Affaire Halimi : pourquoi Me Buchinger veut la requalification de l’assassinat en « crime antisémite »
Me Alex Buchinger explique pourquoi il attend la requalification du mobile comme "antisémite" malgré le fait qu'aucun témoin ne rapporte de propos antisémites lors de l'assassinat
Journaliste Société-Reportage
Times of Israël : Qu’attend-t-on aujourd’hui dans l’affaire Sarah Halimi ?
Me Alex Buchinger : La prochaine étape qu’on attend, bien sur, c’est le rapport de l’expert psychiatre Daniel Zagury qui déterminera si Traore était en possession de ses moyens quand il a assassiné Sarah Halimi.
L’expert est aujourd’hui dans le délai légal, qui s’étend jusqu’au mois d’août. Mais maintenant que ça secoue dans tous les sens, que la presse s’empare du problème je pense qu’ils ont compris qu’il fallait accélérer. Je pense que l’on aura une réponse courant du mois de juin.
Croyez-vous en l’irresponsabilité pénale de Kobili Traore, l’assassin présumé de Sarah Halimi ?
Il n’a pas d’antécédent psychiatrique. Il a été condamné à de très nombreuses reprises, et jamais il n’a été question d’irresponsabilité pénale donc on peut en douter.
Mais il y a un autre élément important : après l’avoir torturée, juste avant de la jeter du balcon, il a eu la présence d’esprit de crier “attention il y a une femme qui va se suicider”.
En bas la police qui braquait le balcon avec un projecteur ne voyait pas la scène. Est-ce la manière d’agir d’un homme en délire ?
Si on n’avait pas eu ce témoin visuel qui, habitant un étage plus haut avait une vue plongeante, Traore aurait pu plaider qu’elle s’était jetée elle-même du balcon.
D’autre part, je suis convaincu qu’il a prémédité son crime, car il a utilisé le seul moyen d’entrer chez elle, depuis l’immeuble où il se trouvait, en passant par le balcon de ses amis maliens, ceux qui ont appelé la police.
Leur balcon donne accès à celui de Sarah Halimi qui habite pourtant dans une autre montée de la résidence, à laquelle Traore n’avait pas accès. De plus, il ne s’en est pas pris aux autres voisins qu’il a croisés, ni a ses amis maliens, qu’il a par ailleurs terrorisés. Il est allé chez elle.
Envisagez-vous un recours si l’expert détermine l’irresponsabilité de Traore ?
Bien sur. Nous avons la possibilité de solliciter une contre-expertise, et, si le résultat ne nous convient pas, il existe un deuxième recours, la nomination d’un collège de trois experts.
Si le caractère islamiste peut s’appuyer sur des témoignages et des faits, qu’en est-il du mobile antisémite dont vous attendez que le juge d’instruction requalifie le crime ? A-t-on entendu, par exemple, Traore prononcer des paroles anti-juives ?
Les témoins, au nombre de 5 ou 6, ont entendu beaucoup de paroles islamistes. Mais le mot juif n’a pas été entendu par les témoins, il l’a traité de tous les noms mais pas de juive, ou de “sale juive” non, ce qui ne veut pas dire que pendant les moments de torture et de barbarie, il ne l’a pas fait.
D’autre part, le caractère islamiste est en effet très clair : le fait de traiter cette pauvre femme de Satan (“Sheitan”), de réciter des sourates du Coran, de crier Allah Akbar… Il voulait très certainement tuer une infidèle.
Alors pourquoi je parle d’antisémitisme ? Car il savait qu elle était juive. Très clairement. Elle habitait juste au-dessus de l’appartement de sa mère. Et des accrochages avaient déjà eu lieu. Il n’est pas allé par hasard chez la seule juive religieuse de l’immeuble.