats favorables à leurs points de vue ou à leurs activités.

La plainte, qui a été déposée au nom de l’organisation que dirige Abrams, le Zionist Advocacy Center, réclame 110 millions de dollars en dommages et intérêts au NIF. Selon la loi en vigueur dans l’Etat de New York, Abrams pourrait avoir droit à jusqu’à 30 % de cette somme en tant que lanceur d’alerte. Le New Israel Fund devra faire part de ses objections d’ici vendredi.

Pour les critiques, les activités du NIF dénoncées par Abrams sont pourtant habituelles dans de nombreuses organisations à but non-lucratif – juives ou non-juives. Ils s’inquiètent du fait qu’en cas de victoire du plaignant, les efforts livrés par les ONG pour travailler sur les questions qui les préoccupent ne se trouvent entravés.

Abrams pourrait bien « saper une grande partie du travail abattu par les ONG aux Etats-Unis et dans le monde entier pour promouvoir les valeurs de la démocratie constitutionnelle », estime Brian Hauss, avocat au sein du groupe American Civil Liberties Union.

Posted by Zionist Advocacy Center on Tuesday, September 17, 2019

Depuis longtemps Abrams passe par la justice pour restreindre les activités des organisations anti-israéliennes. En tant qu’étranger à la tête d’un cabinet d’avocat et chef d’un groupe juridique lié au gouvernement israélien, il s’est largement consacré, dans le passé, à dénoncer les organisations qui, selon lui, mènent des activités qui sapent les intérêts d’Israël.

Mais cette fois-ci, il se retourne contre un groupe qui se considère en lui-même comme pro-israélien en employant une arme qui, si elle atteint sa cible, pourrait nuire à cet activisme basé sur des thématiques précises qui est au cœur d’un grand nombre d’organisations à but non-lucratif juives.

Marc Stern, conseiller juridique au sein de l’AJC (American Jewish Committee), explique qu’une victoire d’Abrams entraînerait des luttes intestines entre des organisations juives qui sont aujourd’hui d’ores et déjà divisées par la présidence de Trump.

« C’est fondamentalement une bonne chose pour la communauté juive qu’il ne soit pas possible de remettre en cause les statuts d’exemption fiscale des uns et des autres, parce que cela mènerait à une guérilla entre opposants idéologiques », commente Stern.

Dans un échange de courriels, Abrams déclare qu’il est de la responsabilité du gouvernement de décider s’il est allé trop loin avec sa plainte – une plainte de type « Qui Tam », l’abbréviation d’une phrase latine qui fait référence aux citoyens privés qui initient ou qui soutiennent une poursuite judiciaire.

« Le gouvernement a, avec beaucoup de sagesse, placé des mécanismes de contrôle et des limitations sur ce type de plaintes », note-t-il.

« Parmi ces derniers, le gouvernement conserve le droit absolu de prendre en compte ou de rejeter les plaintes Qui Tam, et ce malgré l’objection du citoyen privé ayant porté plainte. Cela m’est arrivé à de nombreuses occasions dans le passé et assurément, cela m’arrivera encore à l’avenir », ajoute-t-il.

Abrams est à l’avant-garde d’un mouvement de droite pro-israélien qui a utilisé avec succès les tribunaux et les lois pour faire interdire l’activisme sur des questions qu’il considère comme menaçantes pour l’Etat juif.

En 2018, il avait obligé le groupe Norwegian Peoples Aid à verser deux millions de dollars dans le cadre d’une plainte qui avait débouché sur un arrangement. L’organisation avait en effet décidé de ne pas remettre en cause la plainte d’Abrams, qui l’accusait d’avoir dépensé de l’argent pour des formations sur la démocratie, dans la bande de Gaza, et pour des travaux de déminage en Iran, des fonds qui avaient transité via des organisations liées à des groupes terroristes interdits. L’ONG avait par ailleurs accepté des fonds du département d’Etat américain pour d’autres projets sans lien avec ceux qui avaient été entrepris à Gaza et en Iran.

Suite à une autre plainte d’Abrams, le site de location AirBnB avait été dans l’obligation de débloquer les offres de logement situées dans les implantations juives de Cisjordanie.

