À Tel Aviv, la boutique de chapeaux de l’ancien quartier textile ouverte depuis 80 ans
Les Chapeaux de Dalia, entreprise plurigénérationnelle, se trouve au même endroit depuis des décennies, ilot de persistance au sein d'un quartier en pleine mutation
Yael Menahem avait grand besoin de se protéger du soleil, après avoir oublié son nouveau chapeau dans le train, en cet après-midi étouffant à Tel Aviv. Cette élégante dame aux cheveux noirs crépus avait encore beaucoup d’achats à faire.
C’est là que Dalia Varman, propriétaire des Chapeaux de Dalia, magasin à la modeste devanture situé rue Nahalat Binyamin, est passée à l’action.
Amicale et pragmatique, Varman fait tout pour que ses clients se sentent chez eux. Elle va et vient dans sa boutique de 17 mètres carrés qui déborde de fedoras, Panamas, bonnets, chapeaux melons et autres chapeaux de soleil pour femmes. Elle s’occupe de sa cliente avec une grande simplicité.
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Quelques questions lui suffisent pour proposer une sélection adaptée de chapeaux, de différentes matières et différents styles, qu’elle déploie devant sa cliente. C’est un habile mélange de rubans, sangles et autres accessoires. D’un geste assuré, elle relève ou incline un chapeau pour qu’il tombe à la perfection.
Après avoir essayé plusieurs chapeaux et s’être regardée dans les miroirs déployés dans le magasin, sa cliente – Menahem – en trouve un à son goût et l’affaire est ainsi faite.
Contemplant avec affection son petit magasin, Varman confie : « Il n’est pas impossible qu’il soit dans la famille depuis 120 ans, soit trois générations ».
Ses grands-parents avaient en effet une entreprise de chapeaux à Lodz, en Pologne, avant la guerre.
Le père de Varman a immigré dans la Palestine pré-étatique, où il a rencontré celle qui allait devenir son épouse et la mère de Dalia, une sabra. Ils ont ouvert leur boutique de chapeaux en 1942, dans laquelle Varman a grandi.
C’est cette même minuscule boutique que dirige aujourd’hui Varman sous le nom hébreu Dalia Covaïm (Les Chapeaux de Dalia). Ce magasin est un peu anachronique, l’un des tout derniers de ce qui fut le quartier de la confection de Tel Aviv, à Nahalat Binyamin, aujourd’hui un haut lieu de la vie artistique.
Situé à deux pas de la Bourse de Tel Aviv, le magasin cultive une image d’un autre temps, vendant des chapeaux de qualité mais « sans marque », revendique Varman. Ces dernières décennies, elle a créé sa propre ligne de chapeaux et couvre-chefs sur-mesure pour les femmes juives religieuses, même si elle est elle-même laïque.
Son offre est pratique et classique à la fois. Rien de trop original ou tendance, rien pour le camping ou les amateurs de plein air, uniquement des pièces robustes pour une clientèle urbaine ou de vacanciers, avec quelques articles plus chics pour des occasions spéciales ou les fêtes.
« Nos prix sont très raisonnables », assure Varman. Selon les matériaux et les styles, les prix vont de 30 shekels pour une casquette de baseball de bonne qualité sans logo à 250 shekels pour un « chapeau d’hiver » fantaisie, fait d’une matière plus épaisse. Ses couvre-chefs et chapeaux sur-mesure pour femmes vont de 90 à 150 shekels environ.
Varman a peu de photographies ou de souvenirs du passé, si ce n’est une petite photo de sa mère, discrètement affichée sur le mur. Sa boutique a une petite présence sur Internet. Interrogée sur la vente en ligne, via un site dédié ou Esty.com, plateforme spécialisée dans les produits artisanaux ou personnalisés, Varman ne se dit pas intéressée.
Même si « les affaires ont bien diminué » au fil du temps en raison du développement du commerce en ligne et de l’évolution des goûts, le magasin a survécu, explique Varman, grâce à une clientèle fidèle et à son bon emplacement.
Mais il y a autre chose : son charisme, évident lors de la récente visite du Times of Israël peu de temps après Rosh HaShana, le Nouvel An juif.
Consciente du caractère saisonnier de son activité, elle sait qu’en dehors des moments où les gens font leurs achats avant les fêtes, les journées sont calmes.
Ce jour-là, le premier visiteur est un homme mince et jovial, qui reste dans l’encadrement de la porte. Il s’agit d’Amnon Clore, un artiste/acteur qui vit dans le quartier voisin de Neve Tzedek.
Varman explique qu’il passe souvent s’occuper de la vitrine. C’est également lui qui a créé la modeste page Facebook de la boutique.
C’est ensuite au tour d’Igal Babayof, gentleman très distingué de Tel Aviv venu accompagner Menahem, le client précité qui avait besoin d’un nouveau chapeau.
Babayof, qui a été styliste et coiffeur au début des années 60, fréquentait déjà cette boutique quand il était enfant, lorsqu’il accompagnait son père venu y acheter ses chapeaux. « C’est ici que viennent les nostalgiques », assure-t-il.
La vitrine éclairée est éblouissante de nuit, confie-t-il : « tous les gens qui se promènent ici, les touristes la voient ». Un grand nombre des anciens magasins de tissus, kiosques et entreprises familiales ont laissé la place à des bars et restaurants branchés dont les tables empiètent sur les trottoirs, à la nuit tombée.
« On me dit souvent que je devrais ouvrir la nuit », confie Varman, en raison de la fréquentation nocturne du quartier, mais elle s’y refuse.
Les horaires de la boutique sont assez limités. Avec un employé à temps partiel depuis trente ans, Varman se dit semi-retraitée. L’enseigne à l’ancienne dit que la boutique est ouverte de 11 h à 17 h, du dimanche au jeudi (jusqu’à 15 h le mardi). Mais ceci est purement indicatif car, dit-elle en riant, « Je ferme quand je veux ».
Varman loue le fonds de commerce selon les termes du contrat conclu par ses parents, il y a de cela presque 80 ans. Dans ce système, hérité du mandat britannique, le locataire versait un acompte puis des mensualités fixes lui donnant droit d’usufruit d’un bien, sans jamais en acquérir la propriété. Ces droits se sont transmis sur trois générations.
Varman admet qu’elle ne pourrait pas continuer son activité si elle devait louer aux conditions actuelles du marché. En outre, ses enfants ne souhaitent pas reprendre le commerce. Mais elle n’a pas l’intention de fermer de sitôt. Lorsqu’elle fermera définitivement boutique, les droits reviendront au propriétaire de l’immeuble, qui, dit-elle, « vit à l’étranger ».
Des sept à huit magasins de chapeaux qui se trouvaient auparavant dans le quartier, celui de Varman est le dernier. Mais ce n’est pourtant pas le seul. En bas de la rue, un autre magasin de chapeaux a ouvert ses portes il y a environ un an, « Mais ils ne vendent que des marques », explique Varman. Loin de considérer le nouveau-venu comme un concurrent, elle dit qu’ils s’envoient mutuellement des clients, car « Il vaut mieux être amis qu’ennemis ».
Les Chapeaux de Dalia se trouvent au 45 rue Nahalat Binyamin, à Tel Aviv. Téléphone : 03-560-8715. Heures d’ouverture : de 11h à 17h du dimanche au jeudi, de 11h à 15h le mardi, mais il est préférable d’appeler pour vérifier.
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