Agression antisémite de Créteil : l’ombre du troisième homme
Houssame H., qui a fui vers l'Algérie quelques jours après les faits, aurait été le plus violent et véhément d'après les victimes
Une enfance « un peu dure », des petites amies juives… Devant les assises, les deux hommes jugés pour une agression antisémite à Créteil en 2014 nient tout racisme et accablent un troisième accusé en fuite, dont l’ombre a plané mercredi sur les débats.
« Je ne suis pas raciste, je suis tout sauf ça. Je ne suis pas raciste du tout », a répété Abdou Salam K., jeune homme athlétique âgé aujourd’hui de 26 ans, qui projetait d’intégrer l’armée.
La mère de son enfant, né six mois avant le violent cambriolage chez Jonathan et Laurine, est juive, raconte-t-il à la cour. « Un ami à elle a voulu me tester, il a dit qu’il emmènerait mon fils chez le rabbin », continue celui qui se dit musulman pratiquant. « Ça ne me dérangerait pas » mais « c’est le petit qui doit choisir sa religion ».
Lui et ses co-accusés sont jugés pour avoir violemment agressé en 2014 dans leur appartement de Créteil Jonathan, un jeune homme juif, et sa compagne, qui sera violée par l’un d’eux. Le verdict est attendu le 6 juillet.
M. Salam et le deuxième agresseur présumé présent à ses côtés dans le box l’assurent : c’est un troisième homme, Houssame H., qui a fui vers l’Algérie quelques jours après les faits, qui a tenu des propos antisémites pendant le cambriolage. « Les Juifs, ça ne met pas l’argent à la banque », « les Juifs, vous êtes là, vous tuez nos petits frères », aurait-il dit.
A l’audience mercredi, le président fait défiler des photos issues de son compte Facebook, datant de 2015. Houssame sur un jet-ski, Houssame pouce levé et tout sourire devant la mer… De cet homme aujourd’hui visé par un mandat d’arrêt, « peu intelligent », « armé de rien du tout » selon son père, on ne sait que peu de choses.
Dans l’appartement, il aurait été le plus violent et véhément d’après ses victimes. Outre les propos antisémites qu’il tenait en s’amusant à laisser tomber des couteaux sur le dos de Jonathan ligoté au sol, c’est lui qui amènera la dimension sexuelle à l’agression en suggérant qu’un de ses complices « prenne » la jeune femme, peu avant son viol.
« dans son regard »
Le viol, Ladje H., 21 ans, le conteste « à 1 000 % », avait-il dit mardi à l’ouverture du procès, les mains fermement appuyées sur le box.
En 2015, il a été découvert in extremis, pendu au grillage de sa cellule, à 30 cm du sol. « Je m’étais fait tabasser, c’était trop dur, le bruit que ça a fait cette histoire », explique-t-il, le regard cette fois baissé.
« Je suis accusé de viol alors que c’est pas moi ». Depuis dit-il, il ne sort plus de sa cellule, sauf pour les parloirs avec ses proches.
Grand, fin et « baraqué » comme dit le président, le jeune homme est issu d’une famille malienne polygame – 17 frères et soeurs – et a été éduqué à la dure. Il est envoyé pendant deux ans en école coranique au Mali pour apprendre « à être droit » à ses 12 ans, et à son retour, sa mère le laissera dormir sur le palier quand il rentre après l’heure du couvre-feu décrétée par ses parents.
Sur sa vie privée, ses réponses sont brèves. Sa petite amie actuelle le dit « calme et attentif », la précédente, juive, le décrit comme « adorable ».
Lui non plus n’est « pas raciste », prévient-il, mais la directrice de bâtiment de sa prison, « d’origine juive », « s’acharne » sur lui. Comment le sait-il ? « Des autres détenus qui sont là depuis longtemps me l’ont dit ». Et puis : « Je l’ai vu dans son regard, maintenant je reconnais », ajoute-t-il sous le regard atterré de l’avocate de la Licra, partie civile, qui l’interroge.
Les trois accusés viennent de la même cité de Bonneuil-sur-Marne. De Ladje, avec qui il n’échange aucun regard dans le box, Abdou Salam dit : « Je pensais que c’était un ami mais je me suis trompé ». Ce fils d’un diplomate sénégalais, qu’il connaît peu – lui n’est arrivé en France qu’à ses 18 ans – assure qu’il s’est « laissé entraîner ».