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A Ryad, les réformes sociales pas au goût de tous

Sous l'impulsion de MBS, l'Arabie saoudite a connu des changements sociaux dans un pays connu pour son rigorisme religieux, la séparation des sexes et la rareté des divertissements

Mashael al-Jaloud, 33 ans et responsable de ressources humaines, marche devant des Saoudiens vêtus de la tenue traditionnelle, elle-même sans abaya, à Riyad, le 3 septembre 2019. FAYEZ NURELDINE / AFP)
Mashael al-Jaloud, 33 ans et responsable de ressources humaines, marche devant des Saoudiens vêtus de la tenue traditionnelle, elle-même sans abaya, à Riyad, le 3 septembre 2019. FAYEZ NURELDINE / AFP)

Dans le centre de Ryad, Ibrahim lance un regard de désapprobation au passage d’une jeune fille en jean serré à peine recouvert par une abaya. Pour ce Saoudien, les réformes sociétales ont été trop « rapides et brutales » dans le royaume ultraconservateur.

« Les fêtes bruyantes, la mixité, l’indulgence dans la tenue des femmes, leur permettre de fumer en public, tout cela ne peut se passer dans le pays abritant les deux lieux saints » de l’islam -La Mecque et Médine-, dit à l’AFP ce professeur d’arabe de 55 ans à la petite barbe blanche.

« Il y a toujours eu une sorte de dégénérescence cachée, comme dans tous les pays, mais désormais c’est au grand jour », juge ce père de cinq enfants qui a préféré ne pas donner son nom de famille. Il se dit partisan d’une liberté « sous contrôle ».

Sous l’impulsion du prince héritier Mohamed ben Salmane, l’Arabie saoudite a connu depuis 2017 des changements sociaux dans un pays connu pour son rigorisme religieux, une stricte séparation des sexes et la rareté des divertissements décriés par les conservateurs.

Les femmes ont été autorisées à conduire, à assister à des matches dans les stades ou à des concerts de musique aux côtés des hommes. Les cinémas ont rouvert, les spectacles pour les jeunes se multiplient et l’activité de la police des moeurs a été réduite.

Des Saoudiens dans un centre commercial ouvert pendant l’heure de la prière, le 14 août 2019. (Crédit : AFP)

Qualifié par certains de Woodstock saoudien, le festival américain de musique référence de la génération hippie de 1969, Ryad a accueilli fin 2019 le « MDL Beast », présenté comme le plus grand événement musical jamais organisé par le royaume.

Pendant trois jours, des DJ internationaux ont fait retentir la musique et danser des milliers de personnes en plein air, y compris des filles pour beaucoup non voilées.

« Effacer l’identité »

Le prince héritier saoudien Mohammed bin Salman s’exprime devant la conférence des Initiatives futures d’investissement à Ryad, en Arabie saoudite, le 24 octobre 2018. (Crédit : Agence de presse saoudienne via AP, File)

Même si de nombreuses restrictions restent en vigueur, en particulier pour les Saoudiennes toujours largement sujettes à la tutelle masculine, cette ouverture a été applaudie surtout par les jeunes qui se réjouissent de retrouver les divertissements, devenus monnaie courante dans d’autres pays du Golfe.

Des responsables religieux proches du gouvernement ont approuvé ces changements jugés non contraires à l’islam. Quant aux conservateurs qui désapprouvent, ils se gardent généralement d’émettre toute critique publique.

Des militants ont rapporté l’arrestation du religieux Omar al-Muqbil pour avoir accusé les responsables chargés d’organiser les spectacles « d’effacer l’identité originelle de la société saoudienne ».

Les voix critiques du gouvernement, elles, restent dans le collimateur des autorités. Plusieurs dissidents, dont des militantes féministes appelant à plus de droits, restent détenus.

« Le problème ce n’est pas le changement en lui-même, mais le fait qu’il ne soit pas progressif, qu’il soit soudain et rapide », estime un fonctionnaire de 47 ans en sirotant un café dans un restaurant près de Ryad.

« Je refuse que mes enfants aillent à ce genre de fêtes. Mais je ne sais pas s’ils partent à mon insu, tout est devenu possible », confie ce père de quatre adolescents, dont deux filles.

« D’une extrême à l’autre »

Même parmi les jeunes, les changements ne font pas que des heureux. « Le problème n’est pas dans la politique mais dans (le comportement) des gens », dit Abderrahmane, un avocat de 26 ans.

Pour ce jeune homme à l’allure gracile et la barbe rasée de près, l’inhibition des dernières décennies a conduit une frange de la société à des « dérives morales ».

Manar Sultan, une étudiante de 21 ans, regrette que l’ouverture ait eu lieu sans que la société n’y ait été « préparée ». « Nous sommes passés d’un extrême à l’autre en un clin d’œil ».

« Le changement est très fragile. Beaucoup de gens le soutiennent et beaucoup d’autres s’y opposent », observe un diplomate basé à Ryad, disant craindre des frictions entre les deux camps.

Plusieurs voitures appartenant à des femmes ont été incendiées, selon les médias locaux qui accusent des extrémistes opposés à ce qu’elles conduisent.

Une Saoudienne prend des cours de moto au Bikers Skills Institute, en périphérie du Ryad, le 3 juin 2018. (Crédit : AFP/ FAYEZ NURELDINE)

Dans ce qui a été perçu comme la première campagne de rappel à l’ordre moral depuis l’assouplissement des restrictions, les autorités ont arrêté en décembre une centaine de personnes pour « indécence » ou port de « vêtements inappropriés ».

Pour un responsable saoudien, qui a requis l’anonymat, « les Saoudiens ont besoin (de ces réformes) pour qu’ils aient le sentiment de mener une vie normale ».

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