À Columbia, le double cursus avec l’université de Tel Aviv inquiète des étudiants
Les autorités universitaires des deux pays assurent que le double cursus n'est pas remis en cause, mais des étudiants doutent et craignent d'aller en cours avec "des gens qui veulent ma mort"
Aux Etats-Unis, des manifestations pro-palestiniennes et anti-Israël se sont emparées des campus, et des militants de l’Université Columbia s’en sont pris à un tout récent double cursus de licence, en partenariat avec l’Université de Tel Aviv. Ils exigent que leur université mette un terme à ce double cursus, comme signe d’un désinvestissement total vis-à-vis d’Israël voire de toute personne faisant des affaires avec l’État juif.
De part et d’autre de l’Atlantique, des voix assurent qu’il y a peu de risque que le cursus soit affecté, mais les menaces et manifestations perturbent profondément les étudiants et membres du personnel israéliens, à New York comme à Tel Aviv.
« Je ne vais pas dire que c’est sans impact sur nous… La campagne d’inscription est très délicate, presque explosive, cette année pour les écoles internationales », explique la professeure Milette Shamir, vice-présidente internationale de l’Université de Tel Aviv mais aussi co-conceptrice et responsable du double cursus en question.
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La double licence avec l’Université de Tel Aviv n’existe que depuis quatre ans, et la toute première promotion sera diplômée à la fin de cette année universitaire. Les étudiants font deux ans à Tel Aviv et deux ans à New York, et sortent diplômés en licence des deux universités.
Ce cursus très sélectif accepte entre 30 et 40 étudiants chaque année, ajoute Shamir, surtout des Juifs ou des Israéliens-Américains. Elle précise que, compte tenu des manifestations sur le campus, les étudiants déjà informés de leur acceptation pour la rentrée prochaine vont devoir confirmer leur choix.
« Parmi les élèves déjà sur place, certains ont peur ou ne se sentent pas à l’aise. Ils sont nombreux à se sentir perturbés », dit-elle au sujet de l’ambiance qui règne sur le campus de Columbia, point focal du mouvement étudiant des manifestations anti-Israël. Lundi, à cause de l’agitation sur le campus, Columbia a annoncé l’annulation de la principale cérémonie de remise des diplômes prévue le 15 mai.
L’administration de Columbia assure que la double licence avec l’Université de Tel Aviv ne sera pas interrompue, et Shamir est d’avis qu’il y a peu de risques que les manifestations sur le campus mettent fin au partenariat.
Elle parle de l’université new-yorkaise comme d’un campus cosmopolite et dynamique avec « des poches d’activités pro-palestiniennes radicales… Il faut se garder de juger les universités sur les quelques personnes les plus radicales. »
Des Israéliens nombreux dans les programmes d’études générales
Les manifestations à l’Université de Columbia – tentatives d’installation de campements pro-palestiniens et de prise de contrôle d’un bâtiment ayant conduit à des centaines d’arrestations – perturbent bon nombre d’étudiants juifs et sionistes, face à ce qu’ils qualifient de discours antisémite et d’atmosphère de haine. Les étudiants israéliens – ceux qui suivent le double cursus mais aussi les autres – disent se sentir particulièrement menacés.
Les étudiants de l’université de Columbia ressentent « la même pression que tous les autres étudiants israéliens », ni plus ni moins, estime Inbar Brand, étudiante en double diplôme qui a « joué un rôle actif » dans les activités pro-israéliennes sur le campus de New York.
« Les groupes de protestation sur le campus s’en prennent en priorité aux étudiants israéliens et à ceux qui font le double cursus. Les étudiants juifs ressentent beaucoup de pression, mais cela dépend finalement de l’intensité de leur lien à Israël et de leur sensibilité au discours anti-sioniste qui circule sur le campus », précise-t-elle.
De nombreuses manifestations ont pris pour cible l’École d’études générales de l’Université Columbia, un établissement distinct de Columbia conçu pour « les étudiants en reprise d’études ou avec des profils atypiques, à la recherche d’un diplôme de premier cycle d’excellente qualité d’un établissement de l’Ivy League », comme l’explique son site Internet. C’est aussi cet établissement, qui concentre près de 30 % des étudiants de premier cycle de Columbia, qui abrite le double cursus avec l’Université de tel Aviv, et c’est aussi là que nombre d’Israéliens de Columbia se retrouvent.
Les études générales « ont toujours attiré les Israéliens parce qu’après l’armée, ils sont un peu plus âgés » et s’intègrent mieux ainsi, explique Shamir.
