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Interview

Alexandre Arcady dirige le miroir sur l’antisémitisme en France

Après la sortie de son film sur le meurtre d’Ilan Halimi, Alexandre Arcady affirme qu’il ne veut pas que les Juifs émigrent

L'actrice française Zabou Breitman jouant Ruth Halimi dans de "24 jours" (Crédit : Autorisation Films Menemsha)
L'actrice française Zabou Breitman jouant Ruth Halimi dans de "24 jours" (Crédit : Autorisation Films Menemsha)

Le célèbre réalisateur français Alexandre Arcady a réalisé de nombreux films au cours de sa longue carrière, mais aucun, a-t-il révélé, n’était aussi difficile à porter à l’écran que « 24 jours, la vérité sur l’affaire Ilan Halimi ».

Le film, qui sort aux États-Unis le vendredi 24 avril, porte à l’écran le drame vécu par une famille de Juifs français (d’origine marocaine, la famille Halimi pendant les trois semaines et demi au début de l’année 2006 lorsque leur fils de 23 ans, Ilan, a été enlevé, torturé et assassiné par un gang de la banlieue de Paris enflammé par l’antisémitisme. (27 individus ont été arrêtés et jugés dans cette affaire).

Lors d’une récente entrevue téléphonique depuis son bureau de Paris, Arcady (lui-même un Juif français d’origine algérienne) a déclaré au Times of Israel qu’il était ému de réaliser un film fondé sur les mémoires écrites par Ruth Halimi, la mère de la victime.

Une phrase dans le livre a frappé Arcady et lui est apparu comme étant particulièrement importante. L’actrice Zabou Breitman, qui joue Ruth Halimi, la murmure vers la fin du film.

« Je veux que la mort de mon fils sonne l’alarme », dit-elle.

Avec le recul, nous savons qu’Ilan Halimi a été assassiné par le Gang des Barbares, nom sous lequel les auteurs du crime étaient connus, et cet événement s’est avéré – comme le craignait Ruth Halimi – être un tournant décisif en France et en Europe. Cet événement était le premier d’une série d’attaques violentes et meurtrières contre des Juifs en France et d’autres pays européens au cours de la dernière décennie.

Le meurtre de quatre juifs par un terroriste islamiste à l’Hyper cacher de Paris en janvier dernier n’avait pas encore eu lieu au moment où « 24 jours » a été achevé, mais d’autres attaques avaient eu lieu, comme celle où Mohamed Merah a tué quatre personnes (dont trois enfants) dans une école juive à Toulouse en mars de 2012.

Néanmoins, Arcady a eu beaucoup de mal à réunir les fonds nécessaires pour réaliser le film.

« C’était difficile à produire car le système de la justice française et les gens ne voulaient pas le voir comme un crime antisémite », a-t-il confié au sujet de l’affaire Halimi.

En effet, le film montre comment la police a auto-sabotée leurs efforts pour sauver le jeune vendeur de téléphone portable parce qu’elle a mis trop de temps à comprendre que le Gang des Barbares n’était pas une bande de criminels ordinaires qui serait susceptible de s’abstenir de tuer leur otage. En revanche, Ruth Halimi a déclaré qu’elle a su dès l’instant où les demandes de rançon et les menaces ont commencé à se référer à Ilan comme un « Juif » qu’ils ne le considéraient pas comme un être humain et le tueraient.

Alexandre Arcady arrivant à la cérémonie en hommage à Roger Hanin le 12 février 2015 (Crédit : AFP PHOTO / STEPHANE DE SAKUTIN )
Alexandre Arcady arrivant à la cérémonie en hommage à Roger Hanin le 12 février 2015 (Crédit : AFP PHOTO / STEPHANE DE SAKUTIN )

Comme cela a été précisé dans le documentaire « Les Juifs et l’argent », réalisé en 2013 par Lewis Cohen sur l’enlèvement d’Ilan Halimi, il a fallu beaucoup de temps avant qu’un tribunal français ne reconnaisse le caractère antisémite comme une circonstance aggravante dans l’assassinat de Halimi.

« Les gens ne voulaient tout simplement pas être associé à cette affaire, et cela m’a mis dans une position difficile », a déclaré Arcady.

Il a indiqué que la télévision publique française (France Télévisions) a refusé de soutenir son projet, même si ses lignes directrices de financement appuient le financement de films comme « 24 Jours ».

« Ils m’ont dit que ce serait tout simplement jeter de l’huile sur le feu si ce film était réalisé », a expliqué Arcady.

Sans se décourager, Arcady a réussi à rassembler les fonds nécessaires pour produire le film.

Mais après le film est sorti en France en 2014, certains exploitants de cinéma à travers le pays ont refusé de le diffuser.

Selon le réalisateur, seulement 250 000 personnes – un nombre très faible par rapport à la fréquentation moyenne des Français pour un film d’Arcady – ont vu « 24 jours » en France.

Le drame intense, mettant en scène des acteurs français de renom, a été diffusé à la télévision française, mais seulement sur des chaînes mineures qui ne sont pas regardées dans la plupart des maisons.

« [Le Premier ministre français] Manuel Valls m’a dit, ‘Votre film est un miroir dans lequel les Français ne veulent pas regarder », a-t-il confié.

Révolté par le crime antisémite et inquiet sur le fait que c’était essentiellement des membres de la communauté juive qui descendaient dans les rues pour manifester contre ce crime, Arcady a ressenti le besoin de faire quelque chose pour perpétuer la mémoire de Halimi.

« Je l’aurai regretté si on se souvenait plus du nom de Fofana [Youssouf de son prénom, le chef de file Gang des Barbares, un Français d’origine ivoirienne] que de celui d’Ilan », a-t-il confié.

La Famille et les amis assistent à une cérémonie commémorative sur la tombe d(Ilan Halimi, au cimetière de Givat Shaul à Jérusalem mle 13 février 2013 (Crédit : Tali Mayer / Flash90)
La Famille et les amis assistent à une cérémonie commémorative sur la tombe d(Ilan Halimi, au cimetière de Givat Shaul à Jérusalem mle 13 février 2013 (Crédit : Tali Mayer / Flash90)

Arcady a reconnu que l’antisémitisme continue d’être un problème en France, et que les crimes antisémites sur place sont de plus en plus violents.

Pourtant, il ne pense pas que la solution pour les Juifs soit de partir.

« Nous sommes des citoyens français. Le gouvernement est avec nous. C’est une lutte à laquelle nous devons faire face, et nous devons nous battre et ne pas quitter un territoire ouvert à l’antisémitisme », a-t-il affirmé.

« Je ne veux pas que les Juifs abandonnent la France », a-t-il conclu.

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