Israël en guerre - Jour 494

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Analyse

Abbas joue à un jeu malavisé, alors que le Hamas lorgne sur sa présidence

Le chef de l'AP parie apparemment que les choses s'amélioreront sous une présidence Biden ou un second mandat Trump, mais la population semble en avoir assez de lui

Avi Issacharoff

Avi Issacharoff est notre spécialiste du Moyen Orient. Il remplit le même rôle pour Walla, premier portail d'infos en Israël. Il est régulièrement invité à la radio et à la télévision. Jusqu'en 2012, Avi était journaliste et commentateur des affaires arabes pour Haaretz. Il enseigne l'histoire palestinienne moderne à l'université de Tel Aviv et est le coauteur de la série Fauda. Né à Jérusalem , Avi est diplômé de l'université Ben Gourion et de l'université de Tel Aviv en étude du Moyen Orient. Parlant couramment l'arabe, il était le correspondant de la radio publique et a couvert le conflit israélo-palestinien, la guerre en Irak et l'actualité des pays arabes entre 2003 et 2006. Il a réalisé et monté des courts-métrages documentaires sur le Moyen Orient. En 2002, il remporte le prix du "meilleur journaliste" de la radio israélienne pour sa couverture de la deuxième Intifada. En 2004, il coécrit avec Amos Harel "La septième guerre. Comment nous avons gagné et perdu la guerre avec les Palestiniens". En 2005, le livre remporte un prix de l'Institut d'études stratégiques pour la meilleure recherche sur les questions de sécurité en Israël. En 2008, Issacharoff et Harel ont publié leur deuxième livre, "34 Jours - L'histoire de la Deuxième Guerre du Liban", qui a remporté le même prix

Le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas (à droite), et le secrétaire général de l'Organisation de libération de la Palestine, Saeb Erekat (à gauche), assistent à la séance d'ouverture du 30e sommet de la Ligue arabe dans la capitale tunisienne Tunis, le 31 mars 2019. (Crédit : Fethi Belaid/Pool/AFP)
Le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas (à droite), et le secrétaire général de l'Organisation de libération de la Palestine, Saeb Erekat (à gauche), assistent à la séance d'ouverture du 30e sommet de la Ligue arabe dans la capitale tunisienne Tunis, le 31 mars 2019. (Crédit : Fethi Belaid/Pool/AFP)

Le 13 septembre 1993, le président américain Bill Clinton, accompagné du dirigeant de l’OLP Yasser Arafat et du Premier ministre israélien Yitzhak Rabin, se tenait sur la pelouse de la Maison Blanche et signait la Déclaration de principes, appelée « Accords d’Oslo ». (Le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Shimon Peres, était également présent, bien sûr, car son équipe avait été le fer de lance de l’accord). Vingt-trois ans et deux jours plus tard, une autre cérémonie de signature a eu lieu mardi dernier. Cette fois, cependant, les Palestiniens étaient manifestement absents – mais pas pour longtemps.

Quelques minutes après le début des festivités, le Jihad islamique a fait échouer la cérémonie en tirant des roquettes sur Ashkelon et Ashdod. Cette tentative de ruiner les célébrations de paix a été clairement inspirée par l’Iran, dont le but était d’envoyer un douloureux rappel de deux
choses : a) l’Iran ne permettra pas que le processus d’établissement de relations entre Israël et les États sunnites se poursuive pacifiquement ; et b) les accords de normalisation sont bien jolis et tout ça, mais la question palestinienne est bien vivante.

Malgré les roquettes, la cérémonie des accords d’Abraham de mardi a montré à quel point la question palestinienne a été écartée de l’agenda arabe. L’Autorité palestinienne et ses représentants politiques – principalement l’OLP et le Fatah – ont atteint leur point le plus bas. L’AP/Fatah n’a vraiment rien à offrir à l’opinion publique palestinienne. Il n’y a pas de négociations, les implantations s’étendent, il n’y a pas de véritable horizon politique, l’économie est dans un état terrible, la COVID-19 frappe durement la Cisjordanie et le fossé entre le Fatah et le Hamas reste inchangé.

Le ministre des Affaires étrangères Abdullah bin Zayed al-Nahyan et son homologue du Bahreïn Abdullatif al-Zayani au cours de la cérémonie des Accords d’Abraham, le 15 septembre 2020 (Crédit : AP Photo/Alex Brandon)

Le pire, c’est que les Palestiniens sont poussés dans un coin du Moyen-Orient et que la dernière carotte/le dernier bâton qu’ils avaient à offrir à Israël – les relations avec les États arabes – n’existe plus. Le président de l’AP, Mahmoud Abbas, de moins en moins pertinent, n’est actuellement pas confronté à une opposition sévère de l’intérieur, mais le public, les responsables politiques et même les factions armées comprennent tous que tant qu’il restera au pouvoir, rien ne changera.