« Cela explique que ce soit devenu le centre d’intérêt des manifestants – ils estiment que c’est un établissement favorable aux Israéliens », ajoute-t-elle.
Parmi ces Israéliens qui étudient à l’École d’études générales, il y a Maya Platek, une Israélienne qui a fait son service militaire dans les services du porte-parolat de Tsahal et qui a récemment été élue présidente de l’assemblée étudiante. Elle est actuellement en premier cycle mais pas dans le cadre de la double licence avec l’Université de Tel Aviv.
Aux yeux de Brand, son élection est un « signe encourageant », liée au fait qu’étudiants israéliens et juifs sont allés voter en bien plus grand nombre que d’ordinaire compte tenu de la situation. Mais elle se dit « déçue » par la direction de Columbia, à laquelle elle reproche de ne pas en faire assez pour « faire entendre » les opinions israéliennes et juives, en particulier en ce qui concerne les études sur le Moyen-Orient, un domaine qui attire un grand nombre d’étudiants en double cursus.
Au Times of Israel, Columbia explique que l’université « accueille avec plaisir les étudiants, professeurs et membres du personnel israéliens sur le campus et est fière de leur contribution au renom de la communauté de Columbia dans son ensemble ».
« Nous tirons par ailleurs le plus grand bénéfice de notre double cursus avec l’Université de Tel Aviv, que nous allons continuer de soutenir de tout notre cœur », a indiqué l’université.
Shamir, de l’Université de Tel-Aviv, souligne que la doyenne de l’École d’études générales, la Dre Lisa Rosen-Metsch, est « une partenaire formidable, très engagée », impliquée dans le groupe de travail sur l’antisémitisme sur le campus, et que la présidente de l’Université Columbia, Minouche Shafik, a récemment tenu à visiter le programme d’études en alternance, en signe de « soutien et de détermination à poursuivre ce double cursus, tout comme les relations avec l’Université de Tel Aviv ».
Brand estime que les étudiants de Tel Aviv forment « un groupe très soudé et qui communique bien avec la communauté de Columbia dans son ensemble ».
« Nous sommes nombreux à fournir un énorme travail en ce moment… En notre qualité d’étudiants israéliens et juifs, nous sommes devenus des témoins et des reporters à plein temps de ce qui se passe en ce moment », analyse-t-elle. « Je suis chaque jour plus fière de mon cursus et de ses étudiants. »
Des étudiants déterminés
À Tel-Aviv, Ezra Horton, 21 ans, étudiant en première année de ce cursus, suit avec grand intérêt les manifestations à Columbia, même s’il ne pense pas partir pour New York avant une bonne année.
« Même à Tel Aviv, nous ressentons l’impact », assure-t-il. « Ces manifestations sont inquiétantes et donnent un sentiment général d’insécurité pour les Juifs, en particulier ceux qui prennent part à ce cursus. »
A propos des manifestations de Columbia, il déclare : « L’une des choses qui m’a vraiment marqué, ce sont les appels à l’Intifada. J’ai l’impression que ce sont des appels à la guerre… un appel direct à la violence contre tous mes amis en Israël. Comment aller en cours avec des gens qui veulent [ma] mort… Cela fait peur. »
Lui qui se présente comme un « juif queer » estime que la présence de membres de la communauté LGBTQ dans les rangs des manifestants est « particulièrement blessante », car en soutenant le Hamas, ils « appellent à la confiscation des droits des homosexuels en Israël ».
Même s’il ressent de l’appréhension à l’idée de passer deux ans à Columbia, il dit aussi : « Il faut malgré tout que j’y aille … Il faut que je me montre plus fort que ce qui se passe là-bas. »
Issy Lyons, 21 ans, elle aussi étudiante en première année, note que l’Université de Tel-Aviv offre aux étudiants la possibilité de terminer leur diplôme à Tel Aviv sans avoir besoin d’aller à New York.
« C’est l’un de nos principaux sujets de conversation en ce moment : doit-on aller là-bas, nous battre et nous mêler à cela, ou devons-nous rester à Tel Aviv ? Tout le monde est très inquiet », confie-t-elle.
« Un des étudiants est revenu à Tel Aviv : ce qui se passe à Columbia était trop pour lui, il y avait trop d’antisémitisme sur le campus », ajoute-t-elle. « Pour nombre d’étudiants, il faut se défendre, jour après jour. Cela leur pèse vraiment. »
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