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5 ans après Charlie, le droit au blasphème est plus que jamais un combat

Dans les médias comme sur les réseaux sociaux, le "retour du religieux" a renforcé l'autocensure et limité le blasphème

Une personne tenant une pancarte "Je suis toujours Charlie" lors d'un rassemblement commémorant le deuxième anniversaire de l'attentat meurtrier contre l'hebdomadaire satirique "Charlie Hebdo", le 7 janvier 2017, place de la République à Paris. (Crédit : Bertrand Guay/AFP)
Une personne tenant une pancarte "Je suis toujours Charlie" lors d'un rassemblement commémorant le deuxième anniversaire de l'attentat meurtrier contre l'hebdomadaire satirique "Charlie Hebdo", le 7 janvier 2017, place de la République à Paris. (Crédit : Bertrand Guay/AFP)

La tradition française d’irrévérence envers la religion se perd : dans les médias comme sur les réseaux sociaux, le « retour du religieux » a renforcé l’autocensure et limité le blasphème, dénoncent ses défenseurs.

Le procès des complices de l’attentat de 2015 contre Charlie Hebdo, porte-étendard de l’irrévérence en France, s’est ouvert ce mercredi, et l’hebdomadaire satirique a décidé de republier les caricatures de Mahomet, celles-là même qui avaient fait de Charlie une cible des jihahadistes.

Pour l’avocat du journal, Richard Malka, les personnalités politiques de tous bords qui n’ont pas clairement soutenu le journal avant l’attentat dans son droit de critiquer la religion, sont les « complices intellectuels » des frères Kouachi.

« Le mobile du crime, c’est la volonté d’interdire la critique de Dieu, donc la liberté d’expression, donc la liberté tout court », déclare Richard Malka dans un entretien à l’hebdomadaire Le Point.

L’affaire Mila, une adolescente cible de menaces de mort pour avoir violemment critiqué l’islam, a remis en lumière, en janvier dernier, les désaccords ou les hésitations des Français sur le « droit au blasphème ».

Le temps où Léo Ferré chantait « Ni dieu ni maître » devant des salles combles semble loin. Seuls 50 % des Français interrogés sont favorables « à ce droit de critiquer, même de manière outrageante, une croyance, un symbole ou un dogme religieux ». La moitié y sont défavorables, notamment les plus jeunes, les musulmans et les protestants, selon un sondage Ifop pour Charlie Hebdo réalisé en février.

Lors de l’affaire Mila, la ministre de la Justice d’alors, Nicole Belloubet, a provoqué un tollé en dénonçant une « insulte à la religion », avant de rétropédaler pour rappeler « le droit de critiquer une religion ».

La une controversée de Charlie Hebdo brandie lors de la Marche républicaine, à Paris, le 11 janvier 2015. (Crédit : Glenn Cloarec/Times of Israël)

Une arme fréquente

« Où est passée la gauche libertaire, universaliste et laïque ? », interroge Richard Malka. « Pourquoi cette gêne ? On peut être férocement antiraciste, comme l’a toujours été Charlie, et radicalement blasphémateur. C’est même recommandé. »

Dieu Lui-même en a fait les frais sur Twitter. Le compte humoristique « Dieu officiel » (@_dieuoff), suivi par 1,2 million d’abonnés, a été dénoncé en juillet par des centaines d’utilisateurs, qui le considèrent comme blasphématoire et réclament sa suppression.

Le titulaire du compte assure pourtant que ce Dieu (plutôt catholique) « ne critique aucune religion ». Considérant que « l’humour s’est un peu essoufflé ces dernières années », il tient à rester discret et s’est adjoint un conseiller qui relit ses blagues avant publication.

La France a pourtant été la première nation d’Europe à abolir le délit de blasphème, après la Révolution de 1789. La loi Pleven de 1972 précise qu’on ne peut pas insulter une personne ou un groupe de personnes à cause de leur appartenance religieuse. Mais insulter les religions ou un dieu reste possible.

En visite à Beyrouth, le président Emmanuel Macron a d’ailleurs défendu mardi soir « la liberté de blasphémer » en France, « qui est attachée à la liberté de conscience ». « Demain, nous aurons tous une pensée pour les femmes et les hommes lâchement abattus » en janvier 2015, a-t-il ajouté.

À travers le monde, l’accusation de blasphème est redevenue une arme fréquente dans les mains des religieux, depuis l’appel au meurtre lancé par la république islamique d’Iran contre l’écrivain Salman Rushdie, en 1989.

Au Pakistan, la jeune chrétienne Asia Bibi, d’abord condamnée à mort pour blasphème, a finalement été acquittée, mais un ressortissant américain a été assassiné en juillet dans un tribunal où il comparaissait pour blasphème. Ce pays a d’ailleurs condamné avec « la plus grande fermeté » mardi soir la republication par Charlie Hebdo des caricatures de Mahomet.

Des femmes iraniennes manifestent contre la publication des « Versets sataniques » de Salman Rushdie, le 17 février 1989. (Crédit : NORBERT SCHILLER / AFP)

« Discours qui heurtent »

En Hongrie, en mai, un caricaturiste a été menacé par le parti au pouvoir pour un dessin sur Jésus, le gouvernement expliquant ensuite qu’il « défendait les droits des chrétiens ».

Ailleurs, c’est parfois l’autocensure qui s’exerce : le diffuseur américain du dessin animé South Park a retiré de son catalogue en ligne les cinq épisodes qui évoquaient le prophète de l’islam, Mahomet.

« L’anticléricalisme ou l’athéisme est de plus en plus considéré comme offensant. Ce n’est plus à la mode, ce n’est plus le sens de l’histoire », explique la professeure de théologie politique Anastasia Colosimo. « On vit depuis la fin des années 1970 un retour du religieux qui crée des oppositions extrêmement fortes. Il y a une volonté de retrouver une identité, un sens dans un monde qui est jugé insensé ».

« On a plutôt un renforcement du recours au religieux », souligne le rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité, Nicolas Cadène. « La société continue à se séculariser, alors il y a une volonté de la part de certains croyants d’une réaffirmation très forte. Et ils ont encore plus de mal à admettre la critique de cette identité. »

« La liberté d’expression n’est pas là pour protéger des discours tendres et sympathiques », ajoute Anastasia Colosimo. « Elle est là pour protéger les discours qui heurtent, choquent ou inquiètent. » Si on évacue ces discours de l’espace public, on finit par les retrouver différemment, en paroles encore plus violentes, ou en actes. »

« Il est important de faire de la pédagogie sur ce qu’on a le droit de dire ou de ne pas dire », poursuit Nicolas Cadène. « Pourquoi interdit-on Dieudonné et pas d’autres ? Il faut expliquer ce qu’est le négationnisme », à l’école notamment, avec l’enseignement moral et civique « qui doit pousser à la confrontation des idées entre élèves, dans le respect mutuel ».

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