Que feront les Palestiniens à partir de maintenant ? Premièrement, Abbas – et même le Hamas – n’a pas l’intention d’allumer les flammes et de générer plus de violence. Abbas ne croit pas à une quelconque escalade et le Hamas est trop occupé par la COVID-19 et la situation quotidienne à Gaza pour s’intéresser à une nouvelle série de combats. Les roquettes du Jihad islamique étaient également destinées à embarrasser les dirigeants de Gaza, qui ont mis un terme à la flambée.

Abbas et ses confidents de l’AP sont enclins à attendre. Expert en matière d’attente, le dirigeant a l’œil rivé sur les prochaines élections américaines et reste optimiste. Après ce que les dirigeants palestiniens ont qualifié de « trahison » par les EAU et le Bahreïn, des sources palestiniennes affirment qu’il prévoit que si Joe Biden gagne la présidence, la politique américaine au Moyen-Orient connaîtra un changement positif. Mais même si Trump est réélu, il s’est engagé auprès des Emirats à empêcher l’annexion par Israël des implantations et du reste des 30 % de la Cisjordanie alloués à Israël dans le plan de paix du président américain. Pour Abbas, cela signifie que Trump n’a plus grand-chose à offrir à Israël aux dépens des Palestiniens.

Montage : l’ancien vice-président américain Joe Biden s’exprime à Wilmington, Delaware, le 12 mars 2020, à gauche, et le président américain Donald Trump s’exprime à la Maison Blanche à Washington le 5 avril 2020. (Crédits : AP, archives)

Il se pourrait même – encore une fois, selon la stratégie apparente de l’AP – qu’un second mandat de Trump soit moins entravé par des calculs tels que ceux relatifs à sa base évangélique, et puisse prendre des mesures plus dramatiques face à Israël sur la question palestinienne.

En bref, Abbas et son entourage considèrent qu’il serait moins susceptible de prendre des mesures plus sévères à l’encontre des Palestiniens. Et donc, selon Abbas, le temps est du côté palestinien.

Cette évaluation est cependant probablement inexacte. Le temps n’est probablement pas du côté de l’AP et d’Abbas, en grande partie à cause de son emprise affaiblie sur la population palestinienne. Aucune troisième intifada ou coup d’État n’est prévu dans un avenir proche, et pourtant tout successeur qui se présente à l’élection du président de l’AP ou qui est nommé président de l’OLP se retrouverait dans une situation très désavantageuse pour l’opinion publique. L’opinion publique palestinienne en a assez de l’AP et de son président, tandis que le Hamas est considéré comme capable d’extorquer des résultats à Israël. Ce qui soulève la question de ce qui se passera le lendemain d’Abbas : une éruption de violence ? De véritables élections pour la présidence palestinienne ?

Divers commentateurs palestiniens s’attendent au scénario des élections, dans lequel les Palestiniens accepteraient des élections sans Jérusalem-Est, ne serait-ce que pour éviter le chaos (fauda). Certains pensent que le Fatah essaierait de faire capoter les élections, bien que cela pourrait retourner l’opinion publique contre lui et laisser les Palestiniens sans leader.

Mais si de vraies élections (pour la première fois depuis 2005) ont lieu, il y a des chances que le représentant du Hamas gagne – pas un membre du Hamas, pour être clair, mais quelqu’un soutenu par lui. Le Fatah est divisé de l’intérieur, et il serait difficile de s’entendre sur un candidat unique à la présidence.

Le leader de la branche du Tanzim du Fatah Marwan Barghouti et ses partisans insistent sur le fait qu’il se présenterait à la présidence malgré son incarcération par Israël pour des meurtres lors de la seconde Intifada, alors que d’autres hauts fonctionnaires qui visent le haut du pavé – y compris Jibril Rajoub, Majed Faraj et Mahmoud al-Aloul – sont en profond désaccord les uns avec les autres. Cette scission du Fatah pourrait donc bien ouvrir la voie à la victoire pour un candidat soutenu par le Hamas.

Finance Minister Yuval Steinitz (right) meets with PA Prime Minister Salam Fayyad as they sign an economic agreement in Jerusalem on July 31 (photo credit: Moshe Milner/GPO/Flash90)
Le ministre des Finances d’alors Yuval Steinitz (à droite) rencontre le Premier ministre de l’Autorité palestinienne Salam Fayyad pour signer un accord économique, le 31 juillet 2012.(Crédit : Moshe Milner/GPO/Flash90)

L’un des noms cités à plusieurs reprises comme candidat de premier plan est celui de l’ancien Premier ministre de l’AP, Salam Fayyad, qui est considéré comme exempt de corruption et qui a forgé des relations constructives avec plusieurs personnalités israéliennes de haut rang, dont l’ancien gouverneur de la Banque d’Israël, Stanley Fischer, alors qu’il cherchait à construire les bases institutionnelles d’un futur État palestinien.

Il est prématuré de suggérer avec certitude que cela se produira, et impossible de savoir comment Israël réagirait si cela avait lieu. Ce qui est certain, c’est que l’arène palestinienne, même après la « nouvelle aube » de mardi (comme le voient Israël, ses nouveaux partenaires du Golfe et les États-Unis) ou la grande « trahison » (comme le qualifient les Palestiniens) est aussi fragile que jamais… ce qui est loin de servir les intérêts d’Israël.

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