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Yad Vashem en difficulté financière face à la pandémie et à l’impasse politique

Les querelles politiciennes laissent le célèbre centre de commémoration et de recherche de la Shoah sans financement - et sans directeur depuis le mois de janvier

Haviv Rettig Gur est l'analyste du Times of Israël

La place du ghetto de Varsovie au musée de commémoration de la Shoah de Yad Vashem, à Jérusalem, à Yom HaShoah, le 21 avril 2020. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
La place du ghetto de Varsovie au musée de commémoration de la Shoah de Yad Vashem, à Jérusalem, à Yom HaShoah, le 21 avril 2020. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Le célèbre centre de commémoration et de recherche de la Shoah israélien, Yad Vashem, rencontre de graves difficultés financières en raison du double impact de l’impasse économique en cours et de la pandémie, qui a gelé les financements gouvernementaux et asséché les recettes tirées des visites.

Le musée a dit espérer terminer l’année fiscale 2020 avec un budget équilibré en instituant de profondes coupes dans ses dépenses.

Ces difficultés surviennent également dans un contexte de résistances considérables face au choix de son prochain directeur, l’ancien politicien de droite et ex-général Effi Eitam, dont la nomination a été critiquée en raison de ses déclarations passées sur les Palestiniens et les Arabes israéliens.

Des sources proches du cabinet ont confirmé lundi au Times of Israel que la candidature d’Eitam était l’une parmi une longue liste de nominations actuellement en suspens suite à l’impasse politique qui subsiste entre les partis Kakhol lavan et Likud.

Rien n’indique, pour le moment, que les retards accumulés dans la désignation d’Eitam seraient dus aux controverses qui entourent sa candidature, ont indiqué des sources. Kakhol lavan refuserait de permettre que sa nomination soit présentée au vote nécessaire du cabinet en raison d’une impasse entre les deux formations qui a empêché la désignation, entre autres, d’un commissaire de la police nationale, d’un procureur d’État, d’un directeur général du bureau du Premier ministre et de responsables de la santé et de la justice.

Le président de Yad Vashem Avner Shalev s’exprime lors d’un événement à Jérusalem, le 10 avril 2018. (Capture d’écran : Facebook)

Mais ce retard pourrait encore davantage entraver les efforts de l’institution visant à se redresser.

Son directeur depuis 27 ans, Avner Shalev, qui est lui-même un ancien général de brigade et un ex-responsable gouvernemental, avait annoncé au mois de juin qu’il prendrait sa retraite à la fin de l’année.

Il laisse derrière lui une organisation qui s’est considérablement développée sous son mandat, ouvrant de nouveaux bureaux de recherche et d’éducation. Il a positionné Yad Vashem comme un centre d’information international majeur pour l’enseignement et l’étude de la Shoah.

Mais la pandémie a asséché l’une de ses sources majeures de revenus – les visiteurs payants – et l’impasse politique en a bloqué une autre : les 34 % du budget du musée qui sont versés par le gouvernement. Ce dernier, jusqu’à présent, a été dans l’incapacité d’adopter un budget 2020 et 2021, laissant de nombreuses institutions face à une obligation de se débrouiller par elles-même, sans accès aux fonds qui leur sont habituellement alloués.

Interrogé par le Times of Israel, Yad Vashem a émis un communiqué, demandant qu’il soit transcrit dans sa totalité.

Effie Eitam s’exprime lors de la conférence du Gush Katif au musée de Tel Aviv, le 23 mars 2017. (Crédit : Yossi Zeliger/Flash90)

« Approximativement 35 % du budget annuel de Yad Vashem provient de l’État d’Israël ; 10 % vient des revenus que nous générons nous-mêmes et plus de 50 % est issus de dons privés ou corporatifs d’Israël et du monde entier », dit le communiqué. « Depuis 1993, sous la direction d’Avner Shalev, le budget de Yad Vashem a été équilibré en permanence, ce qui a permis la mise en place de dotations supplémentaires et de fonds d’urgence. »

« Pour l’année 2020, Yad Vashem n’a pas encore reçu la majorité du financement annuel prévu par l’État d’Israël. En raison de la crise sanitaire globale et de l’absence de visiteurs qui en a résulté – visiteurs locaux ou étrangers – Yad Vashem a subi une diminution de la capacité de l’institution à générer des revenus. »

Le communiqué continue en rapportant « qu’au début de la pandémie de coronavirus, Yad Vashem a pris des initiatives immédiates, en réduisant notamment de manière significative ses dépenses et en limitant ses retraits dans ses fonds de réserve. Ces mesures, en se combinant au transfert des fonds d’ores et déjà engagés mais qui n’ont pas été remis par l’État d’Israël, ainsi qu’aux initiatives de collecte de fonds en cours, permettront à Yad Vashem de conserver un équilibre financier au cours de l’année fiscale 2020 ».

« Un défi budgétaire majeure attend Yad Vashem au début de l’année fiscale 2021 et il nécessitera le soutien continu de l’État d’Israël, des donateurs du monde entier et un retour, nous l’espérons, des activités habituelles sur le site. »

La nomination d’Eitam, ancien général de brigade, a soulevé de nombreuses critiques.

Un agent de la sécurité de Yad Vashem se tient devant le Hall des Noms vide du Musée mémorial de la Shoah à Yad Vashem à Jérusalem pendant la crise du coronavirus, le 19 avril 2020. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Au début du mois, une large coalition de 750 spécialistes en études juives et directeurs de musées de la Shoah ont signé une pétition s’opposant à cette désignation, la dernière manifestation de mécontentement en date.

Selon ses critiques, l’homme n’est pas apte à diriger le centre de commémoration parce qu’il a été accusé, dans le passé, d’avoir réclamé l’expulsion de la majorité des Palestiniens de Cisjordanie et qu’il avait demandé que les Arabes israéliens soient exclus du système politique du pays. Les critiques ont également noté la réprobation sévère qu’il avait subie pour avoir permis des violences contre des manifestants palestiniens en Cisjordanie au cours de la Première intifada, une politique qui avait mené au meurtre d’un prisonnier palestinien par les soldats qui se trouvaient sous son commandement.

Ses partisans, en particulier les responsables de sa nomination, ont insisté sur le fait que ses propos sur les Palestiniens avaient été cités hors contexte et qu’ils étaient survenus au cours de la vague d’attentats à la bombe qui avaient marqué la Seconde intifada, ajoutant que ses paroles sur les Arabes israéliens ne faisaient référence qu’aux députés représentant la communauté et qu’elles avaient été dites pendant un débat à la Knesset particulièrement houleux.

Ils soulignent le fait que l’homme avait été décoré pour avoir contribué à la défense d’une base à court d’armes sur le plateau du Golan, pendant la guerre de Yom Kippour, ainsi que ses longs antécédents de courage et d’exemplarité au cours de sa carrière militaire.

Colette Avital, ancienne députée travailliste et directrice de l’une des principales organisations de survivants, ainsi que l’ADL (Anti-Defamation League), aux États-Unis, ont demandé que sa nomination soit annulée. Avec la pétition, ils ont été rejoints par des spécialistes de la Shoah et notamment par Susannah Heschel et Deborah Lipstadt. Dans la liste figurent aussi les directeurs passés et actuels du mémorial de Buchenwald et des musées juifs de Budapest, de Varsovie, de Munich et d’ailleurs.

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