Capture d’écran d’une vidéo montrant Marc Stern, chef du conseil juridique de l’AJC (American Jewish Committee). (Capture d’écran : YouTube)

Certaines plaintes d’Abrams avaient également pu être rejetées. Cela avait été le cas de celle qu’il avait déposée contre le groupe The Carter Center (l’ONG du président Jimmy Carter), qui prétendait que cette dernière soutenait les terroristes parce qu’elle avait fourni « des fruits, de l’eau en bouteille, des biscuits et sûrement d’autres produits et boissons alimentaires » lors d’un atelier de travail portant sur la résolution de conflit qui avait accueilli, entre autres, des représentants du Hamas et du Front populaire pour la libération de la Palestine, deux groupes considérés comme terroristes aux Etats-Unis.

Avec sa plainte contre le NIF, Abrams déplace son combat au sein de la communauté juive, ciblant une organisation qui attire des donateurs juifs américains libéraux pour son soutien aux mouvements pro-démocratie au sein de l’Etat juif et qui est devenue la bête noire du Premier ministre Benjamin Netanyahu et de ses alliés.

Daniel Sokatch, directeur-général du New Israel Fund, compare Abrams aux efforts livrés par le gouvernement pour réduire au silence ses critiques, citant le travail effectué par Abrams au sein de l’International Legal Forum, organisation financée par le gouvernement israélien qui lutte contre le mouvement BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions).

« David Abrams est un habitué de ce qu’on appelle la ‘guerre juridique’, ce qui désigne des plaintes inopportunes, qui ressemblent à un harcèlement et qui ont pour objectif de geler la liberté d’expression, en terrorisant les organisations à but non-lucratif pour les réduire au silence ou les obliger à conclure un arrangement lorsqu’elles ont le malheur de faire part de leur désaccord avec une vision radicale et extrême de ce qu’est et de ce que devrait être Israël », a dit Sokatch lors d’un entretien.

Dans sa plainte, Abrams cite des actions menées par le NIF qui sont pourtant le quotidien des ONG. Il accuse ainsi les bénéficiaires du New Israel Fund d’utiliser les tribunaux pour permettre à certains candidats de se présenter aux élections ou pour interdire à d’autres de le faire. Mais différentes ONG juives ont été également amenées à tenter de favoriser certains candidats lors de scrutins et l’ACLU elle-même a représenté des candidats qu’elle a tenté d’intégrer sur des listes électorales.

Abrams fait référence à un bénéficiaire du NIF qui a répertorié les candidats qui soutenaient sa promesse de protéger les arbres, mais les ONG désignent communément les politiciens qui approuvent leurs initiatives. Il ajoute que qualifier un candidat de « raciste » ou de « fasciste » s’apparente à de la propagande électorale, mais ce procédé est également courant parmi les organisations à but non-lucratif américaines.

« Les groupes juifs américains n’hésitent pas à interpeller des candidats qui se distinguent par des propos racistes ou antisémites », dit Stern, de l’AJC. « C’est courant des deux côtés. »

Dans un courriel, Abrams maintient qu’il est rare que les ONG exemptées d’impôts s’engagent dans la course électorale, même s’il reconnaît que la ligne n’est pas claire.

« La ligne qui sépare ce qui s’apparente à de la propagande électorale et ce qui n’est pas de la propagande électorale peut être floue par moments, mais il me semble que le New Israel Fund a clairement franchi cette limite », écrit-il.

Daniel Sokatch, directeur exécutif du New Israel Fund. (Crédit : New Israel Fund/JTA)

Il est improbable qu’Abrams obtienne ses 100 millions de dollars de dommages et intérêts. Habituellement, des plaintes de type Qui Tam entraînent des amendes se chiffrent en centaines de milliers de dollars. Dans tous les cas, Hauss explique que s’il ne pense pas que le dossier d’Abrams ait des chances de réussir, il peut toutefois y avoir des dégâts si le juge Gregory Woods de la cour de district américaine du district sud de New York ne rejette pas d’emblée la plainte et qu’il permet aux premières phases pré-procès, très coûteuses, de se dérouler.

« La phase de découverte est très coûteuse dans une action en justice, c’est aussi fondamental pour la confidentialité d’une organisation », dit-il, faisant référence à la phase où les parties échangent des informations qui sont susceptibles d’être pertinentes lors d’un procès. « La plainte en elle-même est dangereuse parce qu’elle vise clairement à harceler le New Israel Fund pour ses points de vue, qui sont pourtant protégés. »

Pour sa part, Abrams, qui est à la tête d’un cabinet d’avocat distinct, explique se consacrer pleinement à sa cause parce qu’il est un « sioniste passionné ».

« J’apprécierais vraiment si vous pouviez mentionner que je suis strictement un amateur, ce qui signifie que personne – ici ou à l’étranger – n’offre un soutien financier à ce que je fais », écrit-il dans un courriel.